Le niveau azilien en cours de fouille.
Trace fossile d'un cours d'eau (paléochenal), en brun, au premier plan.
Grouet, Pussigny (Indre-et-Loire), 2012-2013.
© Inrap
Trace fossile d'un cours d'eau (paléochenal), en brun, au premier plan.
Grouet, Pussigny (Indre-et-Loire), 2012-2013.
© Inrap
Description
Réalisée entre l'automne 2012 et le printemps 2013, la fouille de Grouet, sur la commune de Pussigny, a permis de mettre au jour plusieurs milliers de vestiges répartis sur une emprise de plus de 8 ha qui s'étire sur près d'un kilomètre de long, au fond d'un vallon humide. Les recherches ont principalement porté sur des haltes de chasseurs du Paléolithique, des sépultures sous tumulus du Néolithique, des habitats protohistoriques et médiévaux, et des aménagements hydrauliques gallo-romains.Résultats
Des haltes de chasseurs de la fin du PaléolithiqueTrois campements de la fin du Paléolithique supérieur, aux alentours de 11 000 ou 10 000 ans avant notre ère, ont été fouillés, chacun sur une surface d'une vingtaine de mètres carrés. Les silex taillés sur place ont été apportés depuis les vallées situées au nord-est du site. Plusieurs pointes en silex à dos courbe ont été confectionnées sur place, en bordure d'un cours d'eau dont on retrouve la trace fossile.
Des vestiges osseux ont été préservés au sein de deux campements, fait rare sur les sites de plein air en région Centre, où le contexte sédimentaire trop acide entraîne le plus souvent leur dégradation. L'occupation de la fin du Paléolithique supérieur présente 530 restes de faune, attestant la chasse de grands animaux (aurochs, cerfs) et leur découpe sur place. Un campement, attribué à l'Azilien, culture du Paléolithique final, a livré au sein d'un foyer en cuvette plusieurs centaines de fragments d'os brûlés. Il s'agit exclusivement de lièvres et de lapins, dont l'association est inédite pour la moitié nord de la France.
Habitats et sépultures du Néolithique moyen et final
Au nord de l'emprise, des fosses et des foyers à pierres chauffées étaient disposés en chapelet au fond du vallon, probablement le long d'un ruisseau. Pendant le Néolithique moyen (4 500 – 3 500 avant notre ère), un ensemble funéraire comprenait un groupe de trois monuments empierrés ou tumulus, et, un peu à l'écart, un petit coffre funéraire. Les ossements sont très mal conservés.
Au Néolithique final (3 500 – 2 500 avant notre ère), plusieurs ensembles de trous de poteau et de fosses permettent de supposer la présence d'un habitat.
Au sud, en périphérie d'une mare, une autre concentration de vestiges se compose de deux monuments empierrés du Néolithique final, dont la fonction funéraire est attestée pour l'un, et d'un ensemble de foyers à pierres chauffées et de trous de poteau.
Si l'on inclut les deux mégalithes connus dans le secteur, dont celui de la Pierre Levée, ainsi que les sites fouillés un peu plus au sud (nécropole du Vigneau et habitat du Fond d'Arrêt), le vallon de Grouet offre une concentration exceptionnelle d'occupations néolithiques.
Une occupation protohistorique discontinue
À l'âge du Bronze, les vestiges restent dispersés et peu nombreux. Parfois, seul du mobilier, trouvé dans les ruisseaux, indique indirectement une présence humaine dans les environs. Toutefois, plusieurs palissades curvilignes avec systèmes d'entrée semblent pouvoir être datées de l'âge du Bronze final.
À l'âge du Fer, au contraire, les nombreux vestiges découverts attestent clairement une forte occupation de ce fond de vallon.
Pendant le premier âge du Fer, l'occupation se concentre dans la moitié nord de l'emprise fouillée. La présence de bâtiments sur poteaux et de mobilier rejeté dans de grandes fosses évoque des espaces domestiques, ce que confirme le vase de stockage découvert en position fonctionnelle. À proximité, une incinération en urne a été fouillée.
Au second âge du Fer, l'occupation plus diffuse se situe plutôt au sud, surtout près de la mare. Elle est caractérisée par plusieurs silos de grande taille. L'un d'entre eux renfermait un squelette humain, déposé sur le fond.
La gestion de l'eau pendant l'Antiquité
Peu de vestiges immobiliers et mobiliers illustrent l'occupation antique. Celle-ci est pourtant d'un intérêt particulier, car centrée sur la gestion de l'eau. Le vallon a toujours été humide, mais ses habitants ont, à une date mal définie, entaillé profondément le point bas au sud pour accentuer son rôle de mare. Plusieurs systèmes de type qanat (galerie drainante souterraine) ont aussi été creusés. Le plus grand est attesté sur plus de 210 m de long. La profondeur des creusements et leur nature varient en fonction de la topographie naturelle du terrain, associant des tranchées et de véritables tunnels.
Un vallon fortement habité au début du Moyen Âge
La période allant du IVe – Ve siècle au XIe siècle est la plus importante du site, en raison du nombre de vestiges découverts. L'occupation semble y être continue, même si ses caractéristiques et son intensité restent très variables. La fin du haut Moyen âge (VIIIe – XIe siècles) correspond sans doute à l'occupation la plus dense avec l'implantation d'un petit hameau sur la moitié sud, autour d'une zone humide, et de plusieurs petits pôles secondaires d'habitat s'échelonnant le long du vallon. Près de 300 silos enterrés, de toutes tailles et profils, attestent l'importance du stockage des productions céréalières.
Deux souterrains refuges médiévaux
La présence de deux souterrains est une composante plus inhabituelle de ce site d'habitat médiéval, dans un environnement de vallon humide, a priori peu favorable à ce type de vestige. Les habitants ont néanmoins ressenti le besoin de creuser deux souterrains refuges à la fin du haut Moyen Âge. La friabilité du substrat dans lequel ils sont creusés et les effondrements qui en découlent, indique que ces souterrains ont eu une durée de vie restreinte. Leur utilisation reste incertaine. Le faible nombre de salles et leur étroitesse, les difficultés de circulation et les risques réels d'éboulements indiquent clairement une fonction de refuge plutôt que d'annexe à un habitat de surface. Ces structures témoignent du climat d'insécurité qu'a connu ce secteur du sud Touraine au début de la période troublée de la féodalité.
À partir du XIe siècle, l'habitat disparaît sans raison évidente et les terrains sont désormais dévolus à une utilisation agricole.