Les méthodes

Une méthodologie d’enregistrement novatrice

En archéologie, l’enregistrement sur le terrain constitue la base de la démarche scientifique. Il permet de recueillir le maximum d’informations sur ce qui est fouillé et donc détruit.

Traditionnellement, l’enregistrement est réalisé sur papier : fiches récapitulatives des « faits archéologiques » (fosses, fossés, trous de poteau, murs…), des unités stratigraphiques (couches sédimentaires ou construites successivement dégagées, constitutives ou non d’un fait) et des sondages réalisés, photos et relevés en plan et/ou en coupe des faits fouillés. La documentation est ensuite rassemblée, numérisée, comparée, rapprochée de manière à produire une image de ce qu’a pu être la vie sur le site aux différentes époques.

De nos jours, l’utilisation de bases de données adaptées à l’archéologie et leur exploitation par des outils informatiques de plus en plus pointus permettent de gagner en efficacité, aussi bien sur le terrain qu’en phase d’étude. Elles obligent également à harmoniser et à rationnaliser les méthodes d’enregistrement.

Certaines fouilles, par leur nature particulière, contribuent à ces avancées méthodologiques et technologiques. C’est le cas de celle menée pendant un an à Noyon.
Enregistrement en cours sur une tablette PC durcie.
© H. Jaudon, Inrap
Spécificité du chantier de Noyon
Le chantier de la villa gallo-romaine de Noyon s’est rapidement révélé d’une ampleur considérable : une superficie décapée de 6 hectares, présentant une importante densité de vestiges (environ 2 600 « faits archéologiques » et plus de 30 bâtiments), particulièrement bien conservés sur 1,35 hectare.

Aussi un système d’information particulier a-t-il été mis en place afin d’optimiser tant l’acquisition que l’exploitation des données. Ce système s’est appuyé sur la saisie informatique des données par les archéologues au moyen de quatre tablettes durcies, sur l’utilisation de la cartographie numérique et le recours systématique aux photographies redressées pour le relevé du bâti.
 
Les méthodes employées sont simples et largement connues. Néanmoins leur application directe sur le terrain et par la totalité de l’équipe de fouille a fait de Noyon un exemple unique.

Le support physique : les tablettes PC durcies
Pour la saisie informatique des données sur le terrain, quatre tablettes PC durcies ont été mises à disposition par l’Inrap.

Initialement conçu pour un usage militaire, ce type de matériel est pourvu de tous les programmes habituellement présents sur un ordinateur de bureau. Il est surtout très robuste et adapté aux conditions extérieures (résistance à l’humidité, à la poussière, aux chocs, aux températures extrêmes, etc.). La saisie s’effectue au moyen d’un stylet, directement sur l’écran tactile.

Le support numérique : la base de données C.A.Doc et le logiciel le Stratifiant
Chaque tablette a été équipée de la base de données d’enregistrement appelée C.A.Doc (pour « chantier archéologique et documentations »). Sur le terrain, l’ensemble des données (faits archéologiques, unités stratigraphiques, sondages, dessins, photos numériques, mobilier isolé et prélèvements) était enregistré sur la tablette et restait donc consultable à tout moment.
 
De plus, C.A.Doc est conçu pour fonctionner en synergie avec Le Stratifiant, une application de création de diagrammes stratigraphiques sous Excel. En fonction des données saisies sur le terrain, des propositions de diagrammes stratigraphiques peuvent être obtenus, permettant ainsi, en phase d’étude, de gérer la chronologie du site (en séquences, phases, périodes).
La cartographie en temps réel
À Noyon, la cartographie élaborée lors de la fouille était uniquement numérique. Elle regroupait les données issues de l’enregistrement de terrain sur C.A.Doc et celles provenant des plans topographiques. La gestion et l’interrogation de ces données s’opéraient directement sur les tablettes grâce au logiciel Quantum GIS.

La base de données spatiales de Noyon intègre celle créée pour l’ensemble des chantiers archéologiques du canal Seine-Nord Europe. L’objectif est de pouvoir produire et regrouper au sein d’un même système d’information géographique toutes les données cartographiques et analytiques du projet archéologique du Canal.

Le relevé de bâti par photographies redressées
Les photographies redressées sont des clichés pris le plus possible à la verticale de l’objet observé (photographies zénithales) puis numériquement corrigés de façon à pouvoir être exactement superposés à une carte plane.
 
À Noyon cette méthode a été systématiquement appliquée à l’ensemble des bâtiments et des structures importantes. Le relevé du bâti a été réalisé d’après une mosaïque de photographies redressées qui couvre une surface totale de presque 1 hectare. Les dessins d’après photos étaient systématiquement retransmis sur le terrain soit sous forme papier, soit sous forme numérique au travers des tablettes durcies. Ils y étaient mis à jour en fonction des observations de fouille, de sorte que le relevé final résulte d’interprétations in situ. En phase étude, tous les relevés ont été intégrés au plan topographique global.

Au-delà d’une optimisation du temps, l’emploi de telles méthodes sur le chantier de Noyon a permis une compréhension du site plus précise, complète et fiable.

Aurélien Bolo, Caroline Font, Thomas Guillemard, Marjolaine de Muylder