Synthèse par thèmes

Les fortifications médiévales et modernes

Les fortifications urbaines sont, à plus d’un titre, l’expression de l’histoire d’une ville. Au-delà de l’aspect militaire, elles reflètent son expansion ou ses régressions, les aléas de sa gouvernance et de ses alliances, le signe d’une puissance politique et économique régionale. 
Vue des fortifications du château Narbonnais en fin de fouilles, XIIIe-XVIe siècle.
Les fondations du château comtal à gauche sont près de la salle aux arcades de la grand-chambre, construite en 1492. Au centre, les vestiges de la tour de l’horloge au premier plan délimitent le fossé majeur à droite. Au second plan, on perçoit le rempart du XIIIe siècle conservé sur toute sa hauteur, entre les bâtiments anciens et nouveaux du palais de justice.
Cité judiciaire, Toulouse (Haute-Garonne), 2007.
À Toulouse pourtant, les témoignages écrits étaient souvent imprécis sur cette évolution de l’organisation défensive de la ville. L’archéologie préventive a, dans ce domaine, permis toute une série de découvertes fondamentales.

Remparts et fossés

Le rempart antique est resté jusqu'au XIIIe siècle la seule enceinte de la cité. Lors du ralliement de Toulouse à Charles le Chauve au IXe siècle, il est complété par un large fossé observé en plusieurs points de son tracé : Cité judiciairerue Romiguières, rue Labéda ou ancien hôpital Larrey. En 1999, la fouille de la Cité judiciaire en particulier a permis d’en connaître le profil, l’évolution et la chronologie. Il témoigne d’un pouvoir comtal fort installé sur la porte antique la plus imposante, sans doute déjà allié à une aristocratie urbaine elle aussi répartie sur les autres tours de l’enceinte gallo-romaine. Dès le haut Moyen Âge, et jusqu’au XIIIe siècle, les portes d’entrée de la cité cristallisent les enjeux : pouvoir épiscopal sur la porte orientale, pouvoir royal wisigothique près de la porte d’accès à la Garonne, pouvoir comtal à la porte Narbonnaise, pouvoir municipal installé enfin à la porte nord.
Au nord de la ville, le bourg grandissant autour de l’abbaye Saint-Sernin développe lui aussi un système défensif, d’abord rapproché, avec un fossé abbatial repéré au Musée Saint-Raymond, puis plus général jusqu’à la Garonne, confirmé sur le site de l’École d’économie. À la veille du conflit de la croisade albigeoise, l’émergence du consulat sous tutelle comtale permet d’associer ce bourg à une même ligne de défense, appelée « la commune clôture ». Les différents combats et sièges de la croisade contre les Albigeois lui infligent de graves dommages, mais elle y gagne de nouvelles portes et un dispositif défensif à la charge de la communauté : les lices. Le croisement des données obtenues lors des fouilles Place Arnaud-BernardCité judiciaireMétro Palais de justice, Métro François Verdier, Allées Paul-Feuga, Allées Jules-Guesdel'École d’économie, ont permis de comprendre ce système de lices : un grand espace est dégagé devant les remparts sur 80 m de large, entre un fossé majeur et un fossé extérieur plus restreint. Cette configuration, réactivée lors de la peur de la guerre de Cent Ans, montre que la défense d’une ville tient autant dans la solidité de ses remparts que dans les aménagements destinés à dissuader l’ennemi potentiel de les atteindre.

Le château Narbonnais

Localisé pour la première fois par les interventions archéologiques, le château comtal, emblématique et légendaire, apparaît comme le point fort de la défense commune. Sa position particulière pour une forteresse princière en a fait l’enjeu des sièges de la croisade, provoquant le creusement d’un fossé ponctuel à l’intérieur même de la ville et retrouvé sur le site Métro Salin. Les fouilles de la Cité judiciaire ont mis en évidence la croissance progressive du château vers le sud : la porte antique est modifiée, la ligne de défense est repoussée par plusieurs fossés successifs et un nouveau rempart est relié à une barbacane, devenue porte de ville. Ce rempart du château royal, de près de 400 m de long, vient ensuite englober un nouvel enclos jusqu’à la prison du site des Hauts-Murats.
À la fin du Moyen Âge, l’effort financier municipal se porte sur l’enceinte du bourg, la plus fragile car édifiée jusque-là en terre. Elle est progressivement reconstruite en briques, avec de nouvelles portes, comme celle découverte place Arnaud-Bernard , et un rempart encore partiellement conservé à l’Ecole d’économie, où d’énormes fosses à chaux illustrent l’ampleur de ces travaux. Sur l’enceinte gallo-romaine, les couronnements sont modifiés : le crénelage à ouvertures en plein cintre est visible sur le rempart dégagé au 10 de la rue Sainte-Anne.

L’abandon des défenses

La crainte d’autres conflits à l’époque moderne ajoute quelques modifications à ces fortifications médiévales. Des bastions ont renforcé les points névralgiques et le rempart du bourg a été adapté à l’artillerie. Cependant, dès le XVIe siècle, tous ces aménagements perdent peu à peu leur vocation défensive et militaire. Le château ancien est détruit au profit du parlement, dont les bâtiments englobent le mur d’enceinte antique et s’appuient sur le rempart médiéval, comme l’actuel palais de justice. Au XVIIIe siècle, les fossés sont définitivement bouchés pour créer les boulevards et les promenades du Jardin royal. Seule la création de l’Arsenal à la Révolution, sur l’emprise du couvent des Chartreux, va favoriser la conservation d’une portion du rempart du bourg. L’ancienne église Saint-Pierre-des-Cuisines sert alors de fonderie de canons.

Jean Catalo