
Vue du site de Lallemand en cours de fouille.
Lallemand, Mauguio (Hérault), 2013-2014.
© Yannick Brossard, Inrap.
© Yannick Brossard, Inrap.
Description
Fouillé sur près de 2,3 hectares après un diagnostic de 2012, le site de Lallemand à Mauguio a livré des vestiges sétendant du Néolithique au haut Moyen Âge (Ve-Xe siècles). Cette dernière période est la mieux représentée grâce à la découverte dun ensemble déléments (habitat, parcelles, silos, sépultures) témoignant des abords dun établissement rural.Pour la première fois en Languedoc oriental, cette opération darchéologie préventive a permis dappréhender sur une large surface les modes de faire-valoir dun terroir entre la fin du VIIIe siècle et le tout début du XIe siècle.
Résultats
Émergence dun premier établissementUn aménagement peu dense caractérise la première étape de loccupation, entre le VIIIe siècle et la fin du IXe siècle. Quelques parcelles agricoles sont définies par des fossés et jalonnées de tombes. Une petite aire densilage et quelques bâtiments excavés localisés en bordure ouest de lemprise se rattachent également à cette phase précoce.
Les vingt-cinq inhumations groupées à lextrême sud de lemprise se répartissent de part et dautre dun fossé daxe est-ouest, dont elles reprennent lorientation. Au nord, les tombes présentent la même architecture et sorganisent suivant un modèle similaire : elles sont établies en fonction dun axe majeur, peut être un chemin, dont le fossé bordier recoupe certaines tombes avant dêtre lui-même recoupé par de nouvelles inhumations.
Les six bâtiments appartenant à cette phase initiale ont été construits en terre et en bois, sur sol excavé. Ils sont matérialisés par des fosses aux parois verticales, à fonds plats, dune surface comprise entre 4 et 12 m². Dans un assez grand nombre de cas, des éléments darchitecture en terre ont été identifiés dans les comblements, étayant ainsi lhypothèse de structures bâties sans poteaux porteurs. La terre extraite pouvait être utilisée sur place, soit en coffrage (banchée), soit mélangée à de la paille et façonnée en briques rudimentaires (adobes), chaque bâtiment étant érigé sur sa propre carrière. Labsence de tuiles, que ce soit dans les niveaux de démolition des bâtiments ou dans les comblements des silos transformés en dépotoirs, suggère que les bâtiments étaient probablement couverts de toitures végétales, en roseau ou en chaume.
Une cinquantaine de silos et plusieurs puits accompagnent ces bâtiments.
Extension de lhabitat et poursuite de lactivité agricole
Une deuxième phase, datée autour du Xe siècle, se caractérise par une nette densification de loccupation. Laire densilage se développe très clairement au centre de la fouille. Des fossés limitent les parcelles occupées par les structures de stockage.
Une parcelle quadrangulaire et close par des murs en terre sur solin de pierre se dégage au centre de lemprise avec en son sein des silos et plusieurs bâtiments sur caves. Le mieux conservé dentre eux (13 m de long pour 5,50 m de large) est adossé à lun des murs de lenclos. Ses trois autres murs semblent également bâtis en terre crue sur solin de pierres et la maison est dotée dun sol en plancher. La cave, constituée de deux creusements ovales contigus, est conservée sur 70 cm de profondeur ; larasement général du site permet dimaginer quelle avait une profondeur initiale denviron 1,10 m. Plusieurs milliers de fragments de céramique ont été retrouvés au fond.
Trois structures similaires ainsi quune dizaine dautres constructions plus modestes voient le jour au cours du Xe siècle. Dans certains cas, lexistence dun plancher sur vide sanitaire a pu être prouvée. Dans dautres cas, des niveaux doccupation se sont accumulés directement sur le fond du creusement. La plupart du temps, des éléments darchitectures en terre crue ont été retrouvés dans les niveaux dabandon.
Lespace de stockage
Laire densilage est conséquente : quatre cent cinquante silos pourraient avoir été creusés et abandonnés au cours du Xe siècle. Certaines zones sont très denses, mais le faible taux de recoupement en surface implique que les habitants connaissaient non seulement les silos en fonction mais aussi ceux qui avaient été abandonnés et comblés.
Souvent obturés par de grandes dalles, les silos de Lallemand sont vraisemblablement signalés en surface par des monticules en pierre. La profondeur conservée varie entre 50 cm et 1,50 m. Le premier dépôt est souvent constitué de rejets domestiques (cendres). Leur abondance ainsi que celle des vestiges dobjets dans certaines parties de laire témoignent de la proximité de lhabitat. On constate ensuite un comblement rapide avec un apport massif de terre ou de pierres, qui clôt définitivement la fosse.
Agro-pastoralisme et bergerie
Le dernier état du site (entre 970 et 1025) montre une évolution dans la gestion des terres. Certaines parcelles changent de vocation au profit dune agriculture associée à lélevage. Une partie de laire densilage fait place à une bergerie (22 m de long pour 5,50 m de large) dotée denclos de pâture ou de parcage.
À la même époque, un vaste espace organisé se développe au nord-est du bâtiment. Les enclos fossoyés qui le constituent limitent des parcelles allant de 100 à 1 500 m², les plus petites étant situées à proximité de la bergerie. Ces parcelles communiquent au moyen soit de petits ponts soit de couloirs permettant le tri des bêtes, leur traite ou leur tonte. Des chemins voués à la circulation des hommes et des bêtes sont identifiés au sud et au nord de la bergerie.
Létablissement périclite quand émerge – littéralement – la motte de Mauguio, siège du nouveau pouvoir comtal. Lallemand témoigne ainsi du destin dun des nombreux établissements qui ne survivent pas aux évolutions économiques et politiques des XIe-XIIe siècles.
Le croisement entre différentes disciplines (anthracologie, archéozoologie et céramologie, par exemple) a permis dappréhender la vie quotidienne de la population alto-médiévale (consommation, production) ainsi que lenvironnement dans lequel elle évoluait. Mises en perspective avec notamment les autres sites médiévaux découverts sur les emprises de la LGV Contournement Nîmes-Montpellier (voir les notices des sites de Saint-Pastour nord et de Madame, Saint-Gilles le Vieux), les données recueillies complètent et renouvellent la connaissance des villae carolingiennes en Languedoc.
Liliane Tarrou