Vaste esplanade correspondant peut-être à des salines romaines.
Vers la fin du IIIe siècle de notre ère, l'embouchure du ruisseau a été aménagée au moyen d'alignements de pieux qui en délimitent le cours, ainsi qu'avec un grand espace empierré, situé à un 1 m sous le niveau actuel de la mer. © F. Cognard, Inrap
Vers la fin du IIIe siècle de notre ère, l'embouchure du ruisseau a été aménagée au moyen d'alignements de pieux qui en délimitent le cours, ainsi qu'avec un grand espace empierré, situé à un 1 m sous le niveau actuel de la mer. © F. Cognard, Inrap
Description
L'intervention archéologique, commencée en 1992, s'est prolongée jusqu'en mai 1993. Elle a permis de mieux comprendre l'histoire de la rive est du Vieux-Port depuis l'époque grecque, quand la zone était encore un marécage en bord de mer, et de découvrir un ensemble médiéval, le faubourg Sainte-Catherine, agrandi sous Louis XIV.Résultats
La fin du marécage à la période grecque
La première trace d'aménagement des lieux remonte à la fin du Ve ou au début du IVe siècle avant notre ère : environ deux cents amphores massaliètes vides ont été trouvées dans des remblais, calées par des branchages. Leur disposition concentrique semble indiquer un dépôt lors de l'aménagement d'une partie du site : elles ont roulé au sol tandis que l'on déversait de la terre pour combler une zone marécageuse.
Dans l'angle nord-est de la fouille, une couche compacte recouvre cet ensemble d'amphores, révélant peut-être la présence d'un axe de circulation : cet aménagement, qui a asséché la rive est de la calanque du Vieux-Port, aurait permis la création d'un accès terrestre à la rive sud. Par ailleurs, au sud de cet axe, on peut vraisemblablement restituer le tracé d'un ruisseau, dont la présence conditionne toute l'évolution du site jusqu'au Moyen Âge.
Des salines à l'époque romaine ?
Si l'on en croit la stratigraphie, la période suivante n'a laissé aucun vestige jusqu'à la fin du Haut-Empire romain.
Vers la fin du IIIe siècle de notre ère, l'embouchure du ruisseau est aménagée au moyen d'alignements de pieux, qui en délimitent le cours, ainsi que par l'installation d'un grand espace empierré, situé à 1 m sous le niveau actuel de la mer. L'observation des balanes (crustacés à coquille conique qui se fixent sur tous les corps solides en contact permanent avec l'eau de mer), qui apparaissent à 1,07 m sous le niveau actuel de la mer, situe l'ensemble un peu au-dessus du niveau de la mer tel qu'il était dans l'Antiquité.
Retrouvé en d'autres points de la côte (Toulon, Antibes), ce type d'aménagement pourrait correspondre à des salines antiques. Celles-ci ont apparemment été abandonnées au cours du Ve siècle.
Autre découverte : de nombreuses balles de fronde en plomb pourraient provenir du siège de la ville en 310 par l'empereur Constantin.
La fin de l'Antiquité
Une fine couche de sable marin (une plage, selon l'analyse des sédiments) recouvre l'ensemble du site probablement dès la deuxième moitié du Ve siècle. Dans l'angle nord-est de la fouille, les archéologues ont mis au jour un sol de galets, trace éventuelle d'un édifice.
Une très vaste surface de sable compact recouvrant les niveaux antérieurs de plage a également été découverte. Parfaitement horizontale, elle s'étend sur au moins 2000 m2. L'absence de céramique rend sa datation difficile. L'hypothèse de salines (citées dans le texte d'une donation de Childebert à Notre-Dame de Paris en 558) n'a pu être ni infirmée ni confirmée par les diverses analyses réalisées, mais elle est très vraisemblable. L'activité de récolter le sel n'aurait pas changé, mais c'est la façon de procéder à la récolte qui aurait évolué.
Un faubourg au Moyen Âge
La fouille a été l'occasion d'observer la création du faubourg médiéval de Sainte-Catherine au XIIIe siècle. Dans un premier temps, on constate une première organisation de l'habitat à l'extrême nord du site. Plus au sud, un grand mur, repris ensuite comme mur de façade sur la rue principale du site médiéval (la Via Callata), semble délimiter un enclos ou un jardin ; dans l'emprise de celui-ci, les archéologues ont mis au jour les vestiges d'une tannerie, remplacée par la suite par des maisons. Un autre enclos borde la voie à l'ouest. Il s'agit d'un terrain acheté à l'abbaye Saint-Victor en 1203 pour construire l'hôpital du Saint-Sépulcre, dont l'ensemble des bâtiments, construits progressivement, ont été retrouvés. L'hôpital est abandonné vers 1280, laissant lui aussi la place à des habitations.
Puis un véritable lotissement se met en place, probablement dans la toute fin du XIIIe siècle. En même temps intervient la construction de l'enceinte du plan Fourmiguier (zone au fond du port servant à la réparation navale). Selon les archives, ces terrains appartenaient à Philippe Anselme, amiral de la flotte du roi de Naples, qui les a légués par testament au monastère Saint-Victor en 1301.
Au milieu du XIVe siècle, en pleine guerre de Cent Ans, la municipalité décide de faire détruire l'ensemble du faubourg pour protéger la ville des bandes de mercenaires (les « routiers ») qui ravagent alors la Provence.
À l'époque moderne
Le site ne connaît pas d'urbanisation avant le début du XVIIe siècle. Les conflits opposant le royaume de France à l'empire des Habsbourg et les guerres de Religion ont entraîné par trois fois (en 1524, 1536 et en 1590) un siège de la ville.
Les nouveaux édifices qui occupent progressivement l'espace des faubourgs reprennent les limites des parcelles médiévales. Le quartier est intégré dans l'agrandissement de Marseille voulu par Louis XIV.
Vers 1765, la zone fait l'objet d'une reconstruction totale pour la création d'une place royale, laquelle n'occupera finalement que la moitié nord du site. Il faudra attendre le courant du XIXe siècle pour que l'actuelle place Général-de-Gaulle prenne une configuration proche de celle qu'on lui connaît aujourd'hui. Pour autant, entre 1860 et 2000, pas moins de trois fontaines différentes prendront place au centre de l'espace public.