Un dépôt d’outils agricoles en fer du IIIe siècle

Un ensemble exceptionnel de sept objets en fer a été découvert dans le comblement d’abandon d’un puits du site de Castelle GR à Lattes.
Objets en fer issus d’un puits du site de Castelle GR à Lattes (IIIe siècle de notre ère) :
1 et 2 : serpes de vigne ; 3 : signaculum (outil de marquage) ; 4 et 5 : anneaux à émerillons ; 6 : scie à refendre avec restitution de son montant en bois ; 7 : scie égoïne à manche en bois de cerf.
Castelle GR, Lattes (Hérault), 2014.
© Stéphanie Raux, Inrap.
Cinq d’entre eux se rapportent au domaine agro-pastoral et deux autres au travail du bois. Ils proposent une image des activités qui devaient se dérouler sur le site, par ailleurs mal documenté du fait du fort arasement des structures archéologiques.   

Les outils sont majoritairement complets ; seuls les manches en bois ne sont pas conservés, indiquant que le puits n’était plus en eau au moment de leur rejet.

Vestiges des activités rurales et du puisage de l’eau

Deux serpes illustrent le travail de taille dans les vignes. Leurs lames sont en forme de croissant à tranchant concave et leur dos est équipé d’une hachette (ou talon) perpendiculaire. L’emmanchement est à soie fine (extrémité étroite de l’outil, sur laquelle se monte le manche) et renforcé par une virole.   

L’élevage est représenté par un fer à marquer le bétail d’une longueur de 39 cm, à emmanchement à douille. Ce signaculum comprend les lettres L et S, séparées par un dauphin nageant tête vers le bas. Son usage le plus fréquent est d’identifier des animaux en apposant au fer rouge, en particulier sur les chevaux, la marque de leur propriétaire. Mais il peut cependant également être utilisé pour marquer à chaud des grumes et billes de bois destinées à la commercialisation. Deux groupes de deux et trois anneaux reliés entre eux par des émerillons sont des éléments de chaînes articulées, qui peuvent avoir de multiples utilisations notamment dans l’équipement domestique (crémaillères) ou dans les systèmes d’attelage.   

Enfin une scie à refendre et une scie égoïne (à dents triangulaires et à une seule poignée) attestent le travail du bois. La première est une lame droite aux extrémités perforées, destinées à être montées sur un cadre de bois. De tailles variables, les scies à refendre sont considérées comme des scies universelles, utilisées à diverses tâches de découpe et de débitage. La seconde, complète, possède une lame légèrement courbe d’une longueur de 27 cm, à denture fine et extrémité arrondie. Elle est à emmanchement à soie et a conservé, bien que désolidarisée, sa poignée façonnée en bois de cerf ou d’élan. Sa morphologie lui permet d’être utilisée à la place d’une scie montée lorsque le cadre de cette dernière est gênant.   

Le puits a également livré des ustensiles de puisage, dont un grappin en fer et un lot de cerclages de seau, mais ceux-ci ont été perdus alors que la structure était encore en usage. 

La raison du dépôt reste inconnue

La présence de ces outils et instruments en fer en parfait état de fonctionnement dans les comblements d’abandon datés du IIIe siècle de notre ère est étonnante : ils n’ont pas été mis au rebut et ne sont sans doute pas non plus tombés accidentellement dans le puits.  

L’hypothèse d’une constitution de réserve de matière première à partir d’un recyclage est peu crédible, du fait que ces objets ne sont pas hors d’usage. Reste donc à envisager celle d’un dépôt ou d’une cachette, peut-être en urgence, d’objets usuels et en bon état, pour les soustraire à un événement à ce jour non déterminé, les objets n’ayant finalement pas été récupérés. Ce phénomène est régulièrement attesté, notamment sur les sites ruraux de l’Antiquité tardive, voire du haut Moyen Âge.  

Quoi qu’il en soit, ce panel d’outils constitue un lot d’une conservation exceptionnelle et illustre a minima les travaux de production vivrière et d’entretien des champs (peut-être aussi des bâtiments) qui occupaient le site de Castelle GR.

Stéphanie Raux