Place du Martroi

Plan de localisation de la fouille en 1986 et des sondages du suivi de travaux de 2013.  Place du Martroi, Orléans (Loiret), 1986 et 2013.  © Émilie Roux, SAMO et Hervé Herment, Inrap
Plan de localisation de la fouille en 1986 et des sondages du suivi de travaux de 2013. 
Place du Martroi, Orléans (Loiret), 1986 et 2013. 
© Émilie Roux, SAMO et Hervé Herment, Inrap

Description

En 1986, l'aménagement d'un parking souterrain avait permis de conduire des investigations archéologiques à la frange orientale de la place du Martroi. En 2013, la requalification de la place a été accompagnée d'un suivi archéologique complet des travaux. Toute la place ainsi que les rues adjacentes ont été explorées grâce à des sondages ponctuels. Les fouilles ont porté sur des vestiges d'habitat datés du IIe siècle avant notre ère au Xe siècle de notre ère, et sur le système défensif du XIVe siècle, notamment la Porte Bannier. 

Résultats

Un quartier périphérique gaulois… 
Les occupations les plus anciennes, d'époque gauloise, ont été repérées sur toute la frange nord de la place. Elles sont très altérées par les aménagements postérieurs. Trois phases d'occupation ont été identifiées entre le IIe siècle et la fin du Ier siècle avant notre ère. Elles ont livré des vestiges d'habitats construits en terre et en bois, associés à des foyers et à des structures excavées (celliers, fosses d'extraction ou de travail pour le textile ou la vannerie). De nombreux fragments de vases de stockage ont été découverts, ainsi que de la vaisselle plus fine, avec des décors peints, et de multiples tessons d'amphores à vin provenant d'Italie. 

… et gallo-romain  
Sur une grande partie de la place du Martroi et rue d'Illiers, à l'ouest, des niveaux de cailloutis damé sont installés au début du Ier siècle de notre ère. Ils peuvent correspondre à l'aménagement d'une voie ou d'une place. 
Au nord, des constructions en pierre et en matériaux périssables sont mises en place à la même période. Certaines possèdent des caves et des puits. L'utilisation de cet espace comme habitat est attestée au moins jusqu'au IIIe siècle, voire au IVe siècle de notre ère.

Rares indices pour le début du Moyen Âge
Trois fosses seulement ont pu être rattachées au IXe siècle et au début du Xe siècle. L'espace n'est pourtant pas dépeuplé à cette époque, car, à moins de 100 m du site, deux églises sont signalées par les sources écrites. L'une, située au sud-est de la place et dédiée à saint Sulpice, est mentionnée pour la première fois dans les archives en 855 ; elle a aujourd'hui disparu. L'autre, située à l'est du site, est placée sous le vocable de Saint-Pierre-Ensentelée (aujourd'hui Saint-Pierre-du-Martroi) ; elle est connue dès 930.

L'enceinte urbaine
L'espace compris entre l'actuelle place du Martroi, l'actuelle église Notre-Dame-des-Miracles (autrefois église Saint-Paul) et la Loire est communément nommé le quartier Dunois, en référence à sa position géographique ouvrant la ville au nord-ouest, sur le pays de Châteaudun. 
Sur la place du Martroi, plusieurs vestiges (niveaux de sols construits, caves et fosses dépotoirs) témoignent de l'aménagement d'un espace urbanisé au XIIIe–début XIVe siècle.
Cet espace est fortement altéré par la construction de la nouvelle enceinte de la ville dans le courant du XIVe siècle. La place du Martroi correspond alors à l'emplacement de la porte monumentale aménagée de pair avec le système défensif, la Porte Bannier. Par rapport à l'enceinte, cette porte déborde vers l'extérieur (des vestiges sont visibles dans l'actuel parking souterrain). Elle abrite un pont-levis qui, une fois abaissé, repose sur le pont-dormant, de l'autre côté du fossé de la ville. Celui-ci est large de 20 m au maximum et ouvert sur 7 m de profondeur. 
L'ensemble du système défensif est complété par un fossé en arc de cercle, nommé « boulevard », qui protège l'accès au pont depuis l'extérieur. Les comptes de la ville au XVe siècle font souvent allusion à l'entretien de cette porte, comme des autres ouvrages fortifiés de la ville. 
La courtine (portion de rempart entre deux tours) relie la Porte Bannier à la tour du Heaume située à l'est. Des vestiges en sont encore conservés sous l'immeuble du n° 7 place du Martroi.

Commerce et artisanat
Les sources écrites décrivent un quartier réputé pour ses commerces de boucherie et de triperie, et son artisanat du textile. Les fouilles ont également révélé la présence d'un ou plusieurs cordonnier(s) grâce à la découverte d'abondants déchets de taille du cuir. La prospérité du quartier, dès le XIIIe siècle, explique la mise en place de la fortification au XIVe siècle.  

Vers la place actuelle 
Après la guerre de Cent Ans, la ville croît encore et l'enceinte du XIVe siècle s'avère trop étroite. Une nouvelle enceinte est donc construite au niveau des actuels boulevards Jean-Jaurès, Rocheplatte et Alexandre-Martin. La précédente muraille est tantôt incluse dans le tissu urbain, tantôt démantelée. 
L'espace gagné par le comblement du fossé est, dans les dernières décennies du XVe siècle, alloué à un marché au blé. Diverses maisons sont bâties et habitées en ce lieu jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. Autour de l'église Saint-Pierre-Ensentelée se développe un cimetière. 
Au XVIIIe siècle, la place acquiert la physionomie qu'elle a aujourd'hui, prolongeant la rue Royale. La statue équestre en bronze de Jeanne d'Arc, qui se dresse en son centre, date de 1855. Elle est l'œuvre de Foyatier et Vital-Dubray.

Emilie Roux