Le Paléolithique
Premiers peuplements dans le Midi toulousain
Le couloir garonnais est un axe important qui structure le Sud-Ouest français entre les Pyrénées et les contreforts du Massif central, riches en sites préhistoriques de toutes les périodes. La région toulousaine, qui s’étend dans la moyenne vallée de la Garonne, a bénéficié ces dernières années d’un profond renouveau des données même si, depuis longtemps, de nombreuses occupations anciennes y ont été reconnues (site d'En Jacca à Colomiers). Cette région est même à l’origine du débat, au XIXe siècle, sur l’ancienneté de la lignée humaine.
Le préhistorien Jean-Baptiste Noulet a en effet révélé dès 1851, sur le site de l’Infernet à Clermont-le-Fort, en Haute-Garonne, la présence d’outils taillés associés à des vestiges de faune disparue (mammouth, rhinocéros laineux). Sa publication ne verra cependant le jour qu’en 1860, confirmant les idées de Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes, qui avait pressenti lui aussi l’existence de l’homme fossile et qui en restera l’inventeur, grâce à des observations dans la vallée de la Somme.
Depuis cette époque, notamment grâce à l’archéologie préventive, de solides références autorisent une vision de plus en plus précise de l’occupation de la région toulousaine au cours de la Préhistoire ancienne même si les datations des occupations restent encore souvent incertaines. Aucun site paléolithique dans les environs de Toulouse n’a livré pour l’instant de restes osseux, ce qui rend difficile une partie de la restitution de la vie des préhistoriques. Les vestiges parvenus jusqu’à nous sont essentiellement en pierre, avec une prédominance des matières premières locales, et notamment des galets des alluvions de la Garonne (voir l'article sur l'exploitation des ressources dans le Toulousain) qui confèrent aux outils des formes parfois différentes de celles obtenues avec du silex.
Le Paléolithique inférieur
Les premières occupations, dites « pré-acheuléennes » – et dont le plus bel exemple, daté de plus de 700 000 ans, est le site de Bois de Riquet à Lézignan-la-Cèbe dans l’Hérault –, sont encore mal connues dans la région toulousaine. Quelques outils sur galets très altérés ont été récoltés, par exemple en Lomagne, au nord-ouest de Toulouse, dans les hautes terrasses de la Garonne. L’Acheuléen est ensuite bien mieux représenté, avec une grande quantité de sites, témoins d’une longue et intense occupation.
L’Acheuléen moyen comporte une première période « archaïque », représentée par un débitage peu développé d’éclats non standardisés, des bifaces (grands outils façonnés, généralement pointus, caractéristiques de la période acheuléenne) et des hachereaux (grands éclats façonnés laissant un tranchant transversal brut en forme de hache) peu normés et faiblement élaborés. Le site de référence de cette période est celui de La Rominguière. Lui succède un Acheuléen moyen « classique », avec une production qui reste peu standardisée mais des méthodes de taille qui se diversifient. Les bifaces et hachereaux sont très présents et de meilleure facture, complétés par des outils sur galets.
Quelques matières premières sont alors importées de la région. Le site de référence proche de Toulouse est celui d’En Jacca à Colomiers. Vient ensuite l’Acheuléen supérieur, qui a probablement duré de 300 000 ans à 150 000 ans avant le présent et dont le site le mieux décrit est celui de Raspide à Blagnac. La composante acheuléenne (bifaces et hachereaux) devient très discrète et la production d’éclats souvent standardisés, sur des matériaux de plus en plus variés et selon des méthodes de plus en plus complexes, annonce le Paléolithique moyen et le règne de Néandertal.
- Bifaces en quartzite.Ce type d’outils, trouvé en bonne quantité dans les collections acheuléennes, n’est...Bifaces en quartzite.Ce type d’outils, trouvé en bonne quantité dans les collections acheuléennes, n’est souvent, dans la vallée de la Garonne, façonné que sur une seule face (on peut alors parler d’« uniface ») car il est confectionné dans une roche bien plus robuste que le silex. Bichou, couche acheuléenne, Montaigut-sur-Save (Haute-Garonne), 2008.© Marc Jarry, Inrap.
- Éclats en quartzite.Ces éclats ont été débités dans des galets en quartzite, une roche...Éclats en quartzite.Ces éclats ont été débités dans des galets en quartzite, une roche très robuste. Ils peuvent être utilisés tels quels, leur tranchant étant bien plus solide que celui des silex, qui nécessitent des retouches et réfections des bords.Bichou, couche acheuléenne, Montaigut-sur-Save (Haute-Garonne), 2008.© Marc Jarry, Inrap.
- Carte de répartition par période des sites paléolithiques de la région toulousaine.© Marc Jarry,...Carte de répartition par période des sites paléolithiques de la région toulousaine.© Marc Jarry, Inrap.
Le Paléolithique moyen
Le Paléolithique moyen, qui s’achève vers 35 000 avec l’arrivée de l’Homme Anatomiquement Moderne, est connu par de nombreux sites, avec désormais comme référence Bel Soleil à Cornebarrieu, daté de la fin de la période. Les matériaux sont plus variés, la production d’éclats est standardisée et une méthode de taille particulière et complexe, dite Levallois, se généralise. Les bifaces et hachereaux perdurent mais ils sont très rares et bien plus petits.
Le Paléolithique supérieur
Le Paléolithique supérieur, excepté dans de très rares occurrences parfois douteuses, est absent de la vallée de la Garonne, alors qu’il est particulièrement bien connu dans les vallées profondes qui descendent des Pyrénées ou du Massif central. Des recherches récentes ont démontré que cette absence pouvait être mise sur le compte de la rudesse d’un désert froid et aride occupant le couloir garonnais pendant la dernière grande glaciation.
Les Hommes préhistoriques ayant succédé à Néandertal il y a environ 35 000 ans ont préféré se réfugier, avec les gibiers, dans les vallées protégées du vent glacial du piémont pyrénéen et aux marges du Massif central… Il est légitime d’imaginer que cette adaptation aux conditions environnementales s’est répétée au gré des variations climatiques tout au long de la Préhistoire.
Les peuplements paléolithiques dans le Sud-Ouest se seraient alors effectués au gré de pulsations où alternent la contraction des espaces occupés pendant les phases glaciaires et leur dilatation pendant les interstades. La vallée de la Garonne constituerait, et la région toulousaine au milieu, un pivot favorisant alternativement la circulation et une sorte de frontière limitant les contacts Nord/Sud.
Marc Jarry, Laure-Amélie Lelouvier
Marc Jarry, Laure-Amélie Lelouvier