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La muraille antique

Au sortir de la crise économique et politique qui a ébranlé l’empire romain dans la seconde moitié du IIIe siècle, comme bon nombre d’autres capitales de cités, Condate est exsangue. Les invasions barbares, les bagaudes (soulèvements de populations ruinées, de déserteurs et de brigands), les épidémies et les famines ont causé la désertification de nombreux secteurs de la ville. Le bâti y est abandonné et plus ou moins en ruines. La parure monumentale qui faisait la fierté de la cité du Haut-Empire (Ier-IIIe siècles) est en décrépitude.

L’enceinte

Afin d’affirmer sa reprise en main de la situation et de rassurer les populations restantes, le pouvoir romain décide de ceinturer une partie de la ville par une muraille de fortification. Il s’agit non seulement d’un ouvrage défensif, mais aussi d’une construction à caractère ostentatoire célébrant la prospérité retrouvée. Ce castrum, sans doute édifié à l’extrême fin du IIIe ou au début du IVe siècle, devient le cœur de la ville. Il couvre une superficie voisine de 9,5 hectares, dont on ne connaît quasiment rien. Quelques îlots continuent toutefois de prospérer à l’extérieur jusqu’au milieu du IVe siècle.

Son édification, tout le long des 1 200 m de son tracé, a nécessité le dégagement total du terrain et la démolition de toutes les constructions présentes sur environ 100 m de large, opération qui a fourni une bonne part des matériaux de cet énorme chantier. L’espace obtenu est occupé par la fortification elle-même, une courtine (partie de rempart comprise entre deux bastions ou deux tours) épaisse de 3,60 à 4 m selon les points. Elle est longée par un boulevard interne de 10 à 15 m de large, destiné à la circulation des troupes. Sa périphérie n’est pas doublée par un fossé, mais par un glacis (zone non construite) défensif large de 50 à 80 m.

Il ne reste aujourd’hui que très peu de vestiges du castrum. Les rares tronçons préservés ne dépassent guère 2,50 m, alors que leur hauteur d’origine atteignait probablement 8 à 9 m. Quelques observations anciennes bien documentées permettent cependant d’avoir une idée assez précise de sa physionomie.

Des matériaux remployés

De nombreux éléments d’architecture monumentale ont été remployés dans les fondations de l’ouvrage. Parmi ceux-ci figurent les fameuses inscriptions lapidaires du temple de Mars Mullo, principal sanctuaire des Riédons. La plupart proviennent bien évidemment de spoliations ayant touché les monuments de la ville du Haut-Empire désaffectés. D’autres pierres, comme les bornes milliaires constituant l’un des jambages de la poterne de la place Rallier du Baty, montrent que les approvisionnements ont pu avoir une origine plus lointaine.  

Les petits moellons de nature diverse, et dont certains portent des traces d’utilisation antérieure (rubéfaction, usure…), ainsi que les nombreuses briques cassées et d’épaisseur variable que l’on peut observer dans les tronçons de courtine, proviennent majoritairement des constructions rasées le long du tracé. D’autres récupérations de matériaux effectuées çà et là dans les bâtiments abandonnés des quartiers plus éloignés ont aussi alimenté ce gigantesque chantier. 

La muraille et ses ouvrages défensifs

Si le tracé de la courtine et son aspect sont aujourd’hui assez précisément connus, de nombreux points d’ombre demeurent encore, notamment à propos des tours, dont aucune de celles qui ont été observées ou sont conservées ne présente une facture antique.

Deux poternes (portes secondaires), une au sud et une au nord, sont identifiées et l’existence de deux portes principales est très probable. L’une d’elles, les portes Mordelaises, située au niveau du saillant ouest, a été totalement remaniée au Moyen Âge. Lui faisant pendant à l’autre extrémité du castrum, une « grande porte de la cité » (portam civitatis magnam) est connue grâce à un acte du XIe siècle. À cette époque, hors les murs et non loin de celle-ci se situait l’église Saint-Pierre-du-Marché, dont les vestiges du cimetière ont été observés à deux reprises au moins au XIXe siècle. La présence de sépultures en sarcophages de calcaire et en plaques de schiste renvoie au haut Moyen Âge (Ve-Xe siècles), voire un peu plus tôt. Cette nécropole, située juste au-delà des murs, paraît confirmer l’origine antique de cette porte, qui est également située du côté de la ville où aboutissent des itinéraires antiques importants, notamment celui en provenance de Juliomagus (Angers).

Cette fortification sera le principal ouvrage défensif de la capitale bretonne jusqu’à ce que la ville se dote de nouvelles murailles, au XVe siècle. Dès lors, sur une bonne partie de son tracé, dans les secteurs où elle n’est plus utile, l’enceinte antique sera peu à peu démantelée et ses matériaux récupérés. Les reconstructions qui suivront le grand incendie de 1720, ainsi que les travaux urbains des XIXe et XXe siècles finiront de faire disparaître la plupart de ses vestiges. Actuellement seuls quelques rares pans de cet ouvrage présentant une facture antique sont conservés et mis en valeur.