Les puits gaulois de la région toulousaine

L’ « acte de dépôt » de mobilier est effectué dans le comblement du puits PT41. Les fragments d'un même vase sont déposés les uns sur les autres à coté de la moitié inférieure d'un autre vase. Ce cas a été observé a plusieurs reprises sur le site et sur la fouille de la station de métro Saint-Agne.
16 rue Alfred Rambaud, Toulouse (Haute-Garonne), 2007.
16 rue Alfred Rambaud, Toulouse (Haute-Garonne), 2007.
© Christophe Requi, Inrap.
Depuis plus d’un siècle, la région toulousaine a livré un grand nombre de puits du second âge du Fer. Ceux-ci renferment des assemblages de mobilier identifiés comme des « dépôts » par les archéologues. Deux sites ont concentré l’essentiel des recherches : l’oppidum de Vieille-Toulouse, centre urbain majeur occupé de la fin du IIIe siècle avant notre ère au début du Ier siècle de notre ère, et l’occupation de plaine des IIe et Ier siècles avant notre ère circonscrite dans le quartier Saint-Roch de Toulouse.
Que nous apprennent les puits ?
La problématique de ces puits, qualifiés selon les chercheurs de « puits funéraires » ou de « puits à offrandes », a été totalement réexaminée afin de construire une méthodologie de fouille exhaustive et d’envisager de nouvelles interprétations. La fouille de la caserne Niel, en 2001, a permis de restituer les étapes de leur évolution : creusement, aménagement, taphonomie des comblements successifs (naturel et anthropique), matérialisation au sol... Des « actes de dépôts volontaires » ont bien été réalisés au sein de certains puits et, plus rarement au sein de fosses, mais la reconnaissance du geste intentionnel est rendue confuse par la masse des mobiliers qui comble les creusements (fig. 1).
Les différentes céramiques – amphores italiques et vases gaulois – qui constituent l’essentiel de ce mobilier, qu’elles aient été utilisées pour la construction, en comblements d’abandon ou comme dépôts volontaires, sont identiques : c’est leur position, leur fragmentation et leur assemblage qui permettent de déterminer leur rôle avec plus ou moins de certitude. Les gestes symboliques de dépôts sont notamment/par exemple avérés par le rassemblement des fragments d’un même vase préalablement brisé ou la superposition de plusieurs vases.
Contenant rarement du mobilier métallique, ces dépôts sont généralement constitués de vases produits localement et dont le nombre varie de un à plusieurs dizaines. Parfois entiers, ils sont souvent réparés, brisés puis disposés sous la forme d'amas individualisés. Ils ont longtemps caractérisé la fonction des structures dans lesquelles ils se trouvaient : funéraire ou rituelle. De fait, par extension, les sites ont été interprétés comme des nécropoles ou comme des sanctuaires.
- Coupe du puits cuvelé PT102 et clichés des principales phases : nivellement, construction et dépôt de...Coupe du puits cuvelé PT102 et clichés des principales phases : nivellement, construction et dépôt de vase.16 rue Alfred Rambaud, Toulouse (Haute-Garonne), 2007© C. Amiel, N. Lebar, C. Requi, Inrap.
- Pour le puits cuvelé PT167, l’ « acte de dépôt » de mobilier est validé par la...Pour le puits cuvelé PT167, l’ « acte de dépôt » de mobilier est validé par la présence de deux vases superposés sur la couche de sédimentation présente sur le fond du puits.16 rue Alfred Rambaud, Toulouse (Haute-Garonne), 2007© E. Ah Thon, Inrap.
- Schéma de restitution de l’évolution d’un puits gaulois dans le quartier Saint-Roch (creusement, utilisation, comblement)...Schéma de restitution de l’évolution d’un puits gaulois dans le quartier Saint-Roch (creusement, utilisation, comblement) issu des observations menées de 2001 à 2007.© C. Requi, Inrap.
Les puits gaulois, témoins de la vie quotidienne
La dizaine de fouilles qui a suivi celle de 2001 nous permet de disposer de nouvelles données. Le site du 16 rue Alfred-Rambaud à Toulouse a livré par exemple quatre puits présentant un négatif de cuvelage en bois et dont la fonction de puisage ne fait aucun doute : ils captaient les eaux de ruissellement situées au contact des couches imperméables du sous-sol. Dans ces puits, les séquences stratigraphiques sont identiques à celles reconnues dans de nombreux puits non cuvelés ; pourtant, des dépôts y ont aussi été identifiés : le mobilier est disposé volontairement juste avant le comblement d’abandon ou au cours de celui-ci. Les dépôts sont donc bien distincts de la fonction d’origine de la structure, à savoir le puisage, le captage, le drainage… Ces puits deviennent alors des indices de zones d’habitat au sens large, sans qu’il faille y reconnaître des sanctuaires ou des nécropoles. Ils permettent d’étudier le type d’activité, l’organisation et l’évolution de l’occupation humaine à cette période, notamment grâce au mobilier rejeté dans le comblement.
Les dépôts sont donc réalisés au sein d'aménagements utilitaires : puits à eau, puisards, citernes, ou même fosses d’extraction de matériaux en phase d'abandon ou de comblement. Cette constatation, associée au caractère souvent modeste des dépôts, semble attester de pratiques symboliques plus « simples » que les archéologues ne l’avaient envisagé. Ces actes de dépôt ont pu s'intégrer à la sphère de la vie quotidienne et artisanale – où le sacré avait également sa place –, et relever plus de pratiques individuelles et domestiques que de pratiques collectives, les rituels publics étant plutôt accomplis au sein des sanctuaires.
Probable offrande propitiatoire au moment où l'on referme une « porte » sur un monde souterrain, ou expression d'une gratitude envers les bienfaits procurés par l'exploitation de la structure, la finalité de ces dépôts demeure encore complexe à caractériser.
Christophe Requi
Christophe Requi