Synthèse par thèmes

La monnaie

Quand, aux alentours de 10-5 av. J.-C., les habitants de Vieille-Toulouse quittent le plateau de la Planho pour rejoindre leur nouvelle ville romaine en construction sur les bords de la Garonne, l’événement, à défaut d’avoir été gravé dans le marbre, l’a été dans le métal !

Durant la période gallo-romaine

Jusqu’à présent, seules d’abondantes émissions de monnaies d’argent à la croix étaient attribuées à ce peuple des hauteurs, les Volques Tectosages. Mais on sait aujourd’hui qu’Octave, futur empereur Auguste, a émis – peut-être en leur honneur – de larges monnaies de bronze flanquées de son portrait adossé à celui d’Agrippa au droit et d’une proue de navire surmontée d’une tête de bélier dans un disque au revers. Si le nom de Tolosa n’apparaît pas encore sur ces monnaies retrouvées à Vieille-Toulouse, au gué du Bazacle, aux arènes romaines ou encore sur l’actuelle place du Capitole, leur frappe est assurément destinée à distinguer la cité, même si les motivations ou les personnages qu’elle célèbre nous échappent encore. Un demi-millénaire s’écoule avant que d’autres monnaies soient à nouveau frappées dans la ville.

Au début du Moyen Âge…

La production monétaire durant les Ve-VIIIe siècles est encore mal cernée à Toulouse. Certains auteurs lui attribuent, en vertu de son statut de capitale de royaume, la production de monnaies d’or du peuple wisigoth. L’hypothèse est recevable mais n’est confirmée ni par la découverte de ces monnaies dans la ville, ni par une quelconque preuve de surabondance de production dans la région plus qu’ailleurs. Il faut attendre la seconde moitié du VIe siècle, après la défaite de Vouillé en 507 et le contrôle du pouvoir par les Francs, pour s’assurer de productions monétaires locales indubitables. Il s’agit exclusivement de tremisses, petites monnaies d’or valant le tiers du solidus, le sou d’or. C’est à cette date qu’apparaît aussi pour la première fois le nom de la ville sur les monnaies, avec les formes TOLOSA ou THOLOSA. Il est associé, sur l’autre face, à celui d’un monetarius, qui qualifie certainement la personnalité en charge de la production. Ainsi nous sont parvenus les noms de Magnus, Framigillus ou encore Fredoaldus. Alors que, vers 675, la frappe d’argent se généralise sur l’ensemble du territoire franc, sa partie sud-ouest ne compte pas ou presque de monnayage de ce type. Aucun n’est identifié à ce jour pour Toulouse, dont la production monétaire semble s’éteindre jusqu’à la fin du VIIIe siècle.

Sous les Carolingiens…

Les monnaies émises à Toulouse sont alors exclusivement en argent : il s’agit du denier et de sa moitié, l’obole. Les premières émissions sont au nom de Charlemagne (768-814), qui introduit un nouveau type monétaire avec au droit la titulature du roi +CARLVSREXFR (Carlus Rex Francorum, ou « Charles, roi des Francs ») et au revers le nom de Toulouse, qui apparaît sous les formes TOLVSA, TOLOSA, TOLOAS ou TOLOSV. Ces légendes sont gravées en cercle, autour d’une croix sur une face et du monogramme carolin sur l’autre, formé des lettres constituant le nom Karolus. Si son fils Louis le Pieux (814-840) va créer de nouveaux types monétaires, son petit-fils Charles le Chauve (840-877), lors des luttes de pouvoir qui l’opposent à Pépin II d’Aquitaine (838-852), revient, sous l’impulsion de ce dernier, à la frappe emblématique au monogramme carolin au revers. Ces monnaies constituent l’essentiel du trésor découvert à Auzeville en 1878. À l’exception de cette trouvaille, rares sont les monnaies carolingiennes découvertes en fouilles dans la ville. La plus récente d’entre elles, une obole trouvée dans le fossé du château Narbonnais, est au nom du roi Eudes (888-898) qui, à l’extrême fin du IXe siècle, a supplée Charles le Simple (898-929) alors trop jeune pour régner. Au-delà des déchirements qui affectent la grande famille carolingienne, les premiers signes d’indépendance, annonciateurs du basculement vers la féodalité, sont déjà là.

À compter de la seconde moitié du Xe siècle

L’atelier de Toulouse émet au nom des comtes détenteurs du pouvoir sur la ville et la région. De Guillaume Taillefer (950-1037) à qui on attribue les frappes les plus anciennes, à Alphonse de Poitiers (1249-1271), frère du roi Louis IX (1226-1270) et dernier héritier du comté toulousain, l’atelier n’aura de cesse de battre monnaie, mais exclusivement des deniers et oboles d’argent. Dès la fin du XIIIe siècle, il redevient atelier royal et frappe à nouveau, en plus des espèces précédentes, des espèces d’or jusque sous Jean II (1350-1364). Le nom de la ville n’est pas nommément cité, mais il va bientôt apparaître, comme tous les ateliers royaux français, sous la forme de points secrets dont la position sous une lettre particulière de la légende indique le lieu de frappe. À partir de 1389, le point 5e est attribué à Toulouse. Ce système de désignation des ateliers monétaires change en 1540 sous le règne de François Ier (1515-1547), remplaçant les points secrets par une lettre. Le M devient alors la marque de Toulouse, et ce jusqu’en 1836.


Vincent Geneviève