
Photomontage du mobilier de la nécropole issu de tombes romaines des Ier-IIe siècles : urnes cinéraires et offrandes en verre de type balsamaire (flacons à parfums), cruches, coupelle, verre à pied et en calice. © F. Cognard, Inrap
Description
Les parcelles concernées par lopération de fouille couvrent une superficie totale de 2000 m2. Elles se situent immédiatement à l'extérieur de la ville antique, en contrebas des remparts. Loccupation antique est presque exclusivement funéraire, tandis que celle de lépoque médiévale concerne un quartier artisanal de potiers qui a en partie recouvert la nécropole des époques précédentes. Deux opérations distinctes ont donc été menées de façon concomitante. Chacune était délimitée par des parois berlinoises (soutènement ceinturant la zone de construction) mises en place au fur et à mesure de lavancement de la fouille.Résultats
Une nécropole grecque (IVe-IIe siècles avant notre ère)
Installée de part et dautre dun vallon naturel, la nécropole grecque a connu trois phases densevelissement, marquées par une coexistence des rites : sur les quatre-vingt-seize sépultures fouillées, soixante-sept étaient des inhumations et vingt-neuf des crémations.
Les inhumations se font généralement en pleine terre, mais certains défunts ont été enterrés dans un cercueil, un sarcophage, ou dans une amphore pour les plus jeunes. Les sépultures à crémation correspondent à un dépôt soit placé dans une urne de céramique ou de plomb, soit en pleine terre. Plusieurs zones de bûcher sont présentes dans lespace funéraire. Certaines sépultures comportent du mobilier daccompagnement (céramique, parure, faune) et lemplacement de onze dentre elles est marqué par une stèle.
La population exhumée comporte de nombreux nouveau-nés et enfants. Ce phénomène, assez rare dans les découvertes archéologiques, permet dattester que cet espace funéraire dépoque grecque réunissait toute la population, sans lexclusion des plus jeunes que lon observe souvent sur les autres sites.
Un aqueduc romain (Ier siècle avant notre ère - Ier siècle de notre ère)
Entre la conquête de César et lépoque dAuguste, un ouvrage hydraulique monumental drainait les eaux du ruisseau coulant au fond du vallon. Cet aqueduc enterré savère avoir bénéficié dun système de construction élaboré, avec plusieurs regards. Il était installé dans une vaste tranchée de 15 m de large, creusée dans le sol naturel.
Une nécropole romaine (Ier-IIe siècles de notre ère)
La nécropole romaine a colonisé tout lespace de lancien vallon, aplani par linstallation de laqueduc qui a été rapidement abandonné. Pas moins de quatre cent trente-six sépultures dépoque romaine ont été découvertes, parmi lesquelles deux cent quatre-vingt-six inhumations et cent quarante et une crémations. On peut suivre lévolution des rites durant le Haut-Empire : ainsi les crémations, largement majoritaires en début de période, se raréfient peu à peu jusquà être totalement supplantées par les inhumations à la fin du IIe siècle.
Les sépultures à crémation peuvent être de deux types : soit le défunt est brûlé au-dessus dune fosse individuelle qui deviendra sa sépulture, soit il est brûlé sur un bûcher collectif et ses restes sont alors déposés dans une urne (en céramique, verre, plomb, matériau périssable) enfouie dans la terre.
Les sépultures à inhumation peuvent contenir des cercueils ou des coffres de bois, des amphores ou dautres éléments fabriqués dans divers matériaux. Le mobilier daccompagnement est plus fréquent quà lépoque grecque : céramiques, lampes, balsamaires (flacons à parfums), monnaies ou offrandes alimentaires ont été déposés dans 44 % des tombes, parfois en plusieurs exemplaires. Quelques défunts étaient également pourvus dobjets personnels (vêtements et parures), quils aient été inhumés ou aient fait lobjet dune crémation.
La population exhumée par les archéologues comporte de nombreux adultes, le rite de la crémation leur étant réservé.
Les enfants représentent 20 % de léchantillon et sont regroupés dans un secteur particulier de la nécropole. Cette répartition peut mettre sur la piste dune zone réservée aux plus jeunes sétendant vers le sud, hors des limites demprise de cette fouille.
Lespace funéraire est abandonné au Bas-Empire, puis occupé de manière éphémère durant lAntiquité tardive, comme le montrent des traces de cabanes liées à une activité artisanale et lexistence dun puisard.
Un quartier artisanal de potiers (XIIIe-XIVe siècles)
Le quartier nest réoccupé quau début du XIIIe siècle avec limplantation dun bourg de potiers (burgus oleriorum), dont la plus ancienne mention remonte à 1264. Il sétageait sur la colline de part et dautre dune rue. La régularité des parcelles en lanières évoque un lotissement bâti par la volonté dun commanditaire, sans doute le pouvoir local. Les parties conservées montrent une organisation du travail douest en est : dans les parties basses occidentales, des fosses et bassins illustrent le travail de la terre, de la préparation de largile et du tournage, tandis que les fours pour la cuisson et la préparation des oxydes sont implantés dans le haut des parcelles, à lest.
Les fours à céramique sont cylindriques, à pilier central et arcs rayonnants portant la sole. Lun deux, sans pilier ni sole, est unique dans sa conception, et sa paroi porte des étagères composées de barres dargile, selon un modèle connu dans le monde arabe. La superposition de fours ainsi que des agrandissements indiquent deux phases dutilisation pendant le XIIIe siècle. Les fours anciens, en terre ou en pierre, sont détruits et comblés avant que des nouveaux, en briques dargile, soient installés avec une orientation inversée.
Plusieurs petits fours, pour la préparation du plomb, la glaçure à létain, et un autre plus complexe, associé à des creusets et des alambics, attestent lesprit de recherche qui devait régner dans ces ateliers. De telles structures de production, inédites en France, ont révélé le passage à la cuisson oxydante, lintroduction de la glaçure et de lémail, sur des formes de vaisselles identiques à celles de lEspagne andalouse et de la Sicile, sous linfluence probable dun « maître » apportant avec lui un savoir-faire venu de lextérieur. Ce témoignage unique de transfert de technologie en Méditerranée occidentale saccompagne dun modèle précoce d'organisation du travail dans un lotissement périurbain.
Au début du XIVe siècle, le bourg est progressivement abandonné par les potiers auxquels succèdent des forgerons. Rasé sur lordre du Conseil de la ville par mesure de sécurité, cet espace qui na plus aucune structure devient une zone de jardins au XVIe siècle et nest rebâti quau début du XVIIe siècle.