Synthèses thématiques

Le décor antique, du sol au plafond

Les différentes interventions archéologiques sur des bâtiments antiques de Rennes ont parfois permis d’aborder la décoration architecturale de la capitale de cité

Un rôle complémentaire

L’ornementation des édifices à base d’enduits peints s’inscrit dans un vaste programme décoratif. Les peintures interviennent souvent en complément d’éléments architecturaux en pierre, rattachés en grande majorité à l’ordre toscan (adaptation occidentale de l’ordre dorique), comme l’indiquent les bases et les couvrements de colonnes mis au jour jusqu’à présent. Les peintures s’associent également à des sols où la sobriété est plutôt de mise. En effet, la terre battue et le mortier à inclusions de pierres et de terres cuites sont employés de façon privilégiée, même dans les grandes demeures urbaines (Hôpital Ambroise Paré). Les mosaïques, quasiment absentes, sont remplacées dans les pièces d’apparat par des dallages géométriques alternant schiste local, calcaire et, parfois, pierres colorées importées.

Des recettes respectées

Le décor peint qui se développe sur les murs et les plafonds de Condate suit les règles et les modes en usage dans tout l’Empire, preuve que les techniques décoratives se propagent via le déplacement des artistes peintres ou par la diffusion de répertoires copiés.  

Sur les bâtiments les plus modestes, il s’agit surtout d’une unique pellicule de chaux blanche protégeant les parois de terre et de bois. Pour les constructions plus cossues, les modes préparatoires préconisés par Vitruve se retrouvent dans des revêtements constitués de plusieurs couches superposées et finalisées par une application de chaux fine où le décor est peint « à fresque » sur l’enduit encore frais.

Des partitions géométriques

Grâce au respect rigoureux de schémas iconographiques connus, il est possible de restituer les organisations des parois incomplètes à partir d’enduits peints mis au jour. La plupart des parois sont divisées en espaces réguliers, à l’aide d’encadrements linéaires parfois agrémentés de motifs végétaux et/ou géométriques (demi-cercles, lignes, etc.). La disposition joue alors sur les alternances de motifs et de teintes. La surface se couvre de lignes de différentes largeurs, de demi-cercles, de médaillons, de rubans et de perles, de feuilles et de rosettes. Elles sont parfois agrémentées d’oiseaux, même si, parmi les répertoires rencontrés, les représentations figurées sont très rares (ZAC Saint-Malo-Ille). Les décors se prolongent aussi sur les voûtes et les plafonds des pièces, déclinant, comme sur les murs, des organisations régulières à base de quadrillages.

Jaune, rouge, vert…

Si la gamme des couleurs employées est assez riche, elle reste cependant dominée par les pigments naturels communs (à base d’ocre rouge, d’ocre jaune et de vert). Par contre, pour traduire les volumes des motifs dessinés, les peintres vont fréquemment avoir recours au jeu de camaïeux. Des résidus de bleu égyptien ou des fragments à fond rouge cinabre témoignent de l’importation de pigments plus chers (Hôpital Ambroise Paré), mais aussi plus rares. Les décors à fond blanc, mieux adaptés à la luminosité bretonne, semblent avoir un grand succès dans la plupart des ensembles mis au jour, car ils apparaissent de façon récurrente dans des fouilles rennaises (Hôpital Ambroise ParéCouvent de la Visitation et Couvent des Jacobins) surtout à partir du IIe siècle de notre ère jusqu’au cours du IIIe siècle.

Un mot d’ordre décoratif : la sobriété

Même si ces éléments décoratifs sont retrouvés le plus souvent en lots isolés, ils prouvent que la capitale de cité n’est pas à l’écart des modes. Toutefois, comme sur le reste du territoire breton, le décor peint se développe en s’adaptant aux goûts de la clientèle locale : la nette prédilection pour les décors à fond blanc en est un bon exemple.  

Pour les édifices les plus riches, toujours selon une mode locale, les peintures peuvent être complétées par des incrustations à base de dalles de pierre gravées de motifs en faible relief (boucliers, animaux, divinités et végétaux).

Les peintures comme support d’écriture

Il arrive parfois que des pans de la vie quotidienne antique apparaissent sur les murs. C’est le cas du décor recouvrant la galerie d’une grande domus du site de l’ancien hôpital Ambroise Paré , riche de nombreux graffiti tracés à sa surface. Le décor, composé de lignes horizontales régulières, a été mis à profit par les propriétaires pour favoriser l’enseignement à destination des enfants. Les parois ont alors servi de support d’écriture et de dessin à la manière d’un tableau noir. On y retrouve les exercices de traçage de plusieurs abécédaires et quelques gravures naïves (personnage, cheval). Grands et petits ont aussi laissé des messages spontanés au gré de leurs humeurs ou des événements à commenter.