
Vue générale de l'enclos délimitant le monument funéraire exceptionnel du Néolithique. À noter que l'ensemble des fosses circulaires visibles sur l'image sont des silos médiévaux.
Saint-Pastour Nord, Vergèze (Gard), 2013.
© Drone concept, Inrap.
Description
La fouille de Saint-Pastour Nord à Vergèze fait suite à trois diagnostics réalisés en 2011, 2013 et 2014 sur un tronçon du tracé de la LGV et sur une zone contigüe. De nombreux vestiges archéologiques ont alors été détectés, permettant de distinguer plusieurs phases doccupation humaine entre le Néolithique et le Moyen Âge.Au total, six zones ont fait lobjet dun décapage archéologique représentant une surface totale de fouille dun peu plus de trois hectares.
Résultats
Un ensemble funéraire exceptionnel du NéolithiqueLoccupation la plus ancienne remonte au Néolithique moyen (4500 ans avant notre ère). Matérialisée par un ensemble de silos, un puits et deux dépôts de restes fauniques évoquant des repas collectifs, elle concerne un pôle à vocation agricole. À la fin du Néolithique moyen ou au début du Néolithique final (3600 à 3000 ans avant notre ère), un ensemble monumental exceptionnel se met en place. Trois enclos ovoïdes qui accueillaient chacun une sépulture en coffre sont construits à proximité dun autre vaste enclos ovoïde entourant un alignement de stèles.
Les trois plus petits enclos (entre 17 m et de 24 m de diamètre) présentent un plan similaire et une ouverture vers louest. Deux ont pu être fouillés dans lemprise décapée et ont livré en leur centre les restes des constructions des chambres funéraires. Il sagit probablement de coffre fait de dalles en pierre destinés à accueillir le défunt...
Le plus énigmatique et le plus grand des enclos (50 m de diamètre) a dabord enserré un alignement dau moins 5 stèles orienté est-ouest. Ce type dalignement est bien connu au Néolithique mais aucun navait été découvert entouré un vaste fossé. Cest dans un second temps que ce monument va être réinvesti et très largement transformé pour abriter une sépulture collective mégalithique probablement insérée dans un tumulus. Ce dernier construit en pierres et en terre recouvrait lallée couverte nouvellement édifiée pour accueillir tous ou une partie des défunts de la communauté (voir la notice de découverte remarquable sur le monument funéraire du Néolithique).
En plus de cet ensemble monumental, dautres vestiges du Néolithique ont été découverts dans les différentes zones. Une petite chambre funéraire en tout point comparable à celle de Cabrials à Béziers, datée du Néolithique final, a notamment été mise au jour. Elle pourrait constituer le maillon intermédiaire entre les deux phases daménagement du monument.
Un habitat du début de lâge du Fer
Le secteur ne semble pas avoir été occupé au cours de la période suivante. Il faut attendre la phase de transition entre la fin de lâge du Bronze et le début de lâge du Fer pour enregistrer le retour dun petit groupe humain.
Sur lensemble des surfaces fouillées, les archéologues ont découvert deux pôles dhabitat. Ceux-ci étaient matérialisés par au moins un bâtiment dont seules les fosses dimplantation des poteaux étaient conservées, une fosse dextraction de matériau destinée à construire les murs des maisons, un puits ainsi que différentes fosses ayant servi de dépotoirs. Lanalyse des nombreux fragments de céramique modelée retrouvés ainsi que des restes de consommation apportera de précieuses informations sur ce type doccupation dans les plaines languedociennes, qui na jusquà présent jamais fait lobjet dinvestigations poussées.
De riches sépultures gauloises et romaines
Près de 500 ans plus tard, une nouvelle occupation se manifeste à travers un réseau de chemins et de fossés parcellaires qui organisent et structurent les campagnes, de la fin de la période gauloise jusquà la période romaine. Cest au sein de ce paysage que deux ensembles funéraires ont été mis au jour.
Le premier compte quatre sépultures datées entre le milieu du IIIe siècle et le Ier siècle avant notre ère. La plus ancienne est très étonnante, puisque le dépôt sépulcral (les restes incinérés du défunt) prend place dans une amphore gréco-italique installée verticalement dans une fosse étroite. Une autre sépulture, remarquable également, possède une amphore italique complète déposée dans une grande fosse quadrangulaire avec de nombreux vases et les armes du défunt. Cet ensemble, à limage de ceux découverts au sud de lagglomération nîmoise, signale probablement des tombes de personnes au rang social élevé, peut-être issues de la population des oppidums du Cailar ou dAmbrussum tout proche (voir la notice de découverte remarquable sur les sépultures gauloises).
Le second ensemble se compose dune dizaine de sépultures dépoque romaine (Ier-IIe siècle de notre ère), pour lesquelles on observe la pratique à la fois de la crémation et linhumation des corps. Certaines pourraient être des caveaux « familiaux » abritant plusieurs individus. Limplantation de ces sépultures dans les limites des champs ainsi que les offrandes qui y ont été déposées offrent des éléments de réflexion pour tenter de préciser lidentité de ce groupe humain dans la société romaine : paysans libres ou esclaves dun domaine ?
Une aire densilage du haut Moyen Âge
À la fin de lAntiquité et surtout au haut Moyen Âge, une petite communauté villageoise est installée sous et aux abords de lactuel Mas de Saint-Pastour.
Sur lemprise de la fouille, seule une vaste aire densilage, comptant près de 600 silos, quelques fossés ainsi quun puits, matérialisent les réserves et les pratiques agricoles de cette communauté. Laire densilage est située pour lessentiel dans le grand enclos néolithique. Lendroit était peu propice à une mise en culture et les habitants lont probablement choisi parce quils pouvaient aisément récupérer les matériaux, notamment les grandes dalles de la couverture tumulaire pour fabriquer les bouchons de leurs silos.
Le plan de laire densilage montre lexistence de subdivisions internes : les alignements de structures dessinent des parcelles quadrangulaires et des bandes de terrain sans silos ou presque, que lon interprète comme des cheminements. Les profils des fosses sont systématiquement de forme tronconique, à lexception dun silo creusé à partir du fond dun autre, peut-être pour servir de cachette. Le volume de chaque silo est en cours de calcul et renseignera sur la capacité totale de stockage de laire.
Létude de lensemble des mobiliers et des déchets de consommation permettra de préciser les différentes activités réalisées sur le site, ainsi que le niveau de production et de consommation de la population.
Pour compléter la connaissance de cet habitat, des prospections géophysiques ont été réalisées dans les parcelles situées entre la fouille et le Mas de Saint-Pastour. Une enquête menée dans les archives devrait quant à elle conduire à une meilleure perception de la nature des lieux à la fin du Moyen Âge et à lépoque moderne.
Pierre Séjalon
Pierre Séjalon