L’exploitation des ressources minérales dans le Toulousain
La région toulousaine ne contient pas de gîte primaire de matières premières minérales. Les seules ressources véritablement disponibles sur place sont celles de deux ensembles détritiques : la molasse et les alluvions.
Carte géomorphologique du Midi toulousain.
© Laurent Bruxelles et Marc Jarry, Inrap.
La première est le résultat de l’accumulation puis de l’altération d’ensembles détritiques issus de l’érosion des montagnes environnantes (Massif central et Pyrénées) depuis l’Oligocène, soit il y a environ 34 millions d’années, alors qu’une mer occupe le Bassin aquitain. Ces molasses sont composées majoritairement d’argiles et de sables et constituent les collines aux formes molles, les terreforts, que l’on retrouve sur les buttes du Calvinet à l’est et de Pech David au sud de Toulouse. Cette molasse est aussi visible aux entailles des rivières puisque l’ensemble du sous-sol est constitué de cette formation.
Ces rivières sont les architectes du deuxième ensemble géomorphologique : les nappes alluviales. Celles-ci sont composées de galets de 20 cm de diamètre en moyenne, accumulés en larges terrasses au fur et à mesure de l’enfoncement des rivières dans les molasses, au gré des alternances climatiques qui ont scandé le Quaternaire depuis environ 2,5 millions d’années. Ces terrasses sont constituées des roches contenues dans les sols parcourus par les rivières en amont, et notamment des quartzites, quartz, lydiennes, granites, silex, micaschistes et gneiss, ainsi que des graviers et des sables, autant de matériaux à la disposition des hommes ayant parcouru ou occupé la vallée.
Au Paléolithique
Tout au long de cette période, la vallée de la Garonne est densément peuplée, en dehors bien sûr des périodes glaciaires où le vent, un ancêtre de l’Autan, et la rigueur des températures transforment la vallée en désert (voir l'article sur le Paléolithique). Les terrasses alluviales sont alors le principal gisement exploité par les préhistoriques pour confectionner leur outillage, mais aussi pour aménager des foyers ou des espaces de vie. Type de roche, texture, taille et forme du galet font l’objet d’un choix méticuleux parmi le panel disponible.
La roche favorite sera très longtemps et très largement le quartzite, dont les qualités à la taille et la robustesse des tranchants en font un très bon matériau. À la lumière des recherches récentes, quelques nuances sont cependant à apporter sur l’évolution des pratiques tout au long de ce demi-million d’années. Si l’ensemble des occupations montre que les tailleurs ont utilisé des roches qu’ils ont toujours sélectionnées avec soin au sein des matières premières à leur disposition, celles-ci sont de plus en plus diversifiées avec le temps.
Les quartz et les lydiennes, pourtant de qualité médiocre, sont plus nombreux, répondant sans doute à des besoins spécifiques. Par la suite, notamment à partir de l’Acheuléen supérieur, mais surtout au Paléolithique moyen, l’utilisation d’autres roches est de plus en plus courante et certaines, plus rares, vont faire l’objet d’une sélection pour des débitages ou des outils particuliers. C’est le cas notamment du silex, pourtant présent en faible quantité dans les alluvions de la Garonne et du Tarn. L’exploitation de matières premières extérieures aux sites eux-mêmes fait donc partie de l’évolution des techniques.
Si les matériaux des premières industries jusqu’à l’Acheuléen moyen archaïque sont strictement locales, avec l’Acheuléen moyen classique, il y a environ 200 000 ans, l’apport de matériaux depuis l’extérieur du site, d’une terrasse alluviale à l’autre, se fait sur parfois près de 80 km. Au Paléolithique moyen, ce mouvement s’accentue et nous retrouvons sur les sites du Midi toulousain des silex des Petites Pyrénées ou du Tarn. Le Paléolithique supérieur, quant à lui, est absent de la région toulousaine (voir l'article sur le Paléolithique). Mais nous savons que les silex du Quercy, de la Dordogne ou même du Poitou sont appréciés dans les Pyrénées et la vallée de la Garonne, certes inhospitalière à cette période, devait cependant être un axe de passage(voir l'article sur le Paléolithique).
- Figure 2 : Bifaces acheuléens en quartzite. Bichou, Montaugut-sur-Save (Haute-Garonne), 2008.© Marc Jarry, Inrap.Figure 2 : Bifaces acheuléens en quartzite.
Bichou, Montaugut-sur-Save (Haute-Garonne), 2008.© Marc Jarry, Inrap. - Figure 3 : Cartographie synthétique des déplacements de matières premières au Paléolithique...Figure 3 : Cartographie synthétique des déplacements de matières premières au Paléolithique inférieur et moyen. À gauche, le quartzite de bonne qualité ; à droite, les silex pyrénéens et tarnais ; en rouge apparaissent les gîtes naturels.© Marc Jarry, Inrap.
- Figure 4 : Lame de hache polie en cinérite, Néolithique moyen (Chasséen).Quartier d’Ancely,...Figure 4 : Lame de hache polie en cinérite, Néolithique moyen (Chasséen).Quartier d’Ancely, Toulouse(Haute-Garonne), 2008.© Olivier Dayrens, Inrap.
- Figure 6 : Marbre grand antique d’Aubert. Les tonalités de ce marbre prestigieux créent un contraste très net...Figure 6 : Marbre grand antique d’Aubert. Les tonalités de ce marbre prestigieux créent un contraste très net entre les éléments de calcaire noir, fortement anguleux et de grande taille, et la calcite blanche. La formation de cette brèche tectonique date vraisemblablement de la fin du Crétacé, suite au plissement de la zone nord-pyrénéenne.© Frédéric Veyssière, Inrap
Au Néolithique
L’argile des molasses locales est alors utilisée pour réaliser des céramiques. Les terrasses alluviales de la Garonne sont également largement exploitées. Les galets sont employés pour débiter des éclats effilés pour les couteaux et autres outils du quotidien. Ils sont également utilisés comme tels, ou après un façonnage plus ou moins prononcé. Des petits galets aplanis sont par exemple transformés en lestes par façonnage de deux encoches, par taille et/ou bouchardage. On fabrique aussi des meules et des molettes en piquetant une surface de grands galets en granite ou en quartzite, frottés ensuite entre eux pour moudre les céréales (moulins « à va-et-vient »). Des galets ou des éclats de galet sont transformés en lames de hache, par taille, bouchardage puis polissage. Ces haches polies sont ensuite intégrées dans de lourds manches en bois.
Enfin, les galets sont utilisés comme matériel réfractaire dans des fosses de formes et dimensions variables, parfois disposées en batterie, dans lesquelles les galets sont chauffés sur un lit de charbons pour la cuisson ou la transformation des aliments. En complément des ressources locales, des matériaux lithiques sont importés des régions voisines ou plus lointaines. On trouve ainsi des lames de haches en cinérite, une roche volcanique de l’Aveyron, ainsi qu’en amphibolite calcique, une roche présente dans les pré-Pyrénées et dans le sud du Massif central. Des lames de hache en silex bergeracois ou en roches vertes du nord-ouest de l’Italie sont attestées. Pour les polissoirs et la meunerie, on importe le grès de La Marèze (Tarn).
Les circuits d’échange du silex varient selon les périodes. La commune du Verdier (Tarn) fournit un silex plutôt grossier, régulièrement exploité. Plus rarement, des silex aquitains ou des pré-Pyrénées, voire de la chaille de l’Aveyron, sont employés. Le silex blond de Vaucluse, de très bonne qualité, est largement utilisé pour l’industrie laminaire dans tout le Midi de la France au Néolithique moyen et au Néolithique récent. Les silex du Gard et des Alpes-de-Haute-Provence arrivent en petites quantités dans le Sud-Ouest à partir du Néolithique moyen, puis au Néolithique final-Chalcolithique.
Des âges des Métaux jusqu’aux périodes historiques
Toutes les matières premières locales, galets, sables et argiles, ont été utilisées pour la construction (torchis, brique crue ou cuite), ainsi que pour la fabrication de nombreux éléments en terre (poterie). À partir de l’époque antique, l’approvisionnement se fait plus lointain, avec de nouvelles matières premières utilisées pour la construction et la statuaire : marbre, calcaire et grès. Elles sont extraites des Pyrénées, puis acheminées facilement par voie fluviale, avec un chargement sur des radeaux qui descendaient la Garonne jusqu’à Toulouse. Un autre approvisionnement en calcaire, les calcaires de l’Armagnac, se fait également par l’Ouest, en provenance du Gers, par voie terrestre.
Dans le massif des Petites Pyrénées, au sud de Toulouse, ont été extraits le calcaire à Milioles de Belbèze, le calcaire Nankin de Roquefort-sur-Garonne et le grès de Furne. Les marbres blancs et colorés proviennent des hautes vallées pyrénéennes, Garonne, Salat et Adour ainsi que de leurs affluents. De là sont extraits la brèche Isabelle de la Pène Saint-Martin et le marbre blanc de Saint-Béat, dans la vallée de la Garonne ; les marbres griottes rouges de Signac et de Sost dans la Barrousse ; le marbre Grand Antique d’Aubert à Moulis, dans la vallée du Lez ; les marbres griottes verts d’Estours Pont-de-la-Taule à Couflens et Seix, dans la vallée du Salat ; les marbres griottes vertes et rouge grenat de Campan dans la vallée de l’Adour.
À la fin de l’Antiquité et durant le Moyen Âge, on remarque une récupération opportune et facile des matériaux à Toulouse. À partir du XVIIe siècle, suite à la construction du canal du Midi par Pierre-Paul Riquet, la molasse de Carcassonne (grès) est importée du Sud-Est. Enfin, de la Renaissance à nos jours, les importations se font bien au-delà de la région…
Marc Jarry, Roberta Bevilacqua, Frédéric Veyssière
Marc Jarry, Roberta Bevilacqua, Frédéric Veyssière