23, quai de Rive Neuve

Vue de la fondation du mur romain et de la stratigraphie qui est lui est associée.  Le mur est installé sur la couche géologique (substrat) de couleur jaune. La couche bleue correspond aux argiles utilisées afin d'étanchéifier la fondation. Enfin la partie supérieure, grise et caillouteuse, matérialise les premiers niveaux situés au-dessus de l'eau. © S. Bien, Inrap
Vue de la fondation du mur romain et de la stratigraphie qui est lui est associée.
Le mur est installé sur la couche géologique (substrat) de couleur jaune. La couche bleue correspond aux argiles utilisées afin d'étanchéifier la fondation. Enfin la partie supérieure, grise et caillouteuse, matérialise les premiers niveaux situés au-dessus de l'eau. © S. Bien, Inrap

Description

Le site est implanté sur la rive sud du Vieux-Port, au pied de la colline de Notre-Dame, non loin du palais du Pharo et de l'abbaye de Saint-Victor. Rares sont les opérations réalisées dans cette partie de la ville, et plus rares encore celles qui, comme cette fouille, abordent la thématique des niveaux marins.

L'étude géomorphologique a mis en évidence l'existence d'une petite anse ouverte vers le nord-est, avec une sédimentation résultant d'un milieu immergé à fleur d'eau. Dans cette baie naturelle débouchaient plusieurs cours d'eau, à régime plus ou moins calme et discontinu, dévalant la collines de Notre-Dame-de-la-Garde.

La fouille a notamment montré que les premières traces réelles d'occupation humaine apparaissent à l'époque hellénistique (IIIe et IIe siècles avant notre ère). Elle a aussi permis de comprendre l'aménagement du site à l'époque romaine.

Résultats


La Préhistoire
Le premier niveau archéologique identifié correspond à une couche sédimentaire d'une vingtaine de centimètres d'épaisseur, composée de galets et de matériaux calcaires anguleux. Celle-ci semble résulter du démantèlement des formations rocheuses qui constituent la colline de Notre-Dame de la Garde, lors de crues répétées liées à des épisodes pluvieux intenses. La découverte de fragments de céramique à pâte non tournée et de silex dans le comblement atteste, par ailleurs, de la présence encore peu connue de populations préhistoriques (et/ou protohistoriques) à proximité de ce site, sans doute plus précisément dans les hauteurs.

Des plages à l'époque grecque
Plusieurs niveaux de plages ont livré du mobilier céramique des périodes grecques archaïque et classique (du VIe au IVe siècles avant notre ère). Transporté par les écoulements liés aux différentes crues, venant du sud ou du sud-ouest, ce matériel provient d'une occupation plus en amont, présente entre la seconde moitié du VIe siècle et le milieu du Ve siècle avant notre ère.

Cependant aucune occupation n'est clairement attestée sur la fouille pour ces périodes. Le site était alors une zone littorale, caractérisée par une succession de sables moyens (autour de 0,50 m d'épaisseur) contenant de petits galets et des coquillages.

Il faudra attendre la période hellénistique (IIIe et IIe siècles avant notre ère) pour que les premières traces de réelle occupation du lieu puissent être appréhendées : une tranchée longiligne et étroite (3 m x 0,30 m x 0,13 m) contenant deux morceaux de bois. L'orientation et la morphologie de cette structure assez bien conservée, calée par des piquets, laissent à penser qu'il s'agit de la fosse à rouleau d'une cale de halage, utilisée pour sortir les bateaux hors de l'eau. Ce type de structure a été étudié à plus grande échelle sur la rive nord, notamment sur les sites des places Jules-Verne et Villeneuve-Bargemon.

Le peu de vestiges rencontrés pour cette époque est sans doute la conséquence des aménagements ultérieurs, qui ont alors considérablement modifié le paysage.

L'aménagement du site à l'époque romaine
Le Haut-Empire (Ier-IIe siècles de notre ère) est marqué par une vaste campagne de remodelage du terrain, ayant pour but de combler, d'assécher et de stabiliser la petite anse naturelle afin de créer un nouvel espace, gagné sur la mer.

Ces aménagements se traduisent par la présence de divers témoins. Est ainsi apparue une succession de remblais posés à même les niveaux de plages. Un mur en blocs de petite taille, perpendiculaire à la pente de la colline, a été observé sur 12 m de longueur, ainsi qu'un drain installé parallèlement à ce mur (4,30 m conservés), un empierrement inséré entre deux remblais argileux servant de liant et différents chenaux qui à canalisaient les ruissellements de flancs de collines.

Malgré leur localisation plus basse que le niveau de la mer, les vestiges rencontrés n'étaient de toute évidence pas immergés. Ceci amène inévitablement à restituer, plus au nord, un système d'obturation de la baie de type batardeau (digue provisoire). Cependant, l'empierrement qui se déploie à l'est fait penser à un aménagement de berge en rapport avec des activités piscicoles (élevage de poisson destiné à la consommation) : une partie de la baie a pu être laissée « en eau », offrant par exemple un espace servant de vivier naturel.

La qualité des vestiges et l'envergure des aménagements soulignent en tout cas la vitalité portuaire de la rive sud du Lacydon, qui pourtant n'était pas urbanisée en ce début de notre ère.

Une vocation funéraire pendant le Bas-Empire
La période du Bas-Empire (IIIe-IVe siècles de notre ère) est uniquement représentée par une sépulture, révélant une vocation momentanément funéraire du secteur. Il s'agit d'une inhumation installée dans une fosse d'orientation nord-sud, partiellement recouverte de tuiles (tegulae). Le sujet, sans doute de sexe masculin, était un adulte âgé de quarante à cinquante-cinq ans et qui mesurait 1,61 m.

Une activité artisanale pendant l'Antiquité tardive
Une reprise d'activité de l'anse se manifeste à partir de la fin du Ve siècle. Elle débute par une réappropriation du lieu : le mur et le drain sont récupérés et l'on constate un remblaiement général qui surélève (d'environ 0,30 m) le terrain gagné sur la mer. Dans le secteur nord-est du site, les traces d'une zone de rejet révèlent la présence, à proximité mais hors de l'emprise de la fouille, d'un petit atelier artisanal lié au travail du fer. La faible épaisseur de cette zone suggère une activité métallurgique de petite envergure, en relation avec la réparation de bateaux ou la fabrication de pièces d'accastillage (clous, ancres…), par exemple.

Un aménagement en jardins
L'occupation postérieure à l'Antiquité tardive a laissé peu de traces. Un caniveau traversant le terrain du sud vers le nord montre que les écoulements d'eau au débouché du vallon, alors canalisés, se sont poursuivis. L'utilisation du secteur, durant presque huit-cents ans, en jardins potagers ou d'agréments n'a en effet pas affecté le terrain en profondeur. Pour ces périodes récentes, ce ne sont plus les archives du sol mais les archives écrites qui nous renseignent.

Quelques rares érudits locaux se souviennent que le 23, quai de Rive Neuve abritait au XVIe siècle le premier jardin botanique de la ville, où des serres remplies d'orangers et de citronniers enchantaient l'odorat et la vue de quelques bourgeois…