Vue de l'échoppe de teinturier en cours de fouille. À gauche, au début de la fouille. À droite, plusieurs emplacements de cuves successives ont été mis en évidence.
18 allée Coysevox, Rennes (Ille-et-Vilaine), 2016.
© Céline Baudoin, Inrap
18 allée Coysevox, Rennes (Ille-et-Vilaine), 2016.
© Céline Baudoin, Inrap
Description
Le projet de construction d'un pavillon individuel est à l'origine de cette fouille menée en 2016 sur 623 m2. La parcelle se situe en effet dans secteur particulièrement sensible de l'agglomération antique, qui a fait l'objet de recherches nombreuses, ayant à chaque fois révélé un riche patrimoine archéologique enfoui. Le site, bien que largement perturbé à l'époque moderne par des carrières, recelait encore de nombreux vestiges d'époque romaine. Ceux-ci ont livré de précieuses informations permettant de mieux connaître ce quartier proche du centre de Condate.Résultats
La partie est d'un îlot urbainLa parcelle se situe quasiment à égale distance de deux rues orientées est-ouest (decumanus) situées à une vingtaine de mètres de ses limites sud et nord. Elle jouxte le côté ouest d'une rue orientée nord-sud (cardo), dont le tracé a déjà été observé à plusieurs emplacements. Seul le bord de cette chaussée situé en limite extrême de l'emprise de la fouille a pu être reconnu. Son trottoir occidental, présent dans la parcelle étudiée, a en revanche pu être observé.
Des lieux occupés dès le début de l'époque romaine
Les premiers aménagements témoignant de l'urbanisation du site sont quelques fossés parcellaires, qui témoignent d'une organisation orthogonale apparue dès le début de notre ère et s'accordant assez bien avec la trame urbaine. Ils paraissent être associés à des traces d'activité artisanale matérialisées par des fosses et des structures de chauffe excavées. La nature de ces activités n'est pas identifiée. Sur le côté est, le long de la rue, l'emplacement d'un petit bâtiment quadrangulaire sur poteaux plantés apparaissant vers la même époque a été identifié. Sa fonction demeure énigmatique pour l'instant.
Des constructions en bordure de rue et un jardin
Les premières constructions plus complexes apparaissent vers le milieu du Ier siècle. Ce sont des bâtiments recourant au système de fondations sur poutres sablières semi-enterrées ou posées à même le sol et disposant de parois à colombages hourdées de terre. Sur les côtés est, nord et nord-est, des lambeaux de sol en terre battue permettent d'en restituer partiellement les plans. Au nord-ouest, par contre, de grands terrassements ainsi que des maçonneries postérieures ont fait disparaître ces limites. Elles sont toutefois fossilisées par ces nouveaux murs qui sont installés à l'emplacement des parois plus anciennes. Ainsi on identifie la présence d'espaces construits se développant assez logiquement le long du decumanus situé plus au nord, tandis qu'en partie intérieure de l'îlot, un espace de jardin qui perdurera jusqu'à la fin de l'époque antique existe déjà à cette époque.
Des artisans verriers de la seconde moitié du Ier siècle
Un atelier de verrier a été reconnu dans la partie centrale de l'îlot grâce à deux petits fours circulaires caractéristiques, associés à des déchets et fils de verre. Compte-tenu des perturbations (carrières) mentionnées plus haut, aucune autre trace de cet artisanat n'a pu être perçue.
Une riche demeure du début de l'époque romaine
Dans l'angle nord-ouest de la fouille, un niveau de remblai étalé a livré d'innombrable tesselles de mosaïque en schiste noir et en calcaire blanc associées à de très nombreux petits carreaux de terre cuite d'un module supérieur. L'épaisseur et la dimension de ces derniers montrent qu'ils faisaient partie intégrante d'un même sol. Il faut souligner ici la précocité de ce type de décors et surtout la richesse des locaux auxquels ils sont généralement associés.
Une échoppe de teinturiers en bordure de la rue
Parallèlement, des activités artisanales se développent le long du tracé du cardo. Elles sont notamment caractérisées par des locaux à ossature de bois équipés de cuves enterrées. Ces dernières sont révélées par la présence de fosses initialement cuvelées de bois et d'une petite citerne maçonnée.
Ces activités sont donc probablement associées à l'usage de l'eau, fournie par deux puits repérés dans ce secteur. Dans le fond de l'un d'eux, de nombreux restes végétaux conservés dans la vase ainsi que des graines et des pollens caractéristiques de plantes souvent utilisées par les teinturiers ont été retrouvés. Ils permettent de supposer que c'est ce corps de métier qui était installé en bordure de la rue.
De grandes demeures en bordure de rue
Au début du IIe siècle le bâti en dur succède aux constructions à architecture de terre et de bois des premiers temps. À cette époque, toute la zone nord de l'emprise fouillée correspond à l'arrière de grandes propriétés. Leur façade donne sur le decumanus situé un peu plus loin et sur le cardo pour l'une d'entre elles. En intérieur d'îlot se trouve une vaste construction quadrangulaire. Limitée au sud par le tracé d'une ruelle dont seules quelques traces ont été retrouvées, elle pourrait correspondre à un bâtiment à vocation technique ou de stockage. L'absence de sol conservé et d'indices complémentaires ne permet pas d'être plus précis. Cette configuration des lieux perdure jusque vers la fin du IIIe siècle, après quoi les lieux sont partiellement abandonnés.
Une construction monumentale tardive inachevée
L'évolution du site à la fin de l'Antiquité est difficile à cerner. Les seuls témoins de cette époque sont quelques monnaies du début du IVe siècle retrouvées dans le comblement supérieur des puits. À la même époque, l'espace public que constitue le cardo, ainsi que ses abords, sont barrés par une large tranchée de fondation sans doute liée à un projet de construction monumentale. Cette dernière semble juste avoir été ébauchée, car ses fondations maçonnées sont restées inachevées. Leur largeur importante évoque une fortification, toutefois les indices sont trop ténus pour être catégorique.
Les lieux semblent ensuite totalement abandonnés pour une longue période, comme en témoigne la présence d'une sépulture isolée, installée en pleine terre non loin du bord ouest de la rue. La datation par la méthode du carbone14 (14C) menée sur les ossements indique que cette tombe daterait du IXe siècle.