Les méthodes

Des diagnostics « à grands gabarits »

Diagnostic en cours sur la plate-forme multimodale de Marquion dans le Pas-de-Calais.
© P. Frutier, Inrap
L’aspect titanesque de cet ouvrage à grand gabarit qu’est l’aménagement du canal Seine-Nord Europe a contraint les archéologues de l’Inrap à adopter un mode d’intervention particulier et la mise œuvre de moyens techniques très importants adaptés à la nature « hors-norme » du projet. Dès 2008, une coordination scientifique et technique a été constituée afin de répondre rapidement aux besoins d’expertise des terrains concernés par le projet et d’estimer le potentiel archéologique enfoui sous les 25 millions de mètres carrés touchés par les travaux.

Les principales difficultés étaient les suivantes : la longueur du tracé (106 km), sa largeur (équivalente à trois autoroutes), la profondeur de l’ouvrage (pour le maintien d’un tirant d’eau de 4,50 m, certaines zones seront excavées sur plusieurs dizaines de mètres de profondeur) et l’ampleur des aménagements annexes (plates-formes multimodales et bassins réservoirs de 80 à 150 hectares). Trois types de sondage ont été menés, sous la responsabilité d’un responsable d’opération accompagné de deux archéologues professionnels.

La détection de sites peu profonds
Le premier a pour objectif la détection des sites peu profonds, en moyenne de 0,30 m à 0,50 m sous la terre arable. La méthode consiste à tracer de longues tranchées parallèles, espacées de 25 m, et creusées simultanément par trois ou quatre pelles hydrauliques de 180 CV dotées de godets lisses de 3 m de large. Le rythme de progression est d’environ 1 hectare par jour et par engin.

En cas de découverte de vestiges archéologiques, quatre points doivent être renseignés : la caractérisation des artefacts rencontrés, le cadre chronologique du site, l’état de conservation et la taille du gisement. De la synthèse de ces points résulte la poursuite ou non des investigations. Après cette expertise, incluant la cartographie et le géoréférencement, les tranchées de diagnostic sont rebouchées.
Les sondages « en puits »
Pour la première fois sur ce type d’aménagement linéaire, une campagne systématique de sondages profonds a été prescrite sur la totalité du tracé. Ce deuxième type de sondage, dit « en puits », permet de repérer des vestiges paléolithiques contenus dans des accumulations de lœss, (dépôts éoliens fréquents dans les régions du nord de la France et dont l’épaisseur peut atteindre par endroits plus de 20 m). Pour ce faire, les équipes sont constituées de spécialistes : préhistoriens, géologues, géomorphologues, etc. L’objectif est de comprendre la manière dont les dépôts sédimentaires se sont formés et de tenter de les rattacher aux repères chronostratigraphiques de référence. Ainsi, il devient possible d’appréhender et d’analyser en priorité les zones dans lesquelles des restes préhistoriques pourraient avoir été conservés.

Le nombre de sondages en puits et la profondeur des excavations ont rapidement posé le problème de la sécurisation des zones de travail. C’est ainsi qu’ont été créés pour l’occasion des balcons passerelles à pieds télescopiques débordants (voir album photo).
Les expertises en fonds vallée
Enfin, des équipes spécialisées, regroupant des archéologues et des géomorphologues ont été dépêchées dans tous les fonds de vallée recoupés par le tracé du canal et dans un secteur d’une vingtaine de kilomètres entre Compiègne et Noyon, correspondant au lit majeur de la vallée de l’Oise, pour analyser les dépôts sédimentaires alluviaux et les traces d’occupation laissées par les hommes. En effet, ces zones géographiques sont particulièrement intéressantes car leur formation sédimentaire spécifique, souvent fortement stratifiée, peut laisser présager la découverte de vestiges rarement découverts, comme ceux du Mésolithique.
Exemple de sondage semi-profond dans la vallée de l’Oise.
© G. Prilaux, Inrap
Des moyens humains et logistiques lourds
La réalisation de tranchées linéaires, de sondages mi-profonds et profonds, les décapages, les fouilles, les expertises, le tamisage des sédiments, l’analyse de la stratigraphie… nécessitent des moyens humains et logistiques particulièrement lourds, mais les résultats sont probants : à l’issue des recherches réalisées en 2010, 42 rapports de diagnostics ont été produits par les archéologues, relatant les observations des archéologues concernant les 1 700 hectares alors accessibles, sur les 2 500 hectares prescrits
Gilles Prilaux et Marc Talon, Inrap