Synthèses thématiques

Des pots pour les habitants de Rennes

L’histoire de Rennes est marquée par la présence régulière de potiers qui se succèdent, à partir de la fondation de la ville au Ier siècle jusqu’au courant du XIXe siècle, pour fournir les récipients en céramique nécessaire à ses habitants.

De la vaisselle à la romaine

De par sa position géographique au cœur de la cité des Riédons et à l’entrée du territoire couvrant l’actuelle Bretagne, la ville de Rennes est bien placée sur les réseaux d’échanges commerciaux, routiers et fluviaux, pour être approvisionnée en objets venant du reste de l’Empire. Face au succès de certaines formes de vaisselle, les artisans locaux mettent rapidement en place leurs propres ateliers en imitant les importations afin de profiter au mieux de cette concentration de clientèle urbaine.  

Dès le début du Ier siècle de notre ère, des fours sont installés en bas de la rue d’Échanges et rue de Dinan (30 rue de Dinan10 rue de Dinan2 rue de Dinan / Rue Saint-Louis). Ils sont utilisés pour la production de deux catégories de récipients : des coupes à pâte fine et brillante destinées au service de table (terra nigra) et des pots de différentes tailles pour la préparation, la cuisson et le stockage des aliments. Sur le site du campus Hoche, un bâtiment incendié a livré une grande quantité de ces coupes en terra nigra ; il s’agissait très probablement d’un entrepôt pour la revente. Des installations datant du IIe siècle retrouvées à l’angle de la rue de Dinan et de la rue Saint-Louis révèlent quant à elles d’autres productions des potiers : des matériaux de construction (tuiles) et des figurines à usage religieux (que l’on retrouve aussi sur le site de l’hôpital Ambroise-Paré. À la même période, l’atelier du Castel Saint-Martin fournit principalement des mortiers pour broyer les graines et préparer les sauces.  

Les nombreux incendies constatés dans les quartiers où s’exerce cet artisanat expliquent la migration, à partir du IIe siècle, d’une partie des potiers vers les communes avoisinantes, que les fouilles actuelles n’ont pas encore permis de localiser précisément.

Des oules et des pichets médiévaux

Cette installation sur les marges de l’agglomération rennaise est flagrante au début du Moyen Âge avec les ateliers qui s’établissent dans la commune de Chartres-de-Bretagne. L’activité potière la plus ancienne reconnue pour le moment sur ce site remonte à la fin du Xe siècle ; elle prend une ampleur « quasi-industrielle » aux XIe-XIIIe siècles. Les artisans y mettent à profit les importants filons de faluns calcaires (roche détritique provenant de coquilles fossilisées puis pulvérisées) accessibles dans ce secteur géographique et propices à la production céramique. En effet, l’absence ou l’infime quantité d’impuretés (comme les oxydes de fer) permet l’obtention, après cuisson, de pots de teinte claire à pâte dure, résistante et peu poreuse, particulièrement bien adaptée aux usages culinaires.

Du point de vue de la variété des objets, les productions médiévales paraissent plus pauvres qu’à la période antique, avec quelques formes seulement de pots et pichets et peu de vases ouverts pour la préparation et la table. Elles traduisent en fait un renouvellement du vaisselier amorcé au cours du haut Moyen Âge, recentré sur quelques formes emblématiques : le pot (appelé oule), caractérisé par une panse globulaire et une lèvre dite « en bandeau », pour la préparation et la cuisson des denrées alimentaires ; le pichet pour transporter et verser les liquides et quelques jattes pour la préparation des plats, comme le traitement des laitages. Il faut sans doute leur associer des récipients en bois, souvent absents des découvertes archéologiques.

Une large batterie de cuisine moderne

À partir de la fin du XVe siècle jusqu’au XIXe siècle, ce sont toujours les productions de Chartres-de-Bretagne qui dominent le marché de la vaisselle à Rennes. Même si les ateliers se rapportant à cette période chronologique n’ont pas encore été étudiés sur le terrain, leurs poteries sont bien identifiées par l’aspect des pâtes employées et les formes des vases.

En 1998, la fouille de la station du métro-Val de la place Sainte-Anne a été l’occasion de recueillir plusieurs centaines de ces récipients chartrains,en rejet dans le comblement d’une grande citerne liée à l’hôpital installé sur cette partie de la ville. Comme pour la période médiévale, ce sont les formes pratiques qui prédominent avec des pots (coquemars) servant aussi bien au stockage, à la préparation et à la cuisson, et des pichets pour les liquides, déclinés en différentes tailles pour répondre à des besoins spécifiques. On note toutefois, le développement de nouvelles formes, comme des plats largement ouverts, de grands récipients comparables aux marmites métalliques, ainsi que d’épais vases de stockage. Les plats, écuelles, gobelets et tasses destinés tant à la préparation qu’au service de table sont souvent revêtus d’une glaçure couvrant la surface interne de manière à l’étanchéifier. On les achète en ville, au marché des potiers, qui se tient sur la place Saint-Michel.  

À partir du début du XVIIe siècle, quelques-unes des céramiques de Chartres-en-Bretagne sont même estampillées aux initiales du potier, mais surtout avec un poinçon de date, une aubaine pour le céramologue !

Avec le développement de l’emploi de la faïence pour la vaisselle de table, on retrouvera des ateliers installés dans le centre urbain à partir de la fin du XVIIe siècle, sans que l’on puisse expliquer ce retour par une diminution du risque d’incendie.