Vue zénithale du cercueil en plomb dans sa fosse et de la plaque permettant l'identification du défunt.
© Rozenn Colleter, Inrap
© Rozenn Colleter, Inrap
Description
En 2015, pendant des travaux de réfection des sols de l'église Toussaints de Rennes (ancienne chapelle jésuite du collège Saint-Thomas), un cercueil en plomb a été mis au jour. Cette découverte fortuite et isolée a entraîné la mise en place d'une intervention de sauvegarde archéologique. Une plaque métallique, présente sur la cuve, portait l'épitaphe suivante : « Messire Louys De / Bruslon / Seigneur Du Plessis / décédé le Premier Jour de / Novembre 1661 ».Résultats
Le corps est enveloppé dans différentes couches de tissus. Deux linceuls (pièces de toile dans lesquelles les morts étaient ensevelis) superposés parent le corps : le dernier est maintenu par une corde et quelques épingles ; l'autre est cousu par trois liens. Sous les linceuls, deux suaires (voiles dont on recouvrait la tête des morts) superposés couvrent la tête et le visage du défunt. Dessous, le corps est simplement vêtu d'une longue chemise de toile descendant jusqu'aux genoux. Un scapulaire de dévotion (carré d'étoffe bénite, plus ou moins garnie d'images pieuses, que le fidèle attache sous les vêtements) est porté en bandoulière de l'épaule droite vers le bras et le flanc gauche du défunt.L'homme a été embaumé, la totalité de son squelette est conservée, mais également les téguments au niveau de la tête et du tronc. Il mesure 1,55 m et son poids résiduel est de 21,5 kg. Une incision en forme de croix sur le thorax et l'abdomen a permis aux embaumeurs d'accéder aux côtes, qui ont été sectionnées de manière nette et bilatérale, de même que les cartilages costo-sternaux. Les cavités pelviennes, abdominales et thoraciques ont été vidées et remplacées par une succession de couches horizontales de baume végétal et d'étoupe. Après quoi le cadavre a été recousu par un surjet simple, parfaitement bien maîtrisé. Les interventions du chirurgien, de l'apothicaire et des préparateurs du corps paraissent avoir été réalisées ici de concert. Enfin le cercueil en plomb a été assemblé, fermé et soudé par le plombier autour du corps.
Pour la première fois, de par la bonne conservation des matières organiques, nous pouvons affirmer que la mutilation du cadavre pour l'embaumement n'a pas eu comme objectif de présenter un corps apaisé à la famille. En ce sens, l'embaumement ne préfigure alors en rien la thanatopraxie moderne, destinée à retarder la décomposition du corps pour sa présentation. En effet, du baume végétal avait été déposé sur la face de Louis de Bruslon avant qu'il ne soit emmailloté dans ses deux suaires. Si le but recherché était bien celui de la conservation du corps, il ne s'agissait clairement pas de le montrer. Nous sommes alors sans doute en présence d'un courant de pensée qui assimilait la résurrection de la chair à celle des chairs, concept valorisé par le Concile de Trente, que les Jésuites connaissaient particulièrement bien.
Bien qu'isolée, l'étude de cette inhumation montre la poursuite de pratiques anciennes. Comme plusieurs siècles auparavant, cet aristocrate souhaite se faire inhumer dans un édifice cultuel porteur de symboles pour son lignage. Il choisit également un traitement mortuaire propre à son statut : être embaumé puis enseveli dans un cercueil en plomb.