Périodes moderne et contemporaine
Vue aérienne du chantier de fouille de l'hôtel-Dieu à Marseille, 2010.
© D. Gliksman, Inrap
© D. Gliksman, Inrap
Longtemps seules la Préhistoire et l’Antiquité ont eu les faveurs des archéologues. La période médiévale a acquis ses lettres de noblesse dès le XIXe siècle. L’archéologie des périodes modernes et contemporaines est quant à elle une discipline récente. Ainsi des chantiers tels que ceux de l’Alcazar, de la place Bargemon ou de la Major ont eu la chance de bénéficier de recherches très poussées, assorties d’une sérieuse étude des archives, qui n’étaient pas autrefois envisageables dans le cadre de simples opérations préventives. Les résultats offrent un regard nouveau sur cette période qui, contrairement aux idées reçues, est encore méconnue par bien des aspects.
Les événements qui ont marqué l’histoire de la ville
La transition entre le Moyen Âge et la période moderne constitue un épisode sombre de l’histoire de Marseille, à cause de la longue récession qui a sévi entre le XIVe siècle et le début du XVIe siècle. À la crise générale dont souffre toute l’Europe à partir de 1348 (date où la Peste noire débarque à Marseille et se répand jusqu’à décimer près de la moitié de la population européenne) s’ajoutent la réquisition du port et les lourdes taxes imposées à des fins militaires par la maison d’Anjou, au pouvoir pendant près de deux siècles. D’un point de vue archéologique, cette période correspond à un hiatus. Rares sont les tessons de céramique du XVe siècle exhumés lors des fouilles marseillaises, ce qui indique qu’à cette époque la population avait considérablement diminué.
Le commerce, moribond, ne reprend qu’à partir de 1481, lorsque Marseille entre dans le royaume de France. Dès lors, unique tête de pont vers le Levant avec le déclin des ports languedociens, la ville connaît une croissance continue, soutenue par l’industrie qui s’y développe. La démographie galopante l’atteste : environ 15 000 habitants en 1520, 35 000 en 1585, 65 000 en 1650.
Marseille la catholique reste en marge de la crise religieuse du XVIe siècle. Protégée par l’État-major, elle échappe à l’invasion de Charles Quint, si destructrice en Provence. Par contre la Ligue (catholiques intransigeants) y est particulièrement virulente, coalisée autour de Charles Casaulx, qui prend le pouvoir pendant quelques années vers 1600. Plus tard, c’est la Fronde qui y est très active, jusqu’à ce que Louis XIV « reconquière » la ville en 1660.
Le commerce, moribond, ne reprend qu’à partir de 1481, lorsque Marseille entre dans le royaume de France. Dès lors, unique tête de pont vers le Levant avec le déclin des ports languedociens, la ville connaît une croissance continue, soutenue par l’industrie qui s’y développe. La démographie galopante l’atteste : environ 15 000 habitants en 1520, 35 000 en 1585, 65 000 en 1650.
Marseille la catholique reste en marge de la crise religieuse du XVIe siècle. Protégée par l’État-major, elle échappe à l’invasion de Charles Quint, si destructrice en Provence. Par contre la Ligue (catholiques intransigeants) y est particulièrement virulente, coalisée autour de Charles Casaulx, qui prend le pouvoir pendant quelques années vers 1600. Plus tard, c’est la Fronde qui y est très active, jusqu’à ce que Louis XIV « reconquière » la ville en 1660.
Scène de la peste de 1720 à la Tourette, peinture de Michel Serre. Musée Atget, Montpellier
© Bibliothèque universitaire de médecine, Montpellier
© Bibliothèque universitaire de médecine, Montpellier
L’enceinte urbaine et le port
Avant 1660, l’enceinte médiévale reste en usage, et ce d’autant plus que les périodes de troubles confinent la population dans ses murs. La seule modification à l’époque moderne est l’ajout de bastions tels ceux de la porte de l’Annonerie, près de la butte des Carmes, ou de la porte Royale, près de l’actuelle Canebière.
Louis XIV repousse l’enceinte, devenue davantage symbolique que défensive, et crée la « ville nouvelle », d’une superficie supérieure à la « ville vieille ».
