Les méthodes

Une opération au cœur du conflit de 1914 - 1918

Le canal Seine-Nord Europe recoupe les principales lignes de front de la Grande Guerre, de l’offensive sur la Somme jusqu’à la bataille de Cambrai. Plus encore, le futur ouvrage traverse sur des dizaines de kilomètres les aménagements défensifs et les no man’s land compris entre les positions figées du début de guerre et les derniers retraits allemands sur la ligne Hindenburg en 1918.
Durée : 06'55''
Réalisateur : Philippe Fontenoy
Production : © Inrap - Gédéon - 2013
Des cicatrices nombreuses
Les cicatrices laissées dans le sol sont nombreuses : trous d’obus, tranchées, boyaux, abris de fortune, munitions de tous calibres et parfois des vestiges plus chargés d’émotion : les restes d’un corps enseveli et grêlés de shrapnell, une jambe dont le pied est encore chaussé de son croquenot de cuir ou encore quelques côtes retrouvées pêle-mêle dans des éclats d’obus… À ce jour, les restes de quinze corps ont été découverts et confiés aux services compétents. Les archéologues de l’Inrap qui travaillent dans le nord et l’est de la France sont habitués à ces rencontres insolites et les avaient intégrées en amont du projet scientifique de recherche sur le canal.
7000 structures liées au conflit
Le positionnement des cartes d’état-major sur les emprises du canal a permis de définir des « zones rouges » sur lesquelles les interventions de terrain ont été reportées, voire abandonnées, en raison de la présence d’importants dépôts de munitions (comme au Mont-Renaud, dans l’Oise, dans le secteur d’Allaines dans la Somme), ou de la nature des ouvrages défensifs qui ont parfois gommé toutes les traces de vestiges plus anciens. Un important travail topographique et cartographique a permis le recensement et la géolocalisation de plus de 7 000 structures liées au conflit. Cette base de données sera, au terme du projet, tenue à la disposition des chercheurs travaillant sur ce sujet.
Des journées de sensibilisation aux engins de guerre, animées par le service de déminage de la Somme rattaché au ministère de l’Intérieur, permettent à tous les archéologues de l’Inrap affectés sur le projet, de connaître les procédures et les gestes en cas de découvertes de munitions. En effet, depuis 2008, les démineurs de Picardie et du Nord Pas-de-Calais sont intervenus à 130 reprises sur les chantiers archéologiques du canal et ont neutralisé près de 7 tonnes de munitions !
Stage de sensibilisation aux engins de guerre au centre interdépartemental de déminage d’Amiens.
© G. Prilaux, Inrap
Des impacts sur 100 kilomètres
Aucune prescription de fouille ni expertise de ces vestiges ne sont actuellement envisagées. Cependant, au même titre que tout autre témoignage du passé, la prise en compte de cette strate sur le plan cartographique donnera l’occasion unique d’examiner sur plus de 100 kilomètres de long les impacts de la Grande Guerre sur un territoire où les combats ont été particulièrement intensifs.
Carte illustrant la position du canal Seine-Nord Europe, traversant la ligne principale du début de guerre (en vert) et le retrait allemand sur la ligne Hindenburg en 1918.
© C. Font, Inrap
Gilles Prilaux, Inrap