Synthèse par thèmes

Prisons

Les prisons et autres lieux d’enfermement sont rarement étudiés par l’archéologie. Leur apparition en tant que tels est en relation avec l’évolution de la justice et, encore au Moyen Âge, l’enfermement n’est que temporaire car il n’est pas considéré comme une peine de justice. Deux sites toulousains illustrent bien cette mutation radicale : Cité judiciaire et place des Hauts-Murats.
Grille en fer forgé à la base de la Tour de l’Horloge, XVIIe siècle. Il s’agit de la réutilisation d’une grille pour une baie plus grande, superposée aux barreaux initiaux. L’ouverture donnait sur le fossé et constituait un point faible de la fortification.
Cité judiciaire, Toulouse (Haute-Garonne), 2007.

La Tour de l’Horloge

Au milieu du XVIe siècle, le Parlement prend le pas sur le site du château Narbonnais. Il devient une institution essentiellement judiciaire qui provoque de profondes transformations au cœur du palais royal. La forteresse des anciens comtes est abattue et le donjon est remplacé par une ancienne tour du rempart, largement rehaussée pour abriter la cloche et l’horloge, symboles éminents du temps judiciaire et du pouvoir du Parlement.

Les données archéologiques peuvent être croisées avec d’autres sources documentaires d’époque moderne. Des représentations de cette tour, ainsi qu’un descriptif détaillé de l’ingénieur Garipuy en 1778, en précisent la fonction. L’horloge, la cloche et le logement du carillonneur occupent le haut de la tour. Dans les salles voûtées de la partie basse, correspondant au rempart du XIIIe siècle, sont aménagés deux cachots noirs. Ces cellules d’isolement sont une nouveauté puisque les prisons de la chancellerie se présentent sous la forme d’une grande salle commune. Ces cachots sont réservés aux prisonniers les plus « prestigieux » ou accusés de crimes particulièrement graves.
Les fouilles ont montré qu’il existait un troisième cachot à la base de la tour, abandonné et comblé à la fin du XVIe siècle, bien avant le plan de 1778. Sa fonction de cellule est attestée par une ouverture étroite donnant sur le fossé. Seul jour de cette pièce aveugle, elle est fermée avec des barreaux et aménagée par de gros blocs cramponnés pour éviter toute tentative d’évasion. Sa situation, à hauteur du fossé en eau, rend ce cachot particulièrement insalubre, pour ne pas dire inutilisable en période de crue, ce qui est sans doute la raison de son abandon.

Comme l’ouverture de ce cachot demeure un point faible de la tour, une large grille en fer forgé est alors superposée aux barreaux et crampons précédents afin de condamner définitivement toute issue. La fonction de prison de ce secteur du Parlement persiste encore après la Révolution, avec la construction d’une maison d’arrêt au XIXe siècle.

Les Hauts-Murats

Les prisons sont aussi nombreuses que les juridictions : royale, consulaire ou épiscopale. La plus originale est celle du site des Hauts-Murats, adossée à l’enceinte antique et réunie à l’enclos du palais royal. Hauts-Murats est en fait la déformation du mot « emmurats » : les emmurés. Cette désignation se rapporte à la prison de l’Inquisition, premier tribunal à faire de l’enfermement une sanction, pour « isoler » les hérétiques condamnés du reste de la société. Les prisonniers sont dès lors considérés par la population comme des « emmurés ».

Construits à la fin du XIIIe siècle avec l’aide des finances royales, les bâtiments encore existants forment ainsi le plus ancien site d’incarcération conservé. La pérennité de leur fonction dépasse largement le Moyen Âge puisqu’ils servent de prison successivement pour : les Cathares, les protestants, les coupables de crimes de lèse-majesté, les tribunaux révolutionnaires et militaires, les juifs et les résistants de la deuxième guerre mondiale…
Un sondage archéologique pratiqué dans la salle la plus vaste a confirmé cette occupation dans le long terme avec un dallage de brique maintes fois réparé et remanié. Des alignements d’empreintes de poteaux, parallèles à trois des côtés de la pièce, montrent l’aménagement cloisons internes réalisé à la Révolution. Ils définissent probablement des espaces de cellules tout autour de la salle. L’ancienne tour ronde du rempart gallo-romain complète la salle principale, comme l’indiquent les deux portes renforcées qui y donnent encore accès aujourd’hui. Elles possèdent chacune un judas et plusieurs verrous actionnés de l’extérieur.

Jean Catalo