
Vue générale, prise du nord, de l'enclos funéraire du début du second âge du Fer et du fossé parcellaire du Ier siècle avant notre ère en cours de fouille.
Saint-Pierre Nord et Sud, Lattes (Hérault), 2013.
© Bruno Coelho de Carvalho, Inrap.
Description
Les deux chantiers de fouille de Saint-Pierre Nord et Sud à Lattes sont situés presque en vis-à-vis, de part et dautre du chemin rural de Saint-Pierre. Faisant suite aux diagnostics conduits en 2012 dans le cadre du déplacement de lautoroute A9 et de la création de la LGV, ils couvrent respectivement 13 000 m2 et 2 600 m2.Les vestiges retrouvés se concentrent sur les bords dun ancien vallon, dont le comblement, après loccupation antique, a préservé un ensemble funéraire protohistorique original.
Résultats
Un espace funéraire des Ve et IVe siècles avant notre ère…Les fouilles font apparaître une série de fossés qui structurent une aire funéraire du début du second âge du Fer.
Dans lemprise Saint-Pierre Nord, un enclos associé à huit structures funéraires a été identifié. Partiellement détruit au nord et à lest par les aménagements plus tardifs, son fossé délimite un espace rectangulaire orienté nord-ouest/sud-est, de 13 m de longueur pour 6 m de largeur. Loccupation funéraire se compose dun bûcher aménagé dans le fossé sud-ouest et de sept dépôts qui correspondent soit à des vases ossuaires, soit à de simples résidus de crémation. Des blocs calcaires retrouvés à proximité de ces dépôts pourraient correspondre à des stèles rudimentaires destinées à signaler lemplacement des tombes. Une stèle anthropomorphe brûlée a été retrouvée dans le bûcher.
Dans lemprise Sud, la zone funéraire particulièrement bien conservée est plus développée. Quatre bûchers sy inscrivent à lintérieur denclos quadrangulaires accolés, dont les dimensions varient entre 25 m2 et 120 m2. Les dépôts de crémation (vases ossuaires ou coffret en matériau périssable) sont généralement localisés à proximité des bûchers, à lintérieur de chacun des enclos ou dans les fossés. Les éléments métalliques associés à ces tombes se composent de vaisselles (bassin, coupelle, « disques » décorés), dobjets en bronze et déléments de parure en bronze, en argent et en or (perles, pendants doreille, fibules…) (voir la notice de découverte remarquable sur la sépulture protohistorique). Certaines fibules sont ornées de corail. Parmi les vases se trouvent à la fois des productions locales (céramique non tournée) et des importations grecques (amphores massaliètes et céramiques attiques).
… et sa vigne associée
Un enclos de 100 m2, jouxtant ceux où se développent les tombes, enserre six tranchées de plantation, espacées entre elles denviron 1,5 m. Ces creusements évoquent des plantations de vigne, comme celles reconnues à Saint-Jean-du-Désert à Marseille.
La petitesse de ce « clos » permet de proposer une fonction symbolique de cette plantation en lien direct avec les tombes. Il sagirait plus dun « jardin » funéraire que dune parcelle à vocation agricole.
Un autre enclos de 380 m2 se raccroche, au sud, à cette plantation. Sa destination na pas encore été clairement cernée, mais une zone de rejet de céramique vue lors du diagnostic et contemporaine des autres structures funéraires pourrait évoquer la présence dune tombe.
La richesse des dépôts associés aux sépultures ainsi que la mise en scène de cet espace funéraire avec ses systèmes de fossés et la présence dune vigne laisse supposer un statut social probablement élevé des personnes qui y ont été incinérées.
Des fossés, un dépôt darmes et les parcelles de lAntiquité
Entre les milieux du IIe et du Ier siècle avant notre ère, lenclos protohistorique de la partie nord de la fouille est englobé dans une parcelle délimitée par un fossé de grandes dimensions (au moins 1,50 à 2 m de large et 1 m de profondeur), aux parois évasées et au fond plat. Des tranchées de plantation de vigne occupent la partie orientale de lespace délimité par ce fossé. Laire sépulcrale protohistorique, manifestement préservée mais non utilisée à cette période, pourrait témoigner de la mémoire du lieu funéraire.
Au sud de la route, un dépôt darmes en fer (élément de bouclier et lance), des fossés délimitant des parcelles et une voie, que le chemin actuel de Saint-Pierre reprend dans ses grandes lignes, constituent les vestiges du Ier siècle avant notre ère. On note également la présence, dans les fossés bordant la voie, de concentrations de fragments de vaisselles à vernis noir produites en Italie entre 450 et 50 avant notre ère, appelées céramiques campaniennes.
Enfin le Haut-Empire (début du Ier à la fin du IIIe siècle de notre ère) est caractérisé par des fossés parcellaires et par la permanence de la voie, qui pouvait se diriger vers lagglomération protohistorique et antique de Lattara, située à 2 km au sud-est du site.
Cécile Jung, Valérie Bel et Florent Mazière