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Les rues de Condate

Dès l’origine, le développement de la ville de Condate paraît avoir été programmé et calibrée sur une surface importante, dans la mesure où les mêmes phénomènes d’aménagement ont été repérés en fouille sur plusieurs site relativement éloignées les unes des autres (Couvents des Jacobins ou de la VisitationHôtel-Dieu). En ajoutant à cela l’étendue des découvertes correspondant à l’époque romaine, on peut estimer qu’une superficie d’environ 90 hectares était défrichée et nivelée dès la fin du Ier siècle avant notre ère afin de permettre au projet urbain de s’épanouir. Cette emprise, délimitée par les deux cours d’eau à l’ouest et au sud, est clairement fixée par l’emplacement des nécropoles Saint-Martin et Saint-Melaine au nord et à l’est.

L’organisation de la trame

Sur les deux fouilles du couvent des Jacobins et de celui de La Visitation, des sillons d’araires correspondent aux traces d’activités les plus anciennes. Sont-ils liés aux travaux de nivellement du terrain qui suivent le déboisement de la colline ou révèlent-ils une mise en culture temporaire antérieure aux premiers aménagements urbains ? 

Les arpenteurs romains implantent ensuite les repères d’un réseau de rues, toutes parallèles ou perpendiculaires entre elles. Des épandages de cailloutis plus ou moins denses, souvent délimités par des fossés ou des alignements de fosses, recouvrent les emprises de ces futurs espaces publics. Les vingt-six tronçons qui ont été découverts à ce jour permettent de retracer un plan comportant dix-neuf axes de circulation, un vingtième pouvant être envisagé à partir du positionnement des deux portes principales du castrum

On constate que ce réseau de rues est mieux connu dans la partie nord de la ville, où se sont multipliés les projets d’urbanisme ayant justifié les fouilles effectuées ces dernières années. Au sud, la bonne préservation du centre médiéval et moderne explique un nombre moins important d’interventions archéologiques, alors que celles qui ont pu être réalisées sont restées très limitées. Toutes les rues mises en évidence n’ont cependant pas le même statut puisque : certaines sont des espaces publics de premières importances tandis que d’autres ne correspondent qu’à de modestes ruelles à l’intérieur d’îlots d’habitation. Les chaussées mises en évidence au niveau de la place Sainte-Anne et du couvent des Jacobins font manifestement partie des axes les plus fréquentés entre le début du Ier et le milieu du IIIe siècles de notre ère. Elles traversent non seulement des quartiers dynamiques, mais certaines desservent des lieux publics de la cité, incluant probablement le forum.

Les rues

À Rennes, les chaussées sont souvent fondées sur un soubassement empierré à l’aide de blocs de schiste. Celui-ci est systématiquement recouvert de couches de graviers de rivières noyés dans une matrice argileuse. Extraits des terrasses alluviales de la Vilaine, les graviers constituent un matériau idéal qui, une fois compacté, forme de solides bandes de roulement larges de 4,50 à 6 m selon l’importance de la rue. Lors des fouilles, il est fréquent de pouvoir y observer des traces d’ornières témoignant de la circulation d’attelages. Des éléments de harnachement ou des hipposandales (sortes d’ancêtres du fer à cheval) rappelant leur passage sont aussi parfois retrouvés en surface, avec des monnaies perdues par les piétons.

Afin d’assurer l’écoulement des eaux pluviales et usées provenant des constructions riveraines, mais aussi pour assainir les espaces de circulation, des caniveaux, pour la plupart coffrés de bois, délimitent ces espaces publics. Ils étaient sans doute à l’époque recouverts, totalement ou partiellement, par des planches. À Condate, où aucun réseau d’égout aménagé n’a jusqu’à présent été retrouvé, ils faisaient également office de réseau d’évacuation pour les eaux usées et pluviales à moindre coût. L’orientation des rues, dont les tracés sont perpendiculaires à l’Ille et à la Vilaine, permettent en effet un bon écoulement en direction des deux cours d’eau.

Les constructions de carrefour

À certains emplacements choisis, comme par exemple aux carrefours de rues principales, des constructions plus ou moins importantes peuvent être érigées. Ainsi la trace d’un probable arc monumental a été mise en évidence rue de Saint-Malo, tandis qu’un temple construit à l’intersection des deux espaces de circulation a été retrouvé lors des fouilles du couvent des Jacobins. Sur la fouille du Métro Val ligne B, station Place Sainte-Anne, ce sont les traces d’un édicule situé en plein milieu d’un carrefour qui ont été identifiées. Ces petits autels, dont on connaît quelques exemples en Gaule et bien davantage dans la péninsule italique, d’où ils sont originaires, étaient dédiés aux lares compitales, les divinités des communautés locales ou des voisinages, honorées lors des fêtes de compitalia.

En bordure de chaussée

Parfois, comme sur le site du parking de la Place Hoche, de petits monuments à vocation analogue occupaient des espaces réservés en bordure de la chaussée. Sur ce même site, un puits sans doute destiné à fournir de l’eau pour les attelages empiète sur la chaussée. 

Des trottoirs couverts, équipés de colonnades, longent ces rues. Ils en sont séparés par des fossés coffrés évoqués plus haut. Ces espaces souvent très vivants présentent une architecture plus ou moins élaborée ainsi qu’une largeur très variable, en fonction du statut du quartier et du bâti bordant la chaussée.