La fouille du parking vue depuis le nord. Les travaux du XIXe siècle n'ont épargné que des petits témoins de terre où sont conservés les vestiges. © S. Mathie, Inrap
Description
La fouille, réalisée en 2005 dans le quartier de la Joliette à loccasion de la construction dun parking avenue de la République, permet de suivre toute lhistoire dun quartier de Marseille, de la période grecque jusquà lépoque moderne.Le projet avait une emprise de plus de 5 000 m2 mais, à lissue des diagnostics archéologiques, seule une superficie de 200 m2 sest révélée intacte. En effet, les travaux titanesques liés au percement de la rue Impériale, au XIXe siècle, avaient détruit le reste.
La fouille a concerné deux zones distinctes : lune dans la rue Moisson, lautre au milieu de la rue de la République. Sa mise en œuvre, qui a nécessité dimportants moyens pour prévenir leffondrement des parois, a été extrêmement complexe.
Résultats
Avant la période hellénistique, des terrains cultivés
Les vestiges les plus anciens sont constitués de quelques traces de culture de la vigne, dont lexistence sur le territoire marseillais à lépoque grecque est largement démontrée.
Leur datation pose problème compte tenu du peu déléments trouvés. Quelques rares tessons de céramique à figures noires suggèrent que ces vestiges pourraient remonter au VIe siècle avant notre ère. La présence de ces traces de vignoble et labsence de constructions antérieures à la période hellénistique prouvent quà cette époque la ville ne sétendait pas encore jusque-là et que cette zone était consacrée à lagriculture.
La naissance du quartier à lépoque hellénistique
La zone commence à se lotir au IIe siècle avant notre ère, à lépoque hellénistique. Une première rue, daxe nord-sud et large de 5 m, relie la butte des Carmes à la calanque de la Joliette, soit une distance denviron 500 m. Son revêtement, maintes fois rehaussé, était constitué dépandages de graviers roulés ou concassés, intercalés ou mêlés avec de fines couches dargile.
Les archéologues ont aussi détecté le tracé dune rue secondaire, perpendiculaire, de même nature et de largeur inconnue. Des constructions apparaissent dans plusieurs secteurs, reprises dans les périodes suivantes et mal conservées. Il est donc difficile de les interpréter.
Une présence romaine fastueuse
Si la viabilisation et les premières constructions remontent à lépoque hellénistique, les niveaux de sol construits et lessentiel des réseaux de canalisation datent de lépoque dAuguste (27 avant notre ère - 14 de notre ère).
À lest de la première rue datant de lépoque grecque et à langle de lautre rue mise en évidence, la fouille a révélé lexistence dun petit bâtiment doté dun sol en béton de tuileau (fragments de tuiles). Ce bâtiment avait une forme carrée de 6,50 m de côté. Lexistence dun seuil à glissière (seuil dans lequel une saignée était destinée au coulissement de panneaux en bois) permet de dire quil sagissait dune boutique. Deux grandes jarres (dolia) étaient enterrées contre les murs. Une canalisation, abandonnée à la fin du Ier siècle, reliait lédifice au collecteur deau.
À louest de cette même rue, la fouille de la rue de la République et les surveillances effectuées lors des travaux du parking ont mis en évidence lexistence de quatre pièces adjacentes, pavées de sols en béton de tuileau. Lune delles, largement ouverte et décorée dune mosaïque, servait certainement de salle de réception. La situation de cette pièce au centre de linsula (ensemble immobilier délimité par les rues) permet de supposer que cet ensemble était en fait occupé par une seule et unique habitation (domus).
Labandon du quartier à lAntiquité tardive
Les installations romaines sont abandonnées au IIIe siècle.
Dans le courant du VIe siècle, les collecteurs des rues sont neutralisés par le percement dimportantes fosses qui rendent par là même la rue inutilisable. La disparition de cet axe majeur pour une période indéterminée indique que le quartier est alors abandonné. Les seules constructions de cette époque sont rudimentaires et évoquent de petits aménagements ruraux. Le quartier de la Joliette semble avoir été remis en culture.
Le retour à la vie à lépoque médiévale
Au XIIIe siècle, une ruelle traverse lancien quartier romain. Des parcelles étroites se disposent « en lanières » de part et dautre. Les structures des habitations (murs peu élaborés, sols en terre battue) les rapprochent des lotissements des faubourgs. Lapparente « reconquête » du quartier de la Joliette répond à laccroissement démographique caractéristique de cette époque.
Larrivée des établissements industriels
Entre la fin du XIVe siècle et le milieu du XVIe siècle, aucune trace dhabitation napparaît sur le site. Les façades médiévales sont récupérées et la zone, devenue successivement propriété des familles nobles des Vento et des Félix de la Reynarde est occupée par des jardins.
À la fin du XVIIe siècle, les premières industries marseillaises commencent à sinstaller dans cet espace vierge de construction quest devenu le quartier de la Joliette, telle la compagnie de lÉcarlate, fondée en 1570. À la même époque, les tanneries se multiplient au point que, dans les textes, le secteur est appelé quartier de la Cuiraterie.
Viennent ensuite rapidement les premières savonneries, puis les raffineries de sucre.