Le dépotoir Sainte-Anne

Jusqu’au début du XVe siècle, le quartier de l’actuelle place Sainte-Anne était situé « hors les murs », à moins de 200 m au nord de la « Cité de Rennes » (seule partie de la ville à être dotée de murailles depuis l’Antiquité). Après l’édification de la seconde enceinte (1421- 1448), il n’est plus qu’à quelques dizaines de mètres de la porte la plus septentrionale du secteur nouvellement fortifié. C’est dans ce faubourg, dont l’urbanisation médiévale remonte au moins au XIIe siècle, qu’est fondé l’hôpital Sainte-Anne, en 1340, sous l’impulsion de dix confréries ouvrières locales. Celui-ci, l’un des six ou sept qui équipaient la ville, comprenait principalement une salle des malades et une chapelle.

D’autres bâtiments de moindre importance, implantés à l’intérieur d’un enclos, complétaient la structure ; une partie de leurs vestiges, situés sur l’emprise de la station de métro, furent appréhendés lors des fouilles. Parmi eux, une vaste structure excavée correspondant probablement à la citerne à eau d’une buanderie inachevée a été utilisée comme dépotoir avant son remblaiement définitif au milieu du XVIe siècle. En 1557, en effet, l’hôpital Sainte-Anne est annexé à l’Hôtel-Dieu, aussi appelé hôpital Saint-Yves. Sa salle des malades est alors supprimée et une bonne partie des locaux est abandonnée.

La citerne inachevée d’une buanderie

Dans sa conception originelle la buanderie réutilisait pour partie le creusement de la rampe d’accès à une carrière d’extraction de pierre autour de laquelle l’hôpital avait été bâti. Des maçonneries installées à l’intérieur même de l’excavation (sur plus de 7 m de profondeur pour certaines) constituaient la citerne enterrée. Celle-ci devait être alimentée, par le nord sans doute, en partie par les eaux pluviales recueillies à partir des toitures de la structure hospitalière. Sur la face est de la construction, un système de trop-plein aurait dû être relié par une canalisation aux douves de la ville intra-muros, situées non loin de là à l’est.   

La fouille a montré que cet équipement qui, pour une raison encore inconnue, n’a jamais été doté ni de sa canalisation d’alimentation en eau ni de son canal de trop-plein est resté inachevé. Rapidement sa cuve, d’une contenance d’au moins 400 m3, a été utilisée comme dépotoir et latrine.

Une mine d’informations concernant la vie quotidienne à l’hôpital au début du XVIe siècle

Le comblement de cette installation, rebuts en tous genres accumulés pendant une quarantaine d’années jusqu’au milieu du XVIe siècle, a fourni une extraordinaire quantité de matériel archéologique. L’analyse du contenu a montré que la cuve était alimentée par les déchets provenant de l’établissement hospitalier, mais faisait également office de latrines. Par ailleurs, elle accueillait aussi occasionnellement des immondices et rejets divers issus du voisinage.  

Outre les mobiliers classiques tels que les céramiques, représentées par une cinquantaine de poteries intactes, une centaine de formes complètes et plus de 73 500 tessons, bon nombre de verres et petits objets illustrant la vie quotidienne agrémentaient le dépôt : couteaux, enseignes de pèlerins, médailles, monnaies, épingles, perles, carreaux de terre-cuite, jeux de marelle ou dessins de bateaux gravés sur des ardoises...   

L’humidité du milieu a d’autre part permis la conservation d’une masse importante d’objets en matière organique. Plus de cinquante écuelles de bois, de nombreux peignes, cuillères et objets divers ont été retrouvés. Plusieurs milliers de fragments de cuirs, éléments de chaussures et de sacoches, ainsi que des restes de tricots ont également été récoltés. D’innombrables graines et noyaux étaient conservés dans ce dépotoir, où des débris d’insectes ainsi qu’une grande variété de parasites ont pu être identifiés. Le tout est complété par des ossements animaux issus d’équarrissage mais aussi d’origine alimentaire ou autre. Une trentaine de squelettes de chiens ayant tous eu le crâne fracassé, sans doute au cours d’une chasse systématique aux animaux errants, considérés comme vecteur de propagation de la peste, a par exemple été retrouvée.

Une étude interdisciplinaire

En dehors des archéologues proprement dits, des spécialistes intervenant dans douze disciplines différentes – étude d’archives, céramologie, numismatique, étude des graffitis de bateaux, des cuirs gorgés d’eau et des accessoires vestimentaires, des restes textiles, des objets en bois, dendrochronologie, carpologie, archéozoologie et entomologie, parasitologie – ont contribué à cette étude. Ce sont en tout une vingtaine de personnes venues d’horizons divers qui se sont penchés sur le dépotoir de l’hôpital Sainte-Anne pour y décrypter des moments du passé.