Synthèses thématiques

Métallurgie du fer et du bronze

Des quartiers artisanaux spécialisés

Des ateliers d’orfèvres, de bronziers et de forgerons ont été mis en évidence tout le long du cardo (axe nord-sud) principal qui passe au niveau du couvent des Jacobins et se prolonge sur le site du 3-5 rue de Saint-Malo. D’importants rejets de scories métalliques, de parois de fours et quelques fragments de moules ont aussi été ramassés lors d’un sondage effectué dans la partie ouest du lycée Saint-Martin en 2004, laissant ainsi supposer que ces activités bien spécifiques concernent la rue antique sur une longueur d’au moins 200 m. Bien que la configuration des fouilles ait apporté plus d’informations sur les îlots qui se développent à l’est de la chaussée, la fouille de la ZAC Saint-Malo-Ille, en 1987-1988, et les observations effectuées dans le réfectoire du couvent des Jacobins, confirment aussi la présence de l’artisanat métallurgique du côté ouest.  

Cette vocation du secteur est clairement attestée pour les deux premiers siècles de l’Empire, avec une production d’objets de grande finesse comme des pièces de vaisselle (plats, cruches, cuillères, etc.) et des éléments de parures. De plus, des découvertes d’objets en os ou en corne, dont certains sont juste ébauchés, rappellent que d’autres activités accompagnent souvent l’artisanat du métal. Un très beau manche de canif en os, retrouvé en 1995, illustre parfaitement cette remarque puisque sa lame était en fer alors qu’une virole en bronze maintenait l’assemblage.  

La sidérurgie se développe au milieu du Ier siècle dans ce quartier de Condate et paraît supplanter quelques temps la métallurgie du bronze. Mais, il n’est pas impossible que les forges qui apparaissent dans le secteur de la place Hoche, à partir de la période flavienne, aient finalement favorisé le retour des bronziers aux abords du cardo de la rue de Saint-Malo jusqu’à la fin du IIe siècle.

Des installations et des rejets spécifiques

Les premiers témoignages de ces occupations artisanales datent du milieu du Ier siècle de notre ère au 3-5 rue de Saint-Malo et dans le couvent des Jacobins. Les ateliers sont alors installés dans des constructions sur sablières basses et alignés le long du cardo. Certains espaces y sont clairement dévolus à ces activités, puisque les sols sont marqués par de nombreuses traces de rubéfactions successives, alternant avec de multiples rejets charbonneux. La présence de battitures ou de gouttelettes de bronze dans ceux-ci confirme bien la nature artisanale des occupations. Le plus déterminant des témoignages a été mis au jour en 1995 à l’extrémité nord du chantier de la rue de Saint-Malo, où deux fours de bronzier encastrés l’un dans l’autre et une fosse de rejets ont été retrouvés. Cette dernière contenait une trentaine de creusets ayant servi à couler de l’or, de l’argent et des alliages cuivreux pour fabriquer de petits objets, comme par exemple des bijoux. Des scories et de nombreux fragments de moules à la cire perdue témoignaient aussi de ce travail.  

Vers la fin du Ier siècle, les baraquements sur sablières basses qui se sont succédé pendant quelques décennies font place à des constructions fondées sur des murets maçonnés. Plusieurs petites unités s’alignent ainsi le long de la rue, abritant des espaces de vies qui jouxtent des ateliers. Ces derniers se reconnaissent par la présence d’une ou de plusieurs structures de chauffe associés à des déchets de fabrication métallique.

Métallurgistes et militaires aux premiers temps de Condate

Aux Jacobins, la découverte d’un glaive sur le sol d’un de ces ateliers du Ier siècle ravive la question du contexte d’enfouissement du dépôt d’armes retrouvé en 1987 au 42-48 rue de Saint-Malo. En effet, l’hypothèse d’une tombe, souvent évoquée, s’est toujours heurtée à deux éléments troublants : sa position centrale dans l’emprise urbaine, normalement interdite à toute sépulture, et la forte vocation métallurgique de l’environnement contemporain de ce dépôt. Or, le glaive du site des Jacobins établit maintenant une relation certaine entre une arme de légionnaire et un artisanat métallurgique contemporain du lot exhumé en 1987. De plus, la pliure qui marque la soie de l’épée indique que celle-ci a été modifiée avant d’être abandonnée sur le sol de l’atelier. L’idée que des armes aient pu être récupérées, réparées ou transformées ici n’est donc plus aussi insolite aujourd’hui.