La prospection géophysique
Les méthodes géophysiques, initialement utilisées en géologie et dans la prospection minière ou pétrolière, constituent de nos jours un outil à part entière dans le corpus des techniques utilisées en archéologie.
Sur les tracés de la LGV Contournement Nîmes Montpellier et du Déplacement de l’autoroute A9 à la hauteur de Montpellier, elles ont été utilisées sur plusieurs sites avec des problématiques diverses.

Étude magnétique en cours sur la surface décapée du site de Saint-Gilles le Vieux à Aimargues (Gard). La mesure du magnétisme des sols permet de discerner certaines activités humaines telles que la chauffe ou la métallurgie du fer.
© Inrap.
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En dehors de la zone de fouille
Très souvent en archéologie préventive, les sites ne se limitent pas à la seule emprise de l’aménagement, qui cependant circonscrit la fouille. La vision restreinte qui s’ensuit risque alors d’induire une compréhension limitée de l’implantation humaine étudiée.
Le recours à la géophysique peut en partie pallier ce problème en permettant de repérer, de part et d’autre de la fouille, la suite des vestiges mis au jour par les archéologues.
Cette vision élargie du site et de son environnement peut être obtenue en mesurant des paramètres tels que la résistivité électrique ou le champ magnétique.
- Prospection électrique en cours sur le site de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault). Un courant...Prospection électrique en cours sur le site de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault). Un courant électrique est injecté entre deux électrodes plantées dans le sol et l’on mesure la différence de potentiel entre deux autres pour déterminer la résistivité électrique du sol.© Inrap.
- Interprétation issue de la prospection magnétique réalisée sur les parcelles situées entre le Mas de...Interprétation issue de la prospection magnétique réalisée sur les parcelles situées entre le Mas de Saint-Pastour et l’emprise de fouille à Vergèze (Gard). La prospection a révélé un possible chemin, des structures en creux, deux probables bâtiments et des structures de chauffe.© Guillaume Hulin, Inrap.
- Résultats de la prospection électrique sur le site de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault). La...Résultats de la prospection électrique sur le site de Pascale et Bérange à Mudaison (Hérault). La cartographie géophysique permet de prolonger les fossés observés lors de la fouille et de connaitre les limites du site.© Guillaume Hulin, Inrap.
- Étude magnétique en cours sur la surface décapée du site de Saint-Gilles le Vieux à Aimargues (Gard). La...Étude magnétique en cours sur la surface décapée du site de Saint-Gilles le Vieux à Aimargues (Gard). La mesure du magnétisme des sols permet de discerner certaines activités humaines telles que la chauffe ou la métallurgie du fer.© Inrap.
La méthode électrique
La méthode électrique est basée sur le fait qu’un vestige archéologique peut constituer un obstacle à la circulation d’un courant électrique envoyé depuis la surface du sol, ou bien au contraire faciliter son passage. En pratique, un courant électrique d’intensité connu est envoyé dans le sol par l’intermédiaire de deux électrodes et la différence de potentiel est mesurée entre deux autres électrodes ce qui permet de déterminer la résistivité électrique. L’opération est répétée tous les mètres pour couvrir l’ensemble du terrain. Il s’agit donc d’observer à la fois la résistivité électrique moyenne, mais surtout ses variations locales. Grâce à un traitement informatique des mesures réalisées sur le terrain, il devient possible de dresser une cartographie faisant ressortir tout ou partie des vestiges présents.
La méthode magnétique
Avec la méthode magnétique, il ne s’agit plus d’émettre un courant et d’observer ce qu’il devient, mais de mesurer le champ magnétique terrestre et de repérer ses variations, les anomalies susceptibles d’indiquer la présence d’un élément « non-naturel ». Il est connu que certaines structures archéologiques peuvent générer un champ magnétique qui leur est propre, et si le contraste par rapport au terrain environnant est suffisamment fort, une anomalie magnétique pourra être détectée en surface, menant à la localisation de la structure archéologique. Tout comme pour la méthode électrique, les mesures du champ magnétique doivent être faites avec un maillage fin (un profil tous les mètres ou tous les 50 cm) pour restituer au mieux les anomalies du sol.
Ce travail de détection, quelle que soit la méthode utilisée, n’a d’intérêt que si les anomalies repérées sont caractérisées d’un point de vue archéologique (datation, fonction, conservation). En effet, une anomalie linéaire pourra tout aussi bien correspondre à un fossé d’enclos gallo-romain qu’à une limite parcellaire moderne. L’identification des vestiges archéologiques réalisée par le travail de l’archéologue sur la zone de fouille permet, par extrapolation, d’apporter ces informations nécessaires à l’interprétation archéologique hors de la zone de fouille
Sur une surface décapée
La géophysique peut également apporter des informations sur les niveaux archéologiques au moment même de la fouille, directement sur la surface décapée.
Les vestiges mis au jour par les archéologues sont décrits et analysés à partir d’observations visuelles (couleurs, textures, inclusions…). Mais tout comme l’œil humain ne peut, d’un seul regard, distinguer un verre d’eau d’un verre d’alcool, le recours à d’autres capteurs peut s’avérer nécessaire pour préciser la nature de certains vestiges, leur contexte, l’utilisation qui en a été faite…
La mesure de paramètres géophysiques et notamment de paramètres magnétiques peut apporter des informations supplémentaires voire même déceler des vestiges totalement invisibles à l’œil nu (on parle alors de « fantômes magnétiques »).
Parmi les actions de l’homme pouvant créer ce genre d’impact, les plus évidentes sont celles liées à la chauffe (combustion, incendie) et au travail du fer. Ces deux actions « anthropiques » (relatives à l’activité humaine), de même que la présence de matières organiques, ont pour conséquence de fortement changer la teneur des sols en oxydes de fer – et donc leurs propriétés magnétiques – sans pour autant forcément modifier l’aspect visuel du sédiment.
Un éclairage précieux
Utilisée de manière raisonnée, la géophysique peut ainsi offrir une nouvelle vision de tout ou partie d’un site. Sans se substituer au travail de la fouille, qui demeure le seul à apporter des éléments essentiels comme la datation et la fonction des entités archéologiques, la cartographie géophysique constitue un outil à la disposition de l’archéologue, capable de fournir des réponses à des questions précises sur l’organisation spatiale d’un site.
Guillaume Hulin