Diversité des pratiques funéraires au Néolithique en Languedoc
Durant tout le Néolithique, les pratiques funéraires restent diversifiées. Cela s’observe à l’échelle d’un large Languedoc où les environnements physiques et géologiques sont eux-mêmes très variés. Dans leurs déclinaisons simplifiées, les modes funéraires recensés s’expriment ainsi.
Détail dun effondrement de larchitecture. Le Mas Rouge-La Cavalade, Montpellier (Hérault), 2013. © Dominique Baudais, Inrap
Au Néolithique ancien (6000 à 4800 av. n. è.), la vingtaine de sépultures connues sont des inhumations en grottes, surtout individuelles formant parfois de petits regroupements. Les défunts ont été placés sur le côté (droit ou gauche) troncs et membres fléchis, position qui restera dominante jusqu’à la fin du Néolithique. Les mobiliers funéraires sont indigents, ils concernent essentiellement de la parure.
Durant la phase moyenne du Néolithique (4800 à 3700/3500 av. n. è.), les tombes forment parfois de petites nécropoles. Sur les sites de plaine, où elles sont le plus nombreuses, elles se répartissent le plus souvent dans le pourtour immédiat des habitations. Dans ce cas, il est difficile de savoir si les espaces domestiques ont continués à être habités ou s’ils étaient déjà abandonnés ou, encore, s’ils l’ont été à l’occasion du décès. Les morts sont parfois déposés dans des fosses creusées pour eux mais la majorité des inhumations est réalisée dans des fosses de stockage usuelles (silos, petites caves) déjà délaissées ou spécialement réaffectées. Ce fait concerne aussi bien des femmes que des hommes et des enfants de tout âge, c’est donc une partie variée de la population qui est concernée. Les corps sont déposés de manière fléchie, surtout sur le côté mais également dans toute sorte de positions, y compris assise ou agenouillée, avec des orientations (axes du corps) diverses. Les dépôts de mobiliers ne sont pas systématiques. Ils sont le plus souvent constitués d’objets du quotidien (vases, poinçons en os, petites lames en silex) ou de quelques petites parures de coquillages, dont le sens semble très attaché au genre ou à l’âge. La présence régulière de dépôts plus abstrait (meules en pierre, galets ou coquillages bruts...) constituent des évocations symboliques dont le sens est peu approchable (rite agraire, conjuration….). On pense par ailleurs que certains morts ont pu eux-mêmes faire office d’offrandes ou d’accompagnants (dépôts liés à la servitude). Certains défunts bénéficient parfois de mobilier plus exceptionnel (vases ou assiettes soigneusement décorés, lames de hache, …) traduisant l’existence d’une hiérarchie sociale probablement plus marquée qu’auparavant. Lorsque cela est le cas, l’architecture de la tombe s’émancipe également des normes majoritaires, parfois de manière significative, notamment à travers la présence de tombes en petits coffres en bois ou dalles, parfois regroupées.
- Divers éléments d’un dispositif en dalle. Céreirède Rauze Basse, Lattes (Hérault), 2014. © Yaramila...Divers éléments d’un dispositif en dalle. Céreirède Rauze Basse, Lattes (Hérault), 2014. © Yaramila Tchérémissinoff, Inrap
- Détail d’un effondrement de l’architecture. Le Mas Rouge-La Cavalade, Montpellier (Hérault), 2013. © Dominique Baudais,...Détail d’un effondrement de l’architecture. Le Mas Rouge-La Cavalade, Montpellier (Hérault), 2013. © Dominique Baudais, Inrap
- Grandes dalles fermant un espace sépulcral. La Cavalade, Montpellier (Hérault), 2013. © Pierre Forest, InrapGrandes dalles fermant un espace sépulcral. La Cavalade, Montpellier (Hérault), 2013. © Pierre Forest, Inrap
L’un des faits représentatif des expressions sépulcrales du plein Néolithique languedocien réside dans l’insertion fréquente de grandes pierres ou dalles au sein des architectures funéraires, ces architectures étant parallèlement de plus en plus marquées dans le paysage. Ces modalités, qui existent ponctuellement dès le milieu du Néolithique moyen vers 4300 av. n. è., parfois même de manière remarquable (région pyrénéenne), vont devenir un marqueur fort à partir de 3700 av. n. è. avec le développement d’architectures monumentales sur des sites de plaine. Ce type, matérialisé sur le tracé du contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier par la tombe individuelle de La Rauze Basse à Lattes, concerne de rares tombes en coffrage avec chambre en sous-sol, sans accès pérenne (fermé suite à un seul accès - vertical ou oblique - pour un ou deux défunts), surmonté par une masse tumulaire et/ou ceint d’un fossé supportant un mur en pierre et/ou en terre. A partir de 3500 av. n. è., des chambres dallées longues, parfois de grande taille, vont peu à peu émerger pour constituer la base du plein dolménisme régional. Le site de Saint-Pastour Nord à Vergèze constitue à ce titre une illustration exceptionnelle de cette phase transitoire, dans une forme monumentale. C’est également au sein de cette évolution architecturale que certains mobiliers valorisés en termes de travail et/ou de matière première ou, encore, d’affichage de statut, telles que les grandes lames en silex, vont venir doter certains morts particuliers. Ils contribuent à signaler d’importants changements dans la forme de l’organisation sociale, sans doute encore plus pyramidale et centralisée qu’auparavant.
À partir de 3200 av. n. è., le mégalithisme devient dominant dans les arrière-pays calcaires et les secteurs de basse montagne des garrigues, ces territoires conservant même l’une des plus fortes densités de dolmens à l’échelle européenne. Ce phénomène dolménique qui s’attache à une typologie de coffres érigés hors du sol (chambre sépulcrale de plain-pied), pris au sein d’un tumulus (pierre ou terre) et dotés d’un accès permanent (couloir, porte frontale), est étroitement lié à un autre phénomène du Néolithique final, celui des sépultures collectives. Il s’agit de l’association de défunts issus d’une même communauté déposés à long terme, successivement selon les rythmes de décès, ce qui signifie que les tombes tendent à devenir elles-mêmes un secteur d’inhumation entier, une tombe-cimetière. Ce phénomène de regroupement planifié des morts n’est pas exclusivement lié aux dolmens. Ainsi, les tombes conservant les plus grands nombres de défunts sont les grottes naturelles ou, principalement, les hypogées (grottes artificielles), surtout connus dans la plaine bas-rhodanienne. Près de Montpellier, la sépulture du Mas Rouge illustre ce type dans un développement architectural inattendu puisque les dépôts sont déposés sur différents niveaux en planchers et protégés par un petit bâtiment.
Parallèlement à ces dominantes, des petits coffrages sommaires et des sépultures en fosses simples ou avec dalles continuent d’être implantées près des habitats de plaines, parfois dans les fossés ou les caves adjacentes. La pratique de la crémation est également ponctuellement documentée, en dolmen, en fosse ou sous abri.
Yaramila Tchérémissinoff
Yaramila Tchérémissinoff