Le trésor du Chapitre de Rennes
Le 26 mars 1774, alors qu’ils creusaient les fondations d’une maison située à proximité de la cathédrale de Rennes, des maçons mirent au jour un incroyable trésor. Composé d’une coupe décorée (patère), de bijoux et de monnaies romaines, celui-ci représentait un poids total d’environ 2,4 kg d’or massif. Il figure parmi les plus anciennes découvertes archéologiques connues pour la Bretagne, mais aussi parmi les plus prestigieuses concernant l’empire romain.
Circonstances de la découverte
Un certain nombre d’écrits de l’époque (notamment un questionnaire élaboré en 1774 par le garde du Cabinet des Médailles du roi Louis XV à l’intention du chanoine de l’église Rennes) précisent le contexte de la découverte. Il apparaît ainsi que l’ensemble, dont les éléments étaient groupés, a été trouvé à « cinq pieds [c’est-à-dire 1,90 m] de profondeur ». Aucun aménagement particulier ne le protégeait ; il était noyé au milieu de gravats argileux et de divers matériaux de construction antiques. Au sud, sur une vaste surface d’environ « trente pieds » de côtés (environ 92 m2), se développait une sorte d’aire pavée de carreaux de terre cuite et tuiles de différentes tailles liés au mortier de chaux. La description est malheureusement trop floue pour pouvoir être interprétée.
D’après les archives, une tombe aurait aussi été identifiée à proximité immédiate de la trouvaille. Le lien entre les deux paraît toutefois douteux.
D’après les archives, une tombe aurait aussi été identifiée à proximité immédiate de la trouvaille. Le lien entre les deux paraît toutefois douteux.
Un trésor qui revient de loin
Ce magnifique ensemble d’orfèvrerie et de monnaies romaines a failli disparaître à plusieurs reprises. À l’époque de sa découverte, tout d’abord : compte-tenu de l’importance de la masse de métal précieux qu’il totalisait, les officiers de la Monnaie royale voulurent immédiatement le récupérer pour l’envoyer à la refonte. Mais, afin d’éviter la disparition d’aussi beaux vestiges du passé, les chanoines du chapitre de la cathédrale firent valoir leurs droits de propriété sur le terrain où avait été effectuée la trouvaille. Ils remirent le trésor au duc de Penthièvre afin qu’il l’offre au roi Louis XV, lequel l’ajouta aux collections de son Cabinet de Médailles.
Temporairement préservé, le trésor fut volé en 1831, puis retrouvé rapidement dans la Seine avant que les cambrioleurs n’aient eu le temps de le récupérer pour le fondre. Il est aujourd’hui conservé au Département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France.
Temporairement préservé, le trésor fut volé en 1831, puis retrouvé rapidement dans la Seine avant que les cambrioleurs n’aient eu le temps de le récupérer pour le fondre. Il est aujourd’hui conservé au Département des Monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France.
Les biens cachés d’une grande famille de l’Empire ?
La monnaie la plus récente, un aureus d’Aurelien, date de 274. Tout comme la fibule cruciforme, typique des hauts gradés de l’armée et datable de la même époque, elle montre que l’enfouissement a du être réalisé au plus tôt à la fin du IIIe siècle. L’hypothèse discutable du déferlement de hordes d’envahisseurs barbares de 276 est parfois avancée pour expliquer ce geste.
On ne connaît pas exactement la date d’édification de la muraille du castrum, mais il est probable qu’elle existait déjà lorsque cet ensemble, dont la qualité exceptionnelle indique qu’il appartenait à un très haut dignitaire de l’Empire, a été enfoui. Aujourd’hui, au regard des superbes monnaies d’or qui le composent, les spécialistes pensent que ce trésor a été constitué petit à petit au cours du IIIe siècle par une grande famille de l’Empire, fidèle à la dynastie impériale puis ayant prêté allégeance aux usurpateurs au moment de la constitution de l’empire des Gaules dans les années 260.
