Vue aérienne de la voie antique sur l'emprise de Castelle et Fromigue (à droite) et de la départementale 116, qui pérennise la route gallo-romaine.
Pinède, Castelle et Fromigue, Lattes (Hérault), 2013-2014.
© Matthieu Raffier, Inrap.
Description
Les deux opérations de fouille de Pinède et de Castelle et Fromigue à Lattes (Hérault) font suite aux diagnostics conduits en 2012 dans le cadre du déplacement de l'autoroute A9 et de la création de la LGV. Elles se développent le long et de part et d'autre de la route départementale 116, qui relie Villeneuve-les-Maguelone à Montpellier, et couvrent respectivement 2 200 m2 et 9 000 m2.Toutes deux concernent une voie gallo-romaine auprès de laquelle des aires funéraires se sont installées durant les deux premiers siècles de notre ère. Les vestiges archéologiques s'inscrivent dans une topographie marquée par la présence d'un vallon que parcourt la route actuelle, et de deux légers versants où sont intervenues les deux fouilles.
Résultats
Une sépulture multiple du Néolithique moyenUn puits a été repéré au sud-est de la route départementale au fond duquel trois individus (deux adultes et un enfant) étaient inhumés en position fœtale. Aucun dépôt céramique ou lithique ne les accompagnait ; seuls des ossements d'animaux pourraient être rattachés à la sépulture. Quelques résidus charbonneux ont permis de dater celle-ci autour de 4450-4340 avant notre ère, c'est-à-dire au Néolithique moyen.
Une voie antique
Une voie antique orientée nord-est/sud-ouest, dont la route départementale reprend et pérennise dans ses grandes lignes le tracé, a pu être étudiée dans les deux secteurs de fouille.
Au nord, sur le site de Pinède, c'est un chemin installé dans un creusement large de 4 m à l'ouverture pour 2 m à sa base et équipé de fossés bordiers qui a été observé sur 60 m de long.
Lors de la fouille de Castelle et Fromigue, 200 m plus au sud, la voie a été décapée sur une longueur de 250 m. Elle y est matérialisée par une bande de roulement constituée de galets et de blocs calcaires, encadrée par des fossés. Deux canalisations de drainage passant sous la chaussée acheminent les eaux recueillies dans le fossé bordier ouest jusqu'au fossé est, plus imposant, et au fond du vallon.
Deux amas de blocs distants de 76 m pourraient délimiter une des aires funéraires qui jalonnaient la voie. Dans ce même secteur, de très nombreux rejets de vaisselle, parfois intacte, ont été retrouvés dans le comblement des fossés bordiers, témoignant peut-être de rites liés aux funérailles ou de repas commémoratifs.
Cette voie mise en place dès le début du Haut-Empire (Ier siècle de notre ère) a probablement fonctionné jusque dans l'Antiquité tardive (IVe-Ve siècles), comme l'atteste un petit dépôt monétaire retrouvé sur l'une de ses recharges.
Trois ensembles funéraires le long de la voie
Dans le secteur nord (Pinède), une dizaine de tombes reparties sur une surface d'environ 120 m2 est implantée au Ier siècle de notre ère. Différents types de structures témoignent de pratiques funéraires liées à la crémation : bûcher en fosse, dépôts de crémation placés dans des demi-amphores, en coffrage de tuile ou directement en pleine terre.
Un deuxième ensemble est mis en évidence sur un espace d'environ 70 m de long, entre deux probables bornes. Les implantations sont assez espacées et comportent cinq crémations et trois inhumations. Les modes de sépultures sont variés, avec notamment un petit bûcher circulaire en fosse, un dépôt de crémation en amphore et un autre en fosse, mais également des inhumations en coffrage de tuile ou de bois.
Situé 90 m au sud du précédent, le troisième ensemble est plus dense. On y dénombre quatorze crémations et vingt-et-une inhumations. Des superpositions de sépultures interviennent régulièrement sur un même emplacement, avec parfois cinq niveaux associant alternativement des crémations et des inhumations.
Les inhumations sont le plus souvent installées dans des fosses avec couverture en bois ou dans des coffrages de bois. Les positions sont variées, quelques défunts étant même inhumés sur le ventre. Les dépôts de vases sont assez fréquents, sur le fond ou sur la couverture du contenant. On dénombre au moins deux tombes d'enfants, dont une associée à un riche lot d'amulettes. Les crémations sont représentées par plusieurs bûchers de petite taille et par des dépôts de crémation, dont deux en amphore. Enfin on peut noter la présence de trois fragments de stèles découverts dans la chaussée ou dans les fossés bordiers de la voie, qui marquaient en surface la présence de sépultures.
Un grand bûcher au milieu des vignes
Sur l'autre versant du vallon, un imposant bûcher en fosse, de forme carrée de 2,5 m de côté, est daté du Ier siècle de notre ère. Il est situé à 50 m de la voie antique, au milieu d'une parcelle de vigne.
Un abondant dépôt de vaisselle en céramique et en verre occupe la moitié nord de la fosse, alors que la moitié sud recèle de nombreux éléments en fer (essentiellement tiges et clous) liés à l'aménagement du bûcher funéraire. Quelques ossements humains brulés ont été retrouvés, mais la plupart d'entre eux ont été prélevés à la suite de la crémation.
Cette sépulture est peut-être à mettre en relation avec l'établissement rural de Fromigue , qui se trouve à une centaine de mètres au sud-est, au sommet du relief.
Des champs de vignes antiques
Plusieurs parcelles de vignes ont été identifiées à proximité de la voie et des sépultures. Toutes semblent avoir été plantées au cours des Ier-IIe siècles de notre ère. Cette culture se caractérise par une série de fosses oblongues (alvei), qui accueillent un cep de vigne à chaque extrémité du creusement. La présence de fosses perpendiculaires témoigne de la pratique du provignage (technique du marcottage appliquée à la vigne).
Cécile Jung, Michel Compan, Valérie Bel et Marilyne Bovagne