Le Champ Poirier

Plan général des vestiges. © C. Font, Inrap
Plan général des vestiges. © C. Font, Inrap

Description

Afin d'assurer la régularité du débit du canal Seine-Nord Europe, il a été prévu d'installer un bassin réservoir de 74,4 hectares jouxtant le tracé sur les communes d'Allaines et Bouchavesne-Bergen, au nord de Péronne. Dans ce cadre, un diagnostic archéologique a été réalisé en 2009 par Véronique Harnay sur l'ensemble de la zone concernée. Il a révélé deux occupations : l'une principalement représentée par un cercle de l'âge du Bronze et l'autre par les vestiges d'un habitat rural gallo-romain.

Résultats

Un cercle de l'âge du Bronze
Le monument funéraire de l'âge du Bronze se présente sous la forme d'un cercle régulier de 50 m de diamètre visiblement assez érodé (le fossé est conservé sur des profondeurs comprises entre 0,50 et 1 m). Son tracé est interrompu, au nord, sur une cinquantaine de centimètres de large ; il pourrait s'agir d'une entrée. Le monument n'a livré aucun vestige funéraire, ni à l'intérieur ni à l'extérieur, et l'absence de mobilier recueilli à la fouille ne permet pas de le dater précisément.

Un puits d'extraction implanté au centre du cercle de l'âge du Bronze a livré les restes manipulés de deux individus : l'un presque complet, le second représenté par un seul os. Ce puits a été utilisé au cours du Ier siècle de notre ère, puis abandonné et partiellement comblé, en majeure partie naturellement. C'est dans le courant du IIIe siècle qu'ont  été déposés les restes humains avant le comblement final de la structure.

Un habitat rural gallo-romain
Le secteur antique est situé à une centaine de mètres à l'est du cercle.
Plusieurs vestiges en creux sont antérieurs à l'occupation romaine : des fosses et quelques ensembles de poteaux mal conservés, datés du début du premier âge du Fer (VIIe-VIe siècles avant notre ère), témoignent de la présence de petites unités de stockage ; au nord-ouest de la parcelle, un réseau de fosses se rattache au début du second âge du Fer (Ve-IVe avant notre ère) ; enfin deux petits ensembles funéraires illustrent la fin du second âge du Fer (IIe-Ier siècles avant notre ère).

Après une période d'un siècle environ n'ayant pas laissé de traces visibles, c'est dans la seconde moitié du Ier siècle qu'un établissement rural structuré s'organise autour d'une vaste cour quadrangulaire enserrée par un enclos.
À la périphérie nord-ouest de l'enclos se trouvent les vestiges du bâtiment principal, probablement constitué de poteaux porteurs en bois fichés directement dans le sol ou implantés sur sablière basse. Différentes structures relatives à la phase initiale du corps de logis ont pu être identifiées, notamment deux celliers, un silo excavé (utilisé pour la conservation de céréales et d'autres denrées végétales), deux foyers ouverts quadrangulaires ainsi qu'une cuvette semi-excavée reliée à un fossé d'évacuation.
Dans la cour, d'autres constructions apparaissent. Un grand bâtiment sur poteaux de bois, à double nef, épouse le côté sud-ouest de l'enclos ; comme le corps de logis, il présente un aménagement intérieur composé de plusieurs foyers rectangulaires ainsi qu'un cellier. Une petite cave en moellons de calcaire a été construite à proximité. Un grand fossé en forme de « U » creusé sur le côté nord-est de l'enclos pourrait également avoir entouré un édifice sur poteaux ou sablière basse ; trois poteaux longeant le côté ouvert ainsi qu'un foyer rectangulaire peuvent se rattacher à cet ensemble. Au centre de la cour, une zone domestique avec plusieurs foyers est installée dans une cuvette.
Dès cette première phase, le domaine ne se limite pas à la cour principale, car un second enclos quadrangulaire est implanté à l'arrière de la résidence. En bordure de celui-ci, deux tombes à incinération très arasées ont pu être prélevées.

Restructuration de la villa
Entre la fin du IIe siècle et le début du IIIe siècle, le bâtiment principal est entièrement reconstruit en moellons de pierre calcaire. Il présente un plan très similaire à la première phase, la répartition des murs intérieurs épousant en partie les limites de certaines structures plus anciennes (cellier, cuvette).  Une nouvelle cave est construite en matériaux de récupération, à proximité du fossé en « U ». Un puits et un nouvel ensemble de fours circulaires sont également aménagés au centre de la cour.

Durant le Bas-Empire (du début du IVe à la fin du Ve siècle), le bâtiment sur poteaux de la cour est entièrement réaménagé en moellons de pierre sur semelle de craie. Un sol de craie damée et un nouveau cellier sont installés à l'intérieur. L'érosion importante du site ne permet malheureusement pas d'en restituer le plan d'ensemble. Un nouvel enclos quadrangulaire, plus large, englobe désormais la totalité du domaine (pars urbana / partie urbaine et pars rustica / partie agricole). De nouveaux aménagements voient le jour, principalement des ensembles de fours ainsi que deux grandes dépressions, dont l'une pourrait avoir servi de fosse à lisier. L'occupation semble se maintenir jusqu'au début du Ve siècle.

Bien que de taille moyenne, l'établissement rural d'Allaines s'intègre au modèle des villae rencontrées sur le territoire picard, comme celle de Roye, dans la Somme. On retiendra pour l'essentiel des édifices répartis autour d'une cour, l'ensemble convergeant vers l'habitat principal, placé sur un petit côté de l'enclos et pourvu d'une galerie en façade. 

Évelyne Gillet et Philippe Lefèvre