Les céramiques médiévales de Marseille, échos de la Mediterranée

Les céramiques utilisées à Marseille pendant le Moyen Âge reflètent remarquablement l’activité de son port. La position littorale stratégique de la ville semble insuffler à ses habitants des usages plus diversifiés que dans la Provence intérieure. Ainsi, à Marseille, la possession de produits d’origine lointaine ne semble pas être l’apanage d’une catégorie de population particulière. On en a retrouvé dans tous les points de la ville étudiés : dans le quartier marchand de la ville basse (place Villeneuve-Bargemon), dans le quartier épiscopal (tunnel de la Major, rue de la Cathédrale), dans les quartiers artisanaux (tanneurs de l’Alcazar, potiers de Sainte-Barbe), dans les nouveaux faubourgs (bourg du Morier/Alcazar, faubourg Sainte-Catherine/place de Gaulle).
La provenance exacte de cette céramique luxueuse est difficile à déterminer. L’emploi d’une argile siliceuse avec glaçure alcaline et décor est généralement attribué au Proche et au Moyen-Orient. L’usage du rouge dans les motifs, floraux notamment, ainsi que la délicatesse des dessins sont signalés dans les poteries iraniennes dites « de minā’i » (XIIe-XIIIe siècles), ainsi que dans des productions supposées syriennes ou égyptiennes du XIIIe siècles qui, plus tard, inspireront les célèbres céramiques ottomanes.
© Fl. Parent, Inrap
Pour les VIIIe-IXe siècles, seul un site (esplanade de la Major) a livré un petit assemblage de vaisselles grises aux formes alliant traditions de l’Antiquité tardive et innovations.


Au cours des deux siècles suivants, l’essentiel de la vaisselle en terre-cuite conserve une couleur sombre. Le pot, vase sans anse de différentes tailles, est l’ustensile céramique omniprésent. De fabrication locale ou régionale, toujours gris, il sert aussi bien à cuire qu’à stocker ou verser. Çà et là cependant, quelques fragments de vases attestent de rares échanges avec l’Italie, le Maghreb et l’aire byzantine.


À partir du XIIe siècle, le mouvement des Croisés et l’établissement de comptoirs marchands sur les rivages de la Méditerranée favorisent le développement des relations avec le monde islamique (Maghreb, Sicile, Al Andaluz) et le monde byzantin (Grèce et mer Egée). Des officines plus ou moins proches de l’arrière-pays marseillais et de l’actuel département du Var continuent à fabriquer les pots gris de différentes contenances, munis d’anses ou non, qui semblent bien ternes face aux produits arrivant des autres rivages de la Méditerranée. Toujours vernis, le plus souvent très colorés voire richement décorés, ceux-ci offrent une gamme de formes variées (casseroles, jattes, marmites, pichets...).
Au tout début du XIIIe siècle, des potiers s’installent au nord des remparts de la ville (quartier Sainte-Barbe). L’influence des céramiques étrangères sur leurs productions est indéniable : vaisselle vernissée et majoliques (faïences) décorées – jusqu’alors absentes des répertoires régionaux – s’inspirent très nettement de leurs homologues islamiques.

Puis les échanges avec l’Orient et le monde islamique persistent mais s’amenuisent, tandis que les principales sources d’approvisionnement se rapprochent. Ainsi, dès la fin du XIIIe siècle, les potiers de la basse vallée du Rhône fournissent l’essentiel de la vaisselle culinaire en terre et exercent une espèce d’hégémonie dans ce domaine en Provence. Viennent ensuite l’Italie, puis l’Espagne dans une moindre mesure. À côté de ces importations massives, des produits plus rares, plus lointains, plus exotiques apparaissent toujours, indiquant que le port de Marseille continue d’être une plaque tournante du commerce maritime en Méditerranée.

Florence Parent / Inrap