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La faïence de Rennes

Que connaît-on des faïenceries rennaises ?

Quand on parle de faïence, ce sont les grandes manufactures comme Nevers, Paris, Rouen qui viennent à l’esprit. Cependant, face à l’engouement rencontré pour cette catégorie de vaisselle, beaucoup de villes s’essaient à la production à partir de la fin du XVIe siècle, pour les plus précoces, et surtout dans le courant du XVIIe siècle. C’est le cas de Rennes, où la tradition potière apparaît régulièrement dans les opérations urbaines depuis l’Antiquité.

Les œuvres en faïence sont régulièrement présentes dans les ventes aux enchères locales, circulant entre collectionneurs locaux et nationaux. Mais ce sont les collections publiques et privées qui permettent le mieux d’appréhender l’aspect des pièces produites à Rennes. Le musée de Bretagne en compte quelque 250 dans ses collections. Dans les deux cas cependant, cela ne rend compte que de la production prestigieuse des ateliers, avec des objets très décorés et élaborés : les soupières et plats imitant la vaisselle métallique, les réchauds, les fontaines et les vases de jardin, ou encore les pièces de statuaire parfois de grande taille.

Des ateliers dans les faubourgs périphériques

Les sources écrites dénotent un manque d'intérêt certain pour ce domaine particulier de l’artisanat. En dehors de rares expositions anciennes au musée de Bretagne et de quelques travaux d’historiens sur des familles d'artisans, la faïence de Rennes n’a fait l’objet que d'un seul travail de recherche mené en 1900 par Lucien Decombe, reprenant l'étude des récipients amassés par Auguste André, conservateur à l’origine des collections du musée.

D’après les archives, une des premières spécialités de la faïencerie rennaise aurait été la production de pièces funéraires (carreaux) ou de dévotion (statuettes de la Vierge et de sainte Anne) à partir du milieu du XVIIe siècle. La seule faïencerie dont on connaît alors le nom est celle des Montigny, installée dans le quartier Bourg-l’Évèque, un secteur méconnu de l’archéologie. L’activité se met véritablement en place en 1748 avec la nomination de l’Italien Jean Forasassi, dit Barberino, comme premier manufacturier officiel de la ville de Rennes. Il s’installe au nord de la ville, dans le quartier du Pavé-Saint-Laurent. Cet emplacement bénéficie de voies d’accès importantes et de la proximité d’une section navigable de l’Ille pour l’acheminement des matières premières. Deux autres mentions témoignent de manufactures modestes, situées rue Hue et quartier Toussaint. Au début du XIXe siècle, il faut encore signaler la faïencerie Vautour, rue Saint-Hélier.

Les interventions archéologiques menées depuis la fin des années 1980 ont permis d’aborder ponctuellement la manufacture de Jean Forasassi et de ses successeurs (site Rue d'Antrain), ainsi que les rejets générés par ses productions (43 rue d’Antrain et 48-49 boulevard de Chanzy). Elle est en activité jusqu’en 1887 et les bâtiments sont détruits en 1900.

De la vaisselle artistique mais surtout des faïences ménagères

En confrontant toutes les sources disponibles, l’établissement du Pavé-Saint-Laurent, rue d’Antrain, correspond aux descriptifs qui en sont faits. « On y fabrique toute espèce de faïence façon de Rouen, émaux blancs, blancs et bruns, bruns, noirs, verts, jaunes, etc… », autant de teintes que l’on retrouve sur les récipients issus des fouilles aux côtés des biscuits et des ratés de cuisson. 

Son activité souffre toutefois d’un manque de reconnaissance : les propriétaires successifs vont chercher à obtenir un statut de manufacture royale et des aides financières de la ville, sans succès avant 1763, les productions étant jugées trop médiocres. De plus, avant que la décision ne soit prise d’avoir recours à des terres locales tout à fait appropriées, la faïencerie réalise ses productions en important à grands frais des terres bordelaises ou nivernaises, qui grèvent le budget de l’entreprise. Si la faïence artistique est assez reconnue, c’est surtout à la vaisselle modeste (faïence ménagère) que la manufacture doit sa subsistance. Connue sous l’appellation de « cul noir » en raison du recours constant au violet de manganèse, celle-ci est vantée pour sa qualité et ses propriétés culinaires.

Par rapport aux monopoles des grands ateliers nationaux (Sèvres, etc.), il est difficile d’estimer l’état de la commercialisation et les débouchés des productions rennaises, tout au moins pour les pièces décorées, car les productions plus simples s’écoulent sur le marché local, comme le prouvent les découvertes régulières de ces récipients lors des interventions archéologiques menées à Rennes.

Au cours du XIXe siècle, la manufacture du pavé Saint-Laurent compte plusieurs espaces d’ateliers, des magasins pour une commercialisation directe. Une de ses spécialités est la réalisation de pots de fleur, dans la tradition des productions antérieures où jardinières décorées et vases de jardin étaient déjà en bonne place.

Pour conclure, il faut retenir que la faïence rennaise est difficilement caractérisable. Elle a recours à des terres importées de toute la France, utilisées aux côtés des argiles locales. Les décors sont souvent l’œuvre de peintres céramistes débauchés dans les autres centres de production (Italie, Normandie et Provence), qui continuent à reproduire des motifs à la mode ailleurs, comme les paniers de fleurs. Enfin, en dehors de quelques pièces de prestige, peu de récipients sont signés.