
Le fort Saint-Jean vu du haut du pont transbordeur en 1908. Plaque autochrome de Léon Gimpel reproduite dans le livre Marseille au temps de Nadar. © Parenthèses, 2001
Description
Depuis plusieurs décennies, le fort Saint-Jean et la commanderie des Hospitaliers, englobée depuis le XVIIe siècle dans les murailles du fort, font lobjet de restaurations menées par les Monuments historiques.Ces travaux ont entraîné la réalisation de nombreuses opérations archéologiques. Plusieurs dentre elles ont apporté des informations concernant loccupation grecque de lancien promontoire Saint-Jean. Les autres découvertes, disséminées, portent en grande partie sur la chapelle romane de la commanderie médiévale. Lintervention de 1994 a montré que ses élévations ont été conservées malgré les multiples transformations apportées par les casernements militaires modernes.
Enfin, en 2007, préalablement au projet dimplantation dune partie des locaux du MuCEM (Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) dans le fort, une campagne de diagnostic a été conduite sur lun des bastions modernes et, en partie basse, à lemplacement même de la commanderie.
Résultats
Loccupation grecque du promontoire
Après une occupation aux alentours de 600-575 avant notre ère au sommet du promontoire, le site a été recouvert dabord par des remblais riches en matériel grec archaïque, puis par une couche de sable jaunâtre.
La présence de mobilier hellénistique et des vestiges dun sol en opus signinum (mortier à base de poudre de tuile), de résidus de taille de calcaire blanc et dempreintes de murs dans le sol permettent denvisager une occupation humaine, toujours en haut du promontoire, entre le milieu du IIIe et le début du Ier siècle avant notre ère. La présence dun rempart ou dun grand mur de terrasse de la fin de lépoque hellénistique semble le confirmer.
Dans la partie inférieure du site (cour basse), une couche de pierre datant du IVe ou du IIIe siècle avant notre ère est difficile à interpréter.
Les vestiges antiques postérieurs
Des sols en opus signinum et un mur maçonné datés de la fin du Ier siècle de notre ère (époque romaine) ont été découverts sur le haut du promontoire, à lemplacement de la caserne moderne, sous la place darmes et la galerie des officiers. Ces éléments témoignent dun habitat organisé en terrasses successives réparties sur les versants nord-ouest et sud-ouest de la partie haute du fort.
Dans la cour basse de ce même complexe militaire, au sud de la nef de léglise, un épais remblai dépoque romaine a été découvert sous un sol médiéval daté du début du XIIIe siècle.
Des remblais contenant du mobilier de lAntiquité tardive (Ve-VIe siècles de notre ère) indiquent un nivellement du secteur après la destruction, au milieu du Ve siècle, de vestiges plus anciens dans la partie supérieure du promontoire. Dans la partie inférieure, sous une nécropole médiévale, un sol et son foyer, datés du VIe siècle, matérialisaient une occupation précaire.
La question du château Babon
Au VIIe siècle, lévêque Babon fait construire un castrum sur la butte de Saint-Laurent. Le promontoire Saint-Jean, qui, à louest, fait face à la mer et, au sud, au port, est englobé dans lenceinte de cette forteresse. Malheureusement, les fouilles archéologiques nont retrouvé aucune trace du château Babon.
La commanderie des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem
Faisant pendant à lordre religieux et militaire des Templiers établi à lextrémité orientale du port, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem sinstallent à lentrée de la ville dans la seconde moitié du XIIe siècle. Grâce à de nombreux legs, la commanderie se développe aux XIIIe et XIVe siècles : elle comprend alors plusieurs bâtiments parmi lesquels lhôpital, le palais du commandeur et la chapelle, bordée du cimetière. Ces éléments ont été observés lors du diagnostic de 2005.
La chapelle reste lédifice le mieux documenté de par son état de conservation. En partie insérée dans les remblais du fort, elle se compose dune nef unique scandée de trois travées. Celles-ci, soulignées par des arcatures aveugles, sont supportées par des demi-colonnes ornées de chapiteaux à décor végétal.
Des chapelles latérales ont été progressivement ajoutées. Lorientation, comme la forme du chevet originel, pose problème car les façades ont été modifiées à partir du XVIe siècle. À cette époque, la chapelle, qui fait alors office déglise paroissiale, est pourvue dune abside semi-circulaire et dun portail ouvrant sur la ville.
Une zone artisanale médiévale en limite du promontoire
Au nord de la commanderie, sur la colline de la Tourette, dautres vestiges attribués au Moyen Âge ont été ponctuellement observés. Un tronçon de la fortification littorale a été dégagé. La découverte dun ensemble de cuves probablement en lien avec des activités de teinture des filets, constitue le seul indice matériel du quartier des pêcheurs. Placées sous la responsabilité directe de lordre de Saint-Jean, les maisons du port étaient, daprès les descriptions fournies par les archives, pourvues demplacements réservés au séchage des filets.
Le fort Saint-Jean, édifice du XVIIe siècle
En 1660, voulant réaffirmer son autorité sur Marseille, Louis XIV décide dériger deux ouvrages militaires placés à lentrée de la ville : les forts Saint-Nicolas et Saint Jean. Il en confie la réalisation au chevalier de Clerville, qui décide dintégrer la commanderie dans les plans de la nouvelle citadelle. Les importants travaux entraînent la disparition du cimetière, la transformation du palais du commandeur en logement pour les officiers et la disparition dune partie de la chapelle sous les talus de la fortification moderne. Létude architecturale du fort Saint-Jean na, jusquà présent, pas été conduite, seule une opération archéologique a porté sur lun des ouvrages en saillie de la fortification (le bastion de la Mer).