Pour en savoir davantage : Le Luxe dans l’antiquité, Trésors de la bibliothèque nationale de France, Musée départemental Arles antique, Département des Bouches du Rhône, BNF, 2017
On ne connaît pas exactement la date d’édification de la muraille du castrum, mais il est probable qu’elle existait déjà lorsque cet ensemble, dont la qualité exceptionnelle indique qu’il appartenait à un très haut dignitaire de l’Empire, a été enfoui. Aujourd’hui, au regard des superbes monnaies d’or qui le composent, les spécialistes pensent que ce trésor a été constitué petit à petit au cours du IIIe siècle par une grande famille de l’Empire, fidèle à la dynastie impériale puis ayant prêté allégeance aux usurpateurs au moment de la constitution de l’empire des Gaules dans les années 260.
Pour en savoir davantage : Le Luxe dans l’antiquité, Trésors de la bibliothèque nationale de France, Musée départemental Arles antique, Département des Bouches du Rhône, BNF, 2017
- Localisation de la découverte dans le quadrillage que formaient les rues de la ville antique. © Arnaud Desfonds,...Localisation de la découverte dans le quadrillage que formaient les rues de la ville antique.
© Arnaud Desfonds, Stéphane Jean, Gaétan Le Cloirec et Dominique Pouille, Inrap ; Thierry Lorho, SRA - Outre de la magnifique patère en or, qui n’a pas d’équivalent dans le monde romain, le trésor était...Outre de la magnifique patère en or, qui n’a pas d’équivalent dans le monde romain, le trésor était constitué de quatre fragments d’une chaîne totalisant une longueur de 1,52 m, d’une fibule cruciforme également en or et de quatre-vingt-dix-huit aurei. Quatre de ces monnaies, frappées à l’effigie de l’empereur Postume, serties dans une monture ciselée et munies d’un anneau de suspension, étaient sans doute initialement associées à la chaîne. L’un de ces médaillons a disparu lors du vol de 1831.© Bibliothèque nationale de France
- Constituée d’or massif martelé, repoussé et ciselé, la patère est une coupe évasée et peu...Constituée d’or massif martelé, repoussé et ciselé, la patère est une coupe évasée et peu profonde, qui mesure 25 cm de diamètre et pèse 1,3 kg. Certains chercheurs pensent qu’elle était probablement utilisée pour des cérémonies religieuses, ou qu’il s’agissait d’un objet de prestige destiné à être mis en scène, par exemple dans une niche de la salle de réception de la domus, comme faire-valoir du propriétaire. La partie centrale de la patère, ou emblema, représente Bacchus et Hercule en train de s’enivrer. Plus précisément, les spécialistes considèrent que la scène représente un défi entre ces deux divinités, d’où Bacchus sortira victorieux. Le cortège du triomphe de Bacchus ornant la périphérie de l’emblema soutient cette hypothèse. Le bord de la patère, son marli, est orné de seize aurei à l’effigie des Antonins et des Sévères, cernés de couronnes d’acanthe et de laurier.© Bibliothèque nationale de France
- Le médaillon central ou emblema de la patère représente Bacchus et Hercule en train de s’enivrer. Cette...Le médaillon central ou emblema de la patère représente Bacchus et Hercule en train de s’enivrer. Cette scène est interprétée comme un défi entre les deux dieux (celui du vin et celui de la force), d’où Bacchus sortira victorieux. La frise qui entoure le médaillon central montre en effet clairement le triomphe d’un Bacchus à demi couché sur son char, accompagné de son cortège de faunes et de porteurs de vigne sur un Hercule titubant, soutenu par deux enfants. Des musiciens et personnages – le vieillard Silène, le dieu Pan, trois bacchantes – traditionnellement considérés comme faisant partie de la suite de Bacchus sont également figurés.© Bibliothèque nationale de France
- Cette fibule, datable de la toute fin du IIIe siècle, est l’équivalent d’une broche. Sa forme en croix indique...Cette fibule, datable de la toute fin du IIIe siècle, est l’équivalent d’une broche. Sa forme en croix indique qu’elle est un attribut exclusivement militaire, servant à attacher sur l’épaule le manteau des soldats. Ce type d’objet en or était généralement remis aux officiers de haut rang en récompense de leurs victoires. Elle révèle à elle seule l’importance du personnage à qui appartenait sans doute ce trésor.© Bibliothèque nationale de France