Le rivage du port n’est pas fortifié. Les premiers quais en pierre – hormis les quais antiques – sont bâtis en 1511 sur décision royale. Louis XIV fait construire les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas à l’entrée du port. L’Arsenal des galères sur la rive sud du port est rénové et étendu.
En marge de la ville et en liaison avec l’activité portuaire, les lazarets sont des lieux de quarantaine pour les hommes comme pour les marchandises. Le premier fondé à Marseille date de 1526 et se trouvait sur le cap Titol, dans le quartier de la Joliette. Il est remplacé vingt ans plus tard par celui des Catalans, en rive sud du port, puis, au milieu du XVIIe siècle, par celui d’Arenc.
Louis XIV repousse l’enceinte, devenue davantage symbolique que défensive, et crée la « ville nouvelle », d’une superficie supérieure à la « ville vieille ».
Le rivage du port n’est pas fortifié. Les premiers quais en pierre – hormis les quais antiques – sont bâtis en 1511 sur décision royale. Louis XIV fait construire les forts Saint-Jean et Saint-Nicolas à l’entrée du port. L’Arsenal des galères sur la rive sud du port est rénové et étendu.
En marge de la ville et en liaison avec l’activité portuaire, les lazarets sont des lieux de quarantaine pour les hommes comme pour les marchandises. Le premier fondé à Marseille date de 1526 et se trouvait sur le cap Titol, dans le quartier de la Joliette. Il est remplacé vingt ans plus tard par celui des Catalans, en rive sud du port, puis, au milieu du XVIIe siècle, par celui d’Arenc.
La « vieille ville »
Avant la création de la « ville nouvelle », la démographie croissante a du mal à s’accommoder d’une faible superficie intra-muros. Le réseau viaire médiéval reste en vigueur, avec ses rues étroites ; seules quelques traverses disparaissent, générant des îlots plus compacts. Des collecteurs d’eaux pluviales et/ou usées sont installés dans les rues qui aboutissent au port.
Le parcellaire reste également figé. Le bâti occupe progressivement tous les espaces libres, les anciennes cours devenant de simples puits de lumière ; il gagne aussi en hauteur : les étages se surajoutent les uns aux autres jusqu’à plonger les rues dans la pénombre et engendrer l’insalubrité. Presque chaque maison est dotée d’un puits, mais l’eau potable provient surtout des multiples fontaines publiques alimentées par l’aqueduc de l’Huveaune.
Dans la ville basse, près de la Loge (c’est-à-dire le centre administratif) apparaissent les beaux hôtels du patriciat. Avec les maisons d’angles, ils sont les seuls à regrouper plusieurs parcelles médiévales. Ces bâtiments possèdent en général de belles façades en pierre de taille ; deux exemples (l’hôtel de Cabre et la maison Diamantée) en sont encore visibles de nos jours. Les lieux de marché sont améliorés, tel le Petit-Mazeau, le marché à la viande.
À partir des années 1630 se développent les établissements religieux. Ils s’implantent dans les quartiers peu occupés, comme celui de la Joliette, au nord, où ils se partagent l’espace avec l’industrie naissante, ou encore dans les faubourgs de l’est.
Le parcellaire reste également figé. Le bâti occupe progressivement tous les espaces libres, les anciennes cours devenant de simples puits de lumière ; il gagne aussi en hauteur : les étages se surajoutent les uns aux autres jusqu’à plonger les rues dans la pénombre et engendrer l’insalubrité. Presque chaque maison est dotée d’un puits, mais l’eau potable provient surtout des multiples fontaines publiques alimentées par l’aqueduc de l’Huveaune.
Dans la ville basse, près de la Loge (c’est-à-dire le centre administratif) apparaissent les beaux hôtels du patriciat. Avec les maisons d’angles, ils sont les seuls à regrouper plusieurs parcelles médiévales. Ces bâtiments possèdent en général de belles façades en pierre de taille ; deux exemples (l’hôtel de Cabre et la maison Diamantée) en sont encore visibles de nos jours. Les lieux de marché sont améliorés, tel le Petit-Mazeau, le marché à la viande.
À partir des années 1630 se développent les établissements religieux. Ils s’implantent dans les quartiers peu occupés, comme celui de la Joliette, au nord, où ils se partagent l’espace avec l’industrie naissante, ou encore dans les faubourgs de l’est.
La « ville nouvelle »
La création de la « ville nouvelle » en 1666 met un terme au développement de la « vieille ville », dans laquelle, hormis la construction d’édifices publics tels que la mairie et l’hôpital de la Charité, ou encore la reconstruction de l’Hôtel-Dieu, l’urbanisme reste figé.
L’agrandissement de Louis XIV prend place dans les anciens faubourgs, dont l’occupation est croissante dès le début du XVIIe siècle. Pour autant, son plan n’est pas complètement novateur, il s’accommode des anciens chemins : le Cours, vitrine du royaume, reprend l’emplacement d’une ancienne place, le Grand Caire (le grand côté), située sur les lices du rempart médiéval. Les parcelles créées sont plus grandes que celles de la vieille ville ; toutefois elles n’ont pas encore, au début, la dimension suffisante pour accueillir le célèbre « trois fenêtres » marseillais, dont le développement n’est effectif qu’à partir du début du XVIIIe siècle.
C’est dans la partie orientale de l’agrandissement (l’actuel quartier Belsunce) que se trouve le fameux jeu de paume, construit en 1680 rue Thubaneau. Mais, contrairement à ce que souhaitait Louis XIV, ce quartier ne réussi pas à attirer les classes aisées. Délaissant ce secteur où se développent commerces et industries (à l’image de la manufacture royale des poudres et salpêtres, fouillée boulevard Charles-Nédélec), elles lui préfèrent la rive sud du port, à proximité de l’Arsenal des galères. Le cours Belsunce lui-même est rapidement délaissé au profit de l’allée du Mail, la future Canebière.
Il est vrai que les rues de ce nouveau quartier, d’une largeur de 6 mètres seulement, deviennent rapidement désuètes en raison du trafic croissant. Leur configuration a été fixée par le bureau de l’agrandissement, à la tête duquel les échevins, principaux promoteurs immobiliers de la ville, essayent de réaliser un maximum de profit.
L’agrandissement de Louis XIV prend place dans les anciens faubourgs, dont l’occupation est croissante dès le début du XVIIe siècle. Pour autant, son plan n’est pas complètement novateur, il s’accommode des anciens chemins : le Cours, vitrine du royaume, reprend l’emplacement d’une ancienne place, le Grand Caire (le grand côté), située sur les lices du rempart médiéval. Les parcelles créées sont plus grandes que celles de la vieille ville ; toutefois elles n’ont pas encore, au début, la dimension suffisante pour accueillir le célèbre « trois fenêtres » marseillais, dont le développement n’est effectif qu’à partir du début du XVIIIe siècle.
C’est dans la partie orientale de l’agrandissement (l’actuel quartier Belsunce) que se trouve le fameux jeu de paume, construit en 1680 rue Thubaneau. Mais, contrairement à ce que souhaitait Louis XIV, ce quartier ne réussi pas à attirer les classes aisées. Délaissant ce secteur où se développent commerces et industries (à l’image de la manufacture royale des poudres et salpêtres, fouillée boulevard Charles-Nédélec), elles lui préfèrent la rive sud du port, à proximité de l’Arsenal des galères. Le cours Belsunce lui-même est rapidement délaissé au profit de l’allée du Mail, la future Canebière.
Il est vrai que les rues de ce nouveau quartier, d’une largeur de 6 mètres seulement, deviennent rapidement désuètes en raison du trafic croissant. Leur configuration a été fixée par le bureau de l’agrandissement, à la tête duquel les échevins, principaux promoteurs immobiliers de la ville, essayent de réaliser un maximum de profit.
- Plan Maretz (1644).Plan Maretz (1644). © DRPlan Maretz (1644).
© DR - Vue zénithale du chantier de fouilles en 2010.Vue zénithale du chantier de fouilles de l’hôtel-Dieu en 2010. Les murs appartiennent à l'église du...Vue zénithale du chantier de fouilles de l’hôtel-Dieu en 2010. Les murs appartiennent à l'église du XVIIe siècle, dont on distingue le plan, tandis que les sols en mosaïques sont antiques.
© Altivue, Inrap
Marseille à l’époque contemporaine
Au cours de la période contemporaine, de nombreuses modifications transforment la cité phocéenne.
Tout d’abord, à la Révolution Française, intervient le démantèlement de nombreux édifices religieux, tel le monastère Saint-Victor, dont il ne reste que l’église.
Le percement de la rue de la République au Second Empire, vers 1860, détruit près du quart de la vieille ville. Dans un même temps, la construction du port de la Joliette, en gagnant sur la mer, fait disparaître l’ancienne ligne de rivage.
La partie orientale de la vieille ville est rasée pour des raisons de salubrité dans les années 1920, bien avant que le centre Bourse n’y soit construit. Les quartiers en rive nord du port, après la rafle de 1943 organisée par la police française, sont détruits par le génie militaire allemand ; quelques monuments prestigieux sont alors épargnés (maison Diamantée, pavillon Daviel, Hôtel de ville, maison de Cabre).
Seule la « ville nouvelle » n’a pas subi de remaniements à l’époque contemporaine, hormis la démolition des remparts et leur remplacement par des cours ; des bâtisses du XVIIIe siècle en témoignent encore aujourd’hui. Il ne subsiste de la vieille ville que le pittoresque quartier du Panier. Juché sur les trois buttes où jadis a été édifiée la cité primitive (butte Saint-Laurent, des Moulins et des Carmes), il reste à l’écart de la ville actuelle.
Mais la période contemporaine voit aussi naître de beaux monuments, parmi lesquels le palais Longchamp, inauguré en 1869, qui consacre l’arrivée du tout nouveau canal de Marseille, ou encore le palais du Pharo, résidence que Napoléon III fait construire en 1855 pour l’impératrice Eugénie.
Tout d’abord, à la Révolution Française, intervient le démantèlement de nombreux édifices religieux, tel le monastère Saint-Victor, dont il ne reste que l’église.
Le percement de la rue de la République au Second Empire, vers 1860, détruit près du quart de la vieille ville. Dans un même temps, la construction du port de la Joliette, en gagnant sur la mer, fait disparaître l’ancienne ligne de rivage.
La partie orientale de la vieille ville est rasée pour des raisons de salubrité dans les années 1920, bien avant que le centre Bourse n’y soit construit. Les quartiers en rive nord du port, après la rafle de 1943 organisée par la police française, sont détruits par le génie militaire allemand ; quelques monuments prestigieux sont alors épargnés (maison Diamantée, pavillon Daviel, Hôtel de ville, maison de Cabre).
Seule la « ville nouvelle » n’a pas subi de remaniements à l’époque contemporaine, hormis la démolition des remparts et leur remplacement par des cours ; des bâtisses du XVIIIe siècle en témoignent encore aujourd’hui. Il ne subsiste de la vieille ville que le pittoresque quartier du Panier. Juché sur les trois buttes où jadis a été édifiée la cité primitive (butte Saint-Laurent, des Moulins et des Carmes), il reste à l’écart de la ville actuelle.
Mais la période contemporaine voit aussi naître de beaux monuments, parmi lesquels le palais Longchamp, inauguré en 1869, qui consacre l’arrivée du tout nouveau canal de Marseille, ou encore le palais du Pharo, résidence que Napoléon III fait construire en 1855 pour l’impératrice Eugénie.
- Le sol de tomettes de la chapelle des Pénitents du XVIIe siècleLe sol de tomettes de la chapelle des Pénitents du XVIIe siècle. Fouille de l'esplanade de la Major. © D....Le sol de tomettes de la chapelle des Pénitents du XVIIe siècle. Fouille de l'esplanade de la Major.
© D. Gliksman, Inrap - Charnier de la peste de 1720Charnier de la peste de 1720. Fouille de l'esplanade de la Major à Marseille, 2008. © D. Gliksman, InrapCharnier de la peste de 1720. Fouille de l'esplanade de la Major à Marseille, 2008.
© D. Gliksman, Inrap - Les bâtiments du Grand Séminaire du XIXe siècle et la nouvelle Major au second planLes bâtiments du Grand Séminaire du XIXe siècle et la nouvelle Major au second plan. Fouille de l'esplanade...Les bâtiments du Grand Séminaire du XIXe siècle et la nouvelle Major au second plan. Fouille de l'esplanade de la Major à Marseille.
© D. Gliksman, Inrap
Bernard Sillano