Les Goths à Toulouse : 413-508
L’arrivée des Goths à Toulouse, point final d’une longue pérégrination, a lieu en 413-414 ; la ville devient alors rapidement la capitale de l’entité politique wisigothique des Gaules, la Gothia.
Les monuments
Les nouveaux arrivants créent des bâtiments adaptés à leur récente installation, et notamment un siège administratif et religieux : un palais et (au moins) une église. C’est le début d’un « urbanisme wisigothique ». On pourrait même évoquer un « quartier goth », secteur monumental localisé à l’extrémité nord-ouest de la ville et se développant de part et d’autre de la muraille, le long du cours de la Garonne. Ces bâtiments s’étirent sur 600 m au moins ; du sud au nord, on trouve intra muros l’église de la Daurade, le probable palais, puis, extra muros, l’église Saint-Pierre des Cuisines et un monument à portique (sans doute de nature funéraire).
Le probable palais des rois goths
L’archéologie préventive a permis de mettre au jour, à l’emplacement de l’ancien hôpital militaire Larrey, une petite partie d’un imposant complexe adossé au rempart du Ier siècle et qui comprenait un vestibule, des coursives et des pièces en enfilade, dont une de grande dimension et pourvue d’une abside. La chronologie de ce bâtiment est comprise entre la fin du IVe et le courant du Ve siècle. Les chercheurs s’accordent aujourd’hui pour y reconnaître la partie la plus occidentale du palais royal.
La Daurade
L’église aujourd’hui disparue de Sainte-Marie la Daurade, distante de 300 m de l’aile occidentale du probable palais, dominait la Garonne. L’édifice consistait en un polygone ouvert vers le fleuve dont les parois internes comportaient trois rangées de niches rythmées par des colonnes de marbre. L’ensemble était recouvert d’une superbe mosaïque à fond d’or où se détachaient des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament ; au-dessous de l’édifice se développait une crypte. Les chercheurs datent ces mosaïques du Ve siècle et pensent que ce monument exceptionnel est en lien avec le complexe palatial, et plus particulièrement avec la famille royale.
Saint-Pierre des Cuisines
Cette basilique funéraire, située hors les murs et non loin du palais, a été édifiée à la fin du IVe ou, plus probablement, dans le courant du Ve siècle. Parmi les inhumations de la fin de l’Antiquité découvertes dans l’édifice, une tombe de femme et du mobilier funéraire épars sont sans doute attribuables aux Goths du Ve siècle.
Le monument public au nord de Saint-Pierre des Cuisines
Au nord de l’église, et dans l’axe de cette dernière, a été découverte, à la grande surprise des archéologues, une construction monumentale rectangulaire à galerie. Ce monument du Ve siècle présente des détails constructifs identiques à ceux reconnus lors des fouilles du probable palais ; il y a donc tout lieu de penser que l’édifice appartient au même projet d’urbanisme. Sa destination demeure hypothétique, mais il pourrait s’agir, compte tenu du contexte de l’endroit, d’un édifice funéraire entouré d’une galerie.
Les Goths au quotidien
Au-delà des monuments qu’ont pu laisser les rois goths, l’archéologie permet, au travers des petits objets du quotidien découverts un peu partout dans la ville (fibules, boucles d’oreilles, boucles de ceinture, peut-être même céramiques adaptées aux goûts et traditions des nouveaux venus), d’entrevoir la présence de la communauté wisigothique, qui comptait probablement plusieurs centaines de personnes.
Les Wisigoths étaient également établis dans les campagnes alentour, comme l’attestent les textes de l’époque qui nous sont parvenus. Des découvertes archéologiques anciennes – ou plus récentes, comme au Vernet –, révèlent effectivement que des individus ont été inhumés avec des marqueurs culturels du peuple goth (fibules, boucles de ceinture). Les mêmes champs d’inhumation semblent avoir été utilisés par les populations autochtones et par les nouveaux venus.
La fin des Goths de Toulouse
La conquête de Clovis en 507-508 et l’effondrement du royaume goth constituent l’une des grandes ruptures de l’histoire toulousaine. Cette réalité, bien connue des historiens, est désormais confirmée par l’archéologie. Au-delà du Ve siècle, les marqueurs culturels des Goths disparaissent du Toulousain (tant dans les tombes que dans les habitats). Et à Toulouse même, une césure stratigraphique, intervenue à l’aube du VIe siècle, a été plusieurs fois constatée : interruptions d’occupations, remblaiements, voire épaisse couche d’incendie.
Et les contextes intra muros datables des Ve-VIIe siècles deviennent très rares : quelques fosses et des lambeaux de niveaux de terre humique, très différents des puissantes et complexes stratigraphies de la fin de l’Antiquité. Il est probable que des quartiers entiers aient été abandonnés et soient demeurés à l’état de décombres, de friches ou de terres cultivées. La chute de Toulouse capitale des Goths semble bien avoir été enregistrée dans le sol.Des dizaines de milliers dans la synthèse…
Jean-Luc Boudartchouk
Jean-Luc Boudartchouk