Localisation des sites sur le territoire de Rennes

12 quai Dugay-Trouin

Localisation du site dans le quadrillage que formaient les rues de la ville antique. 12 quai Duguay Trouin, Rennes (Ille-et-Vilaine), 2019.  © Arnaud Desfonds, Stéphane Jean, Gaétan Le Cloirec et Dominique Pouille, Inrap ; Thierry Lorho, SRA
Localisation du site dans le quadrillage que formaient les rues de la ville antique. 12 quai Duguay Trouin, Rennes (Ille-et-Vilaine), 2019.
© Arnaud Desfonds, Stéphane Jean, Gaétan Le Cloirec et Dominique Pouille, Inrap ; Thierry Lorho, SRA

Description

La fouille du 12 quai Duguay-Trouin a été motivée par un aménagement privé reprenant l'emprise de l'ancien cinéma Gaumont, qui borde la rue du Cartage. Elle permis de retracer l'histoire de l'occupation de ce secteur depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. La découverte majeure de cette opération consiste en un édifice fortifié de type tour-maîtresse daté de l'époque romane.  

Les données archéologiques recueillies sont actuellement en cours d'étude. Il est toutefois déjà possible de faire état de plusieurs phases d'occupation sur le versant nord de la Vilaine.

Résultats

Un secteur inédit de la ville à la fin de l'Antiquité  

Vers les  années 270-280, la ville de Condate, qui s'étendait jusqu'alors sur près de 100 hectares, se rétracte à l'intérieur d'une muraille monumentale et ne couvre plus que 9,5 hectares. Le castrum antique est aménagé de deux portes principales, à l'est à et l'ouest, et de deux entrées secondaires, ou poternes, l'une au nord (Porte Rallier du Baty) et l'autre au sud, ouvrant sur la Vilaine (Porta Aquaria). Cette dernière a été observée lors de la construction du cinéma Gaumont en 1968 sous le quai Duguay-Trouin, avec un long tronçon du rempart antique.

De nombreuses traces d'occupation tardo-antique ont été mises au jour sur le versant nord de la Vilaine, où est intervenue la fouille. Elles témoignent d'une activité d'extraction d'argile altérée de schiste et de l'installation de bâtiments, construits sur poteaux ou en dur. Sur le point haut du versant, l'espace est structuré par un fossé facilitant probablement le drainage ; un chemin suit une pente nord-ouest/sud-est en direction de la poterne sud. En contrebas, d'importantes couches de remblai ont été apportées pour aménager un boulevard de circulation à l'intérieur de la muraille. 

Une tour-maîtresse du Moyen Âge classique
 

Un édifice de plan quadrangulaire adossé contre la muraille antique a été découvert lors de la fouille du 12 quai Duguay-Trouin. Construit en blocs de granite taillés et en moellons de schiste, il possède un rez-de-chaussée avec un emmarchement à l'ouest. Ses dimensions (largeur : 10,80 m ; longueur : au moins 23 m) et le caractère ostentatoire de son architecture permettent d'y voir une tour-maîtresse, alliant des fonctions à la fois résidentielle et défensive, occupée par un aristocrate de haut rang. Une première recherche dans les sources écrites anciennes autorise à penser qu'il s'agissait de la résidence du sénéchal de Bretagne, véritable allié du comte et duc de Bretagne. 

L'état de conservation de la tour-maîtresse montre un arasement volontaire et même une destruction par le feu (traces de rubéfaction sur les parements intérieurs), dont on ignore encore les raisons. 

Un nouveau marché à l'initiative de François II, duc de Bretagne 

Les maçonneries arasées de la tour-maîtresse servent de butée maçonnée pour des halles installées dans le prolongement du Vieux marché à l'Avoir (marché aux bestiaux situé à l'emplacement de l'actuelle place du Calvaire). En 1484, le marché du Cartage est créé ; son nom indique que le duc percevait un quart des droits sur les produits vendus. En 1487, François II fait construire un bâtiment qui abrite les étals et ouvre sur l'actuelle ruelle du Cartage. L'aspect économique du secteur est alors renforcé par l'essor des activités soutenues par le pouvoir ducal. Les abords directs des espaces commerciaux sont quant à eux lotis de maisons avec jardin et cave. 

À l'époque moderne, des hôtels particuliers et un couvent  

Par la suite, trois hôtels particuliers (Cucé, Armaillé et Clayes) se partagent le quartier. Les vestiges mis au jour concernent certaines annexes de ces grandes demeures (remise de carrosse, cour et/ou jardin). L'hôtel de Cucé occupe la majeure partie de ce secteur jusqu'à ce que Calliope d'Argentré, l'épouse du marquis de Cucé, décide de faire édifier un couvent sur sa propriété. Commencés en 1678, les travaux s'achèvent le 1er novembre 1681 par la bénédiction de la chapelle, qui se distingue par son plan ovale et une rotonde monumentale. La fouille a permis de mettre au jour La fondation de son mur sud et quelques maçonneries attribuées aux annexes du couvent ont été découverts lors de la fouille.

Des salles de spectacle à l'époque contemporaine


Après la Révolution, la chapelle changera de nombreuses fois d'affectations pour finalement abriter un théâtre puis un cinéma (Omnia-Pathé). Ravagé par un incendie en 1906, ce dernier est remplacé par un nouveau bâtiment plus moderne qui aura raison des vestiges de la chapelle. Dans les années 1960, l'idée de développer des multiplexes sur le sol français voit le jour ; le cinéma Le Dauphin est alors construit entre le quai Duguay-Trouin et le cinéma Pathé, qui lui est rattaché. En 1977, Gaumont rachète l'ensemble et crée un complexe de huit salles, qui fermera ses portes le 4 novembre 2008 pour être transféré sur l'actuelle esplanade Charles de Gaulle.