Vue aérienne des deux zones de décapage. De part et d'autres de canaux de dérivation du Bérange, les deux zones de fouille s'inscrivent dans le futur tracé de la ligne LGV.
Pascale et Bérange, Mudaison et Saint-Brès (Hérault), 2013.
© Drone Concept, Inrap.
Pascale et Bérange, Mudaison et Saint-Brès (Hérault), 2013.
© Drone Concept, Inrap.
Description
Le site de Pascale et Bérange concerne deux zones de respectivement 6 000 et 10 000 m², situées à cheval sur les communes de Saint-Brès et Mudaison, de part et d'autres de deux petits canaux de dérivation parallèles au cours d'eau Le Bérange.Des diagnostics réalisés entre 2009 et 2012 avaient révélé de nombreux vestiges datant de la Préhistoire récente et de la Protohistoire. La fouille archéologique qui s'est déroulée entre juillet 2013 et mars 2014 avait pour but de comprendre la nature des implantations humaines dans ce secteur.
Résultats
Enceintes à fossés et palissadesUn premier secteur, à Mudaison, concentrait des vestiges se rapportant à une occupation néolithique assez dense, située en bordure de cours d'eau. La fouille a confirmé la présence d'un vaste site du Néolithique final de tradition Fontbouisse (2800-2300 avant notre ère), dont la datation doit se situer dans la première moitié du troisième millénaire. Elle a aussi permis la découverte inattendue de lambeaux d'occupation de la fin du Paléolithique.
Les niveaux de sols occupés au Néolithique final ont été détruits par les travaux agricoles et l'essentiel des découvertes consiste en un réseau concentrique de fossés et de calages de palissades. Les vestiges mis au jour correspondent à plusieurs enceintes, qui marquent la succession d'occupations retranchées. Ces enceintes se traduisent au sol par des creusements linéaires, dont les formes courbes suggèrent l'existence de bastions, et par des tranchées de palissades, qui révèlent une entrée aménagée « en pince de crabe ». La fouille a permis d'appréhender entre la moitié et les deux tiers du réseau principal de fossés.
Le plan du site a pu être complété, dans sa partie orientale, par une prospection électrique et magnétique. La surface ceinturée peut être estimée entre 1 et 1,5 hectares. L'ensemble des fossés a fait l'objet de fréquentes réfections et de nombreux curages.
Une architecture de terre
Parmi les autres structures découvertes, plusieurs chapelets de creusements allongés, dont l'organisation peut être parallèle au développement des fossés, évoquent des fosses d'extraction et de préparation de la terre crue utilisée pour la construction d'élévations (bâtiments ou éléments de remparts) aujourd'hui disparues. Les éléments architecturaux identifiés sont en terre et portent fréquemment l'empreinte de végétaux souples (paille, tiges de roseaux) et de bois. Mais il est difficile de préciser l'architecture de ce bâti : la terre crue, présente dans de nombreux fossés au sein de couches pouvant dépasser plusieurs centimètres d'épaisseur, témoigne de sa destruction.
Plusieurs murs de pierres installés au sommet du comblement des fossés sont postérieurs à ce réseau de fossés et palissades. Sans doute s'agit-il des soubassements massifs et soignés de constructions aujourd'hui disparues, dont le développement reprend, au moins en partie, celui des systèmes fossoyés.
Les vestiges de céramique découverts en abondance sur l'ensemble du site ainsi que les objets en silex, en os ou en cuivre, les outils et les rejets alimentaires sont caractéristiques des contextes d'habitat. Ils laissent penser que ces différentes occupations correspondent à autant d'installations villageoises successives.
Une aire d'ensilage
À l'est du réseau de fossés, une aire d'ensilage, qui n'a pas encore été datée de façon précise, regroupe une vingtaine de petits silos conservés sur environ 60 cm de profondeur. La majorité d'entre eux présente un profil tronconique ou ampoulaire. Ils ont servi au stockage de denrées alimentaires dans ce secteur situé à proximité directe des enceintes néolithiques. Le haut de ces silos a été détruit sur 40 à 50 cm, ce qui correspond à l'épaisseur du décapage dans ce secteur : il semble donc que le niveau du sol préhistorique devait être voisin du niveau actuel.
Un ancien cours d'eau
Le second secteur, est situé sur la commune de Saint-Brès, au nord du canal du Moulin. Les diagnostics y avaient révélé des niveaux d'occupations s'échelonnant régulièrement du Néolithique à l'Antiquité, installés à proximité de plusieurs paléochenaux (anciens bras disparus d'un cours d'eau).
Les observations réalisées en 2013-2014 ont confirmé la présence de plusieurs niveaux de sols s'étageant du Néolithique à l'âge du Fer. Le mobilier peu abondant et très fragmenté découvert lors de la fouille a montré qu'il ne s'agissait pas de niveaux d'habitat. Ces témoins de fréquentation en bordure de rivière marquent toutefois l'attrait récurrent de cette zone alluviale pour les populations anciennes, probablement à des fins agricoles.
Face à l'évidence que la fouille fine de cette zone ne livrerait que peu d'information, il a été décidé de privilégier une approche stratigraphique : une tranchée profonde a été réalisée par l'équipe d'archéologues et de paléoenvironnementalistes (spécialistes des environnements anciens). Elle a permis la découverte de la berge d'un ancien cours d'eau perpendiculaire à l'actuel canal du Moulin, qui était recouverte par le niveau néolithique. Le comblement de ce ruisseau, toujours fortement humide, a conservé les espèces animales et végétales qui fréquentaient ces berges il y a 7500 ans.
Muriel Gandelin