Plan de localisation de la fouille.
191 rue de Bourgogne, Orléans (Loiret), 1996
© Hevé Herment, InrapDescription
Des travaux d'extension de la préfecture et la construction d'une cage d'ascenseur ont conduit à la réalisation, en 1996, d'une fouille de surface réduite, mais en profondeur (8 m), dans un secteur appartenant au cœur ancien d'Orléans. En 1741, des observations archéologiques avaient déjà fait état de vestiges de la ville gallo-romaine à cet endroit, liés à son centre monumental (comprenant le forum antique). La fouille a permis de reconstituer l'histoire de cet espace entre le Ier siècle avant notre ère et le XIIIe siècle. Il s'en dégage une séduisante hypothèse : l'implantation à cet endroit du forum antique de Cenabum a certainement été conditionnée par l'existence, à l'époque gauloise, d'un premier lieu de rassemblement communautaire.Résultats
Banquets à Cenabum
Les vestiges les plus anciens découverts sur le site remontent à l'époque gauloise, quand Orléans s'appelait Cenabum. À l'origine, passait sur le site un petit ruisseau orienté nord-sud se dirigeant vers la Loire. Lentement colmaté par des rejets de mobilier attribuables au Ier siècle avant notre ère, ce ruisseau a finalement été curé pour recevoir une construction.
L'ancien ruisseau servant alors de dépotoir, les archéologues ont pu y récolter de nombreux fragments d'amphores vinaires, certaines ayant été comme sabrées. Ces indices liés à la consommation de vin en grande quantité laissent à penser que des banquets pouvaient se dérouler à proximité de ce lieu. Celui-ci servait donc peut-être de lieu de rassemblement de la communauté gauloise au Ier siècle avant notre ère.
Plus tard, des rejets de scories (déchets du travail du métal) et des déchets de boucherie attestent la proximité d'une occupation artisanale. Le dépotoir perdure jusqu'au tournant de notre ère.
Le forum antique
Au début du Ier siècle de notre ère, le comblement du ruisseau reçoit un important remblai, tandis qu'une terrasse artificielle est construite à quelques mètres au sud de la fouille. Sur cette nouvelle plate-forme apparaissent les murs d'un bâtiment. L'importance des fondations (3 m de profondeur) et la création d'un système de terrasse invitent à associer ces murs à un premier état du centre monumental de l'Orléans antique.
Autour du milieu du Ier siècle de notre ère, un autre remblai vient rehausser le niveau de circulation et un nouveau mur, large de 1,40 m et haut de 1,10 m, perfore les constructions précédentes ; il était vraisemblablement destiné à supporter une colonnade.
À une date inconnue entre le milieu du Ier siècle et 312, un remblai de plus d'1,50 m est déposé de part et d'autre du mur pour niveler le sol, sur lequel sont disposées de grosses dalles en calcaire marin non régional. Cour intérieure ou place publique, il est difficile de trancher. Entre 312 et le milieu du IVe siècle, un incendie met fin à l'utilisation de cet espace.
Dans le troisième quart du IVe siècle, un balnéaire est construit à cet endroit, fortement remanié par la suite. Il perdure jusque dans le courant du Ve siècle.
Un quartier religieux au Moyen Âge
Aux VIe et VIIe siècles, niveaux d'abandon et dépotoirs liés à un habitat caractérisent l'occupation humaine du site.
Dans la seconde moitié du VIIe ou la première moitié du VIIIe siècle, une forge est attestée par des fosses, qui trahissent également une importante campagne de récupération de matériaux. Il pourrait s'agir des restes du chantier de construction de l'abbaye Sancta Maria Puellaris, mentionnée pour la première fois en 800 et située de l'autre coté de la rue Saint-Germain.
Un nouveau bâtiment, partiellement excavé, est construit à la fin du VIIIe siècle ou au début du IXe siècle. L'angle des murs observés est souligné par un contrefort. Les fondations, épaisses de 1 m, sont raidies par des poutres noyées dans la maçonnerie. Ce type de construction se retrouve à Orléans à la période romaine et au haut Moyen Âge, généralement pour des édifices d'importance (bâtiments monumentaux antiques, églises…). Le bâtiment mis au jour pourrait donc appartenir à l'abbaye voisine, renommée Notre-Dame de Bonne-Nouvelle à la fin du IXe siècle.
La construction subit d'importantes réfections aux Xe et XIe siècles. Le site se trouve alors dans l'emprise de « la petite juiverie d'Orléans », attestée au XIIe siècle mais dont l'installation est datée, par certains auteurs, de la seconde moitié du Xe siècle.
La synagogue et « le puits de la circoncision » sont bien localisés de part et d'autre de la parcelle étudiée. En revanche, l'emplacement des étuves et de deux écoles talmudiques (dont les archives nous apprennent qu'elles furent confisquées en 1306) est inconnu. Les vestiges bâtis mis au jour sur le site pourraient donc peut-être correspondre à l'une des écoles talmudiques. Il est toutefois très difficile de le certifier.
Vers le XIIIe siècle, le site est entièrement arasé. Ce phénomène déjà observé en maints endroits d'Orléans correspond à la mise en place du parcellaire médiéval qui a perduré jusqu'à nos jours.
Thierry Massat
Thierry Massat