Au début du XXe siècle, les découvertes d'un type de céramique particulière dans le sud-ouest de la Gaule, territoire occupé à la fin de l'Antiquité par les Wisigoths, conduisent les archéologues à attribuer à cette céramique le nom de « wisigothique ». Dans les années 60, les chercheurs Jacqueline et Yves Rigoir s'intéressent de nouveau à ces vases et identifient trois grands groupes de production : Atlantique, Languedoc et Provence. La qualité des pâtes, fines et calcaires, proche de celle des sigillées, et la présence des vases dans des contextes de la fin du IVe et du Ve siècle, voire au-delà, amènent les chercheurs à les rebaptiser « dérivées-de-sigillées paléochrétiennes ». Ces céramiques comportent des décors, réalisés selon la technique de l'estampage, fortement inspirés de thèmes chrétiens.
Les dérivées-de-sigillées paléochrétiennes

Une dérivée-de-sigillée paléochrétienne, fin de l’Antiquité. Il s’agit d’une assiette à pâte grise.
Îlot de la Charpenterie, Orléans (Loiret), 1999.
Îlot de la Charpenterie, Orléans (Loiret), 1999.
© Myr Muratet, Inrap
130 fragments à Orléans
La diffusion de ce type de céramique est bien attestée sur le cours de la Loire. À Orléans, plus de 130 fragments ont été répertoriés à ce jour. Les pâtes des vases mis au jour ont une couleur grise (les productions orangées sont quasiment absentes). Les formes correspondent essentiellement à des assiettes/plats et à des bols. Quelques coupelles et quelques jattes ansées à bec verseur ont également été découvertes.
Des décors caractéristiques
Les motifs décoratifs identifiés sur les vases orléanais sont de deux types. Le guillochage (motif de traits incisés entrecroisés avec régularité) est très présent sur les bols, tandis que les motifs estampés (palmettes, rouelles…) se retrouvent de façon quasi-systématique sur les parois internes des assiettes et des plats.
Groupe Atlantique
Les dérivées-de-sigillées paléochrétiennes d'Orléans appartiennent principalement au groupe Atlantique. Les productions provençale et languedocienne, sans être totalement écartées, restent marginales. La plupart des poinçons décoratifs découverts à Orléans ont été identifiés à Bordeaux ou sur des sites aquitains.
Marqueurs chronologiques
L'un des intérêts des études céramologiques est d'offrir des éléments détaillés de datation. Les dérivées-de-sigillées paléochrétiennes d'Orléans représentent en cela de bons marqueurs chronologiques. Les deux types morphologiques les plus fréquents (les assiettes et les bols) ont été produits à Bordeaux en grand nombre tout au long du Ve siècle sans vraiment connaître d'évolution typologique. Les coupelles et les jattes ansées à bec verseur sont, en revanche, plus tardives : elles n'apparaissent pas avant la fin du Ve siècle et existent tout au long du VIe siècle.
Les fragments de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes ont été, pour la plupart, découverts à l'intérieur du castrum et/ou à proximité de l'enceinte urbaine d'Orléans, bâtie dans le dernier quart du IVe siècle. Leur découverte atteste clairement d'une occupation tout au long du Ve siècle, jusqu'au début de la période mérovingienne.
Vitalité du commerce
Les dérivées-de-sigillées paléochrétiennes représentent la dernière grande famille de vaisselle fine commercialisée en Gaule romaine. Elles témoignent de la continuité des réseaux de circulation et constituent un bon indicateur de l'état des dynamiques commerciales à la fin de l'Antiquité et au début de la période mérovingienne en Gaule interne. À cette période pourtant troublée, l'agglomération d'Orléans semble donc avoir su conserver, par sa position stratégique sur la Loire, un certain niveau économique.
- Carte localisant les découvertes récentes de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes à Orléans.Carte localisant les découvertes récentes de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes...Carte localisant les découvertes récentes de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes à Orléans.
© Marie-Pierre Chambon et Hervé Herment, Inrap - Exemples de décors estampés (dessins) et fragments décorés (photo).Exemples de décors estampés (dessins) et fragments décorés (photo). Le décor le plus courant se compose...Exemples de décors estampés (dessins) et fragments décorés (photo). Le décor le plus courant se compose d’une série de palmettes concentriques organisées autour d’un médaillon central, le tout délimité par une couronne périphérique réalisée au guillochis.
Divers sites, Orléans (Loiret).
© Marie-Pierre Chambon, Inrap - Dessins des profils de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes.Divers sites, Orléans (Loiret).Dessins des profils de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes. Divers sites, Orléans (Loiret). ...Dessins des profils de dérivées-de-sigillées paléochrétiennes.
Divers sites, Orléans (Loiret).
© Marie-Pierre Chambon, Inrap - Une dérivée-de-sigillée paléochrétienne, fin de l’Antiquité.Une dérivée-de-sigillée paléochrétienne, fin de l’Antiquité.Il s’agit...Une dérivée-de-sigillée paléochrétienne, fin de l’Antiquité.Il s’agit d’une assiette à pâte grise.
Îlot de la Charpenterie, Orléans (Loiret), 1999.
© Myr Muratet, InrapExemple de signature d’un potier.Exemple de signature d’un potier. Îlot Nazareth, Orléans (Loiret), 1994. © Myr Muratet, InrapExemple de signature d’un potier.
Îlot Nazareth, Orléans (Loiret), 1994.
© Myr Muratet, Inrap
Marie-Pierre Chambon