Synthèse par thèmes

Les enceintes chasséennes du Toulousain

Les enceintes constituent certainement l’une des manifestations les plus remarquables de l’expression architecturale des populations néolithiques. Ce type d’habitat, qui apparaît avec les premières sociétés néolithiques du Proche-Orient, se développe en France dès le VIe millénaire avant notre ère. La région toulousaine est particulièrement propice à l’étude de ces grands sites fortifiés puisque trois d’entre eux se concentrent sur quelques kilomètres carrés : Saint-Michel-du-Touch à Toulouse, Villeneuve-Tolosane/Cugnaux et Château Percin à Seilh.
Alignements de fours à galets chauffés à Villeneuve-Tolosane.

Des occupations longues

Ces grands habitats ceinturés présentent de nombreuses similitudes, notamment dans leur implantation géographique : il s’agit de sites « de hauteur » dominant la Garonne et installés à proximité d’un cours d’eau secondaire. Les populations néolithiques se sont donc implantées sur des terrains fertiles et bien irrigués, propices aux cultures et à l’élevage. D’autre part, leur durée d’occupation est relativement longue. À Villeneuve-Tolosane/Cugnaux et à Saint-Michel-du-Touch, elle couvre tout la période chasséenne, soit les Ve et IVe millénaires avant notre ère. À Château-Percin, le secteur est occupé dès le début de la période mais les fortifications, plus tardives, ont vraisemblablement été installées vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère.

Des sites qui s’agrandissent

Ces trois sites ont livré les vestiges de plusieurs enceintes successives. Pour Saint-Michel-du-Touch et Villeneuve-Tolosane/Cugnaux, leur taille semble croître tout au long du Chasséen. À Villeneuve-Tolosane/Cugnaux, trois à cinq phases architecturales ont été identifiées. La plus importante a pu concerner une surface avoisinant les trente hectares. À Saint-Michel-du-Touch, plusieurs fossés et tranchées de palissades en arc de cercle, disposés en gigogne, viennent barrer l’éperon naturel. Les fossés les plus éloignés de la pointe de l’éperon semblent les plus récents. On observe donc ici aussi une succession d’aménagements encerclant une surface de plus en plus grande, avec au moins quatre enceintes, d’une superficie de cinq à plus de trente hectares. Pour ces deux sites, les premières manifestations architecturales correspondent certainement à des enceintes uniquement palissadées, les systèmes plus complexes associant fossés et palissades ou remparts étant probablement plus tardifs. À Château-Percin, les deux phases architecturales reconnues sont très rapprochées dans le temps et c’est sans doute la destruction du premier rempart qui est à l’origine de l’édification d’une seconde muraille.

Une architecture monumentale

La fouille récente de Château-Percin permet une relecture des sites anciennement fouillés. L’étude des vestiges de la construction incendiée dévoile une structure monumentale à l’architecture plus complexe que celle supposée jusque-là pour les autres sites toulousains. Il apparaît aussi que le modèle traditionnellement proposé, associant levée de terre et palissade, doit être complété ou remplacé par un système associant fossés et remparts monumentaux. On s’interroge toutefois sur la main-d’œuvre et le temps nécessaires à l’élaboration d’une telle construction dans le cadre des enceintes les plus grandes, dont la longueur du rempart peut atteindre plusieurs kilomètres : il est envisageable que plusieurs modèles architecturaux aient coexisté.

Des communautés « villageoises »

La fonction d’habitat de ces grands sites n’est pas toujours clairement attestée, souvent en raison de fouilles trop partielles et de mauvaises conditions de conservation des traces laissées au sol par les bâtiments. Des constructions, probablement en bois et en terre crue, sont signalées par des semis de trous de poteau, mais leur agencement reste bien souvent difficile à déchiffrer. À ce jour, un seul exemple de plan complet – une maison à abside – a véritablement été identifié à Cugnaux. En revanche, les objets mobiliers sont abondants et appartiennent pour la plupart au registre des activités de la vie domestique d’une communauté paysanne. L’importance du macro-outillage, notamment des lames de hache et d’herminette, témoigne certainement de l’exploitation des forêts alentours. Quant aux témoins des pratiques funéraires, ils sont anecdotiques au regard de la durée d’occupation, même si quelques sépultures remarquables sont attestées.

Des périodes de conflits

L’apparition et le développement de ces enceintes pourraient être liés à un accroissement de la population, alors à l’origine d’une concurrence pour le contrôle des territoires. Leurs caractères défensifs, parfois très prégnants, voire ostentatoires comme à Château Percin, marquent probablement des épisodes ponctuels mais récurrents de troubles et de conflits. L’occupation de ces villages ceinturés ne semble pas pérenne pour autant et correspond plus vraisemblablement à une fréquentation cyclique ou ponctuelle, en relation avec une gestion agropastorale.
Murielle Gandelin, Fabrice Pons