Les Bosquets

Gisement en cours de fouille. La surface d'ouverture au sol est de 4 000 m², la surface fouillée au fond du décapage est d'environ 1 500 m². Une berne centrale permet un contrôle stratigraphique permanent. © É. Goval, Inrap
Gisement en cours de fouille. La surface d'ouverture au sol est de 4 000 m², la surface fouillée au fond du décapage est d'environ 1 500 m². Une berne centrale permet un contrôle stratigraphique permanent. © É. Goval, Inrap

Description

De fin septembre à mi-décembre 2010, un site préhistorique a été fouillé à Havrincourt (secteur 1). Sur la même commune, une seconde fouille paléolithique se déroule actuellement (secteur 2). Ces deux sites, distants de 400 m, ont été diagnostiqués durant l'année 2009 par Nathalie Sellier (Inrap).

Résultats

Une occupation néandertalienne de la fin du Paléolithique moyen

Chronologie et taphonomie
Au lieu-dit « les Bosquets », à Havrincourt, en contexte de versant, a été retrouvé un témoignage unique de la présence de Néandertaliens. Préservée dans un limon brun lœssique, l'occupation date d'environ 55 000 ans (transition entre les stades isotopiques 4 et 3), elle est donc assimilable à la fin du Paléolithique moyen. Il s'agit de l'une des rares traces de l'homme de Néandertal à cette époque dans cette région. La fouille d'un premier secteur, d'une superficie globale de 1 500 m² à une profondeur de 5 m, a permis la mise au jour de vestiges lithiques et fauniques. Trois niveaux d'occupation attribuables au Paléolithique moyen ont été découverts mais seul l'un d'entre eux s'est révélé être en place et correctement préservé. D'un point de vue chronologique et environnemental, cette découverte apporte des indices inédits dans la compréhension de la séquence stratigraphique du Pléniglaciaire du Weichselien pour le nord de la France.

Une occupation brève
À l'issue de la fouille du premier secteur du gisement d'Havrincourt, force est de constater que les objets laissés par le passage des Néandertaliens ne sont guère nombreux. Ces témoignages vont dans le sens d'une occupation de courte durée sur le site. Les hommes n'ont laissé sur place que des éclats Levallois de très grandes dimensions. Autrement dit, aucune action liée à la taille du silex n'a été produite sur place. Ces pièces sont de belle facture et mettent en avant la maîtrise et le savoir-faire de ces hommes. En raison de l'acidité du sédiment du niveau archéologique, peu de restes organiques ont été conservés. Toutefois, certains éclats Levallois préférentiels sont associés à des dents de cheval et à d'autres restes de faune. Ils ont probablement été utilisés en tant que couteau de boucherie, ce que devront confirmer les études fauniques et tracéologiques.

Une découverte atypique
Trop rarement effectuée, en raison de la faiblesse numérique du matériel, la fouille de ce type de site est pourtant primordiale pour appréhender la fonction et le fonctionnement de ces haltes, de ces occupations de courte durée. La découverte et la fouille du gisement d'Havrincourt contribue à une meilleure compréhension de l'organisation territoriale de ces groupes humains. Cette segmentation des activités dans l'espace étant révélatrice du degré de planification de ces hommes, mais aussi de leur organisation sociale.
Localisé à 1,5 km à vol d'oiseau du site préhistorique d'Hermies, « le Tio marché », les ressemblances entre ces deux sites sont importantes. En effet, à Havrincourt, un outillage similaire a été produit ex-situ dans un atelier identique à celui retrouvé à Hermies, « Le Tio marché » (Valin et Masson, 2001). Les observations faites à Havrincourt, mises en parallèle avec les découvertes locales et régionales, permettent de mieux connaître une période peu documentée dans la région.
 
L'exploitation d'un même territoire par Néandertal et Homo Sapiens Sapiens
L'occupation datant de 50 000 ans correspond à la fin du Paléolithique moyen. Certains indices indiquent que les silex étaient taillés selon la méthode de débitage Levallois (du site éponyme), caractéristique de la période. Les pièces, de belle facture, attestent la maîtrise et le savoir-faire des hommes qui les taillaient. L'ensemble des éléments de la chaîne opératoire (nucléus, éclats, outils) est présent sur place, associés à quelques restes animaux.

L'occupation datant de 30 000 ans serait attribuable à la phase ancienne du Paléolithique supérieur. Les datations radiométriques devraient en confirmer le caractère exceptionnel pour le nord de la France. Le niveau se compose entre autres de quatre locii, dans lesquels des restes animaux sont associés à des vestiges d'industrie lithique. L'ensemble du cortège de la steppe à mammouths a été retrouvé : rhinocéros laineux, bison, cheval, renne, mammouth. Chaque locus, implanté sur 2 à 10 mètres carrés, comporte parfois plus de 400 artefacts.
L'étude de ces vestiges permettra de mieux comprendre l'organisation territoriale des groupes humains. En effet, la découverte de ces locus isolés peut traduire une segmentation des activités dans l'espace, révélatrice du degré de planification de ces hommes comme de leur organisation sociale, et/ou une récurrence d'occupation par plusieurs groupes.

Ce niveau d'occupation est une découverte exceptionnelle pour la région. Son étude fournira des données fondamentales pour appréhender les modalités de peuplement du nord-ouest de l'Europe par Homo sapiens sapiens. D'autre part, ces fouilles sont remarquables car elles prouvent l'exploitation successive d'un même territoire par l'Homme de Néandertal (occupation la plus ancienne) et l'Homme moderne (occupation la plus récente).

L'apport des diverses disciplines scientifiques
Outre l'étude des silex taillés, qui est au cœur de la démarche du paléolithicien, de nombreuses disciplines sont sollicitées par l'archéologue pour appréhender les activités de l'homme dans son milieu : la mise en place des dépôts et la nature des sols (géologie), l'évolution du paysage (géomorphologie), le climat (malacologie ou étude des coquillages), le couvert végétal (palynologie ou étude des pollens), les espèces animales et éventuellement les saisons d'abattage (archéozoologie).

Des occupations complémentaires dans le temps et l'espace
La succession des décapages menés à Havrincourt a permis aux archéologues d'étudier des séquences lœssiques de plus de 6 mètres. Compte tenu des rares données existantes dans le Nord de la France pour le Pléniglaciaire moyen (± 55 000 à 30 000 ans), et au regard de celles attribuées au Début Glaciaire Weichselien (± 112 000 à 70 000 ans), les séquences lœssiques d'Havrincourt serviront désormais de repères pour cette période permettant une reconstitution paléoenvironnementale et climatique au Pléniglaciaire moyen du Weichselien (± 55 000 à 30 000 ans) en contexte de versant.

Émilie Goval, Inrap

  • Vous devez accepter les cookies vidéos pour bénéficier de ce service, Cliquez ici pour modifier vos paramétrages.

    Les steppes Paléolithiques d'Havrincourt

    Havrincourt, dans le Nord, les fouilles entreprises sur le tracé du futur canal Seine-Nord Europe ont révélé un témoignage unique de la présence de Néandertaliens. Datant d'environ 55 000 ans, l'occupation identifiée est assimilable à la fin du Paléolithique moyen. Il s'agit de l'une des rares traces de l'homme de Néandertal à cette époque dans cette région.

    Durée : 8'15"

    Réalisation : Stéphane Bégoin

    © Inrap - Gédéon Programmes - 